Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weimar (république de) (suite)

L’Allemagne ne peut plus payer, et cette faillite est d’autant plus dramatique qu’industrie et agriculture sont en plein essor. Aussi la France décide-t-elle d’occuper la Ruhr* pour en contrôler l’activité économique. Le 11 janvier 1923, les troupes franco-belges occupent l’ensemble de la Ruhr, mais se heurtent à une véritable résistance passive. Toutes les activités s’arrêtent. En Allemagne, la situation empire. On manque de charbon et de produits industriels, et la monnaie allemande se décompose littéralement. Le mark-or, qui valait 4 280 mark en janvier 1923, atteint 6 milliards de mark en octobre de la même année. Les prix changent parfois plusieurs fois par jour. C’est le temps de billets de 1 milliard de mark, de billets de chemin de fer et de timbres-poste plusieurs fois surchargés ; et, pour emporter son salaire, il faut une ou plusieurs valises.

Cette situation a des conséquences sociales très graves. Le prolétariat et surtout la classe moyenne sont durement touchés par l’inflation. On constate en effet, de 1913 à 1923, une diminution considérable des revenus de la moyenne bourgeoisie. Certains ont pu parler d’une véritable expropriation de la petite et de la moyenne bourgeoisie.

Mais la classe moyenne n’accepte pas cette évolution et ne veut pas de révolution sociale. Déjà profondément nationaliste, elle est prête à écouter tout mouvement qui apparaît comme son défenseur et qui appellera à la revanche contre les responsables, les vainqueurs, les Juifs, la république. C’est dans ces milieux que le national-socialisme* va rencontrer ses plus fidèles défenseurs ; aux élections de 1924, ce mouvement groupe près de 2 000 000 de voix.

Un seul groupe social profite véritablement de la crise : la grande bourgeoisie. Pendant la guerre, celle-ci a exporté ce qu’elle a pu de ses capitaux. D’autre part, en réglant comptant une part minime de ce qu’elle désire acheter, elle paie le reste en bénéficiant d’une dépréciation de la monnaie importante chaque jour. Économiquement, cela permet à l’Allemagne de renforcer ses grandes entreprises et de reconstituer l’ensemble de son potentiel économique, d’autant que les exportations se trouvent facilitées par la faiblesse de la monnaie et le taux relativement peu élevé des salaires.


Le temps des putschs

Les troubles économiques permettent de comprendre l’envergure des troubles politiques. Dès 1919 se sont constitués une série de corps francs, qui ont pour but la défense des frontières de l’Est, menacées par les Polonais, et de l’ordre intérieur, menacé par les communistes. Ces groupes, dont certains vont guerroyer jusque dans les provinces baltes, sont formés pour une bonne part d’officiers et de sous-officiers de l’ancienne armée, mis en disponibilité ou démobilisés. Un décret du 19 janvier 1919 a reconstitué une armée allemande, la Reichswehr (placée sous la direction du général Hans von Seeckt [1866-1936]), à côté de laquelle se forme une véritable garde nationale, la Einwohnerwehr, créée avec l’aide du gouvernement pour maintenir l’ordre. À la demande des Alliés, l’armée doit être dissoute pour le 1er janvier 1921 ; en fait, la plus grande partie subsiste. En outre, les corps francs se développent en Prusse-Orientale et en Haute-Silésie : en avril 1920, ils groupent une centaine de milliers d’hommes. Ils sont à la fois une protection et un danger pour la république de Weimar : protection dans la mesure où leur action permet à l’Allemagne de conserver la Prusse-Orientale et la majeure partie de la Haute-Silésie, où le référendum du 20 mars 1921 donne 60 p. 100 des voix à l’Allemagne ; menace dans la mesure où ces groupes veulent faire disparaître la république.

Au début de 1920, on rapatrie en Allemagne une partie des corps francs des pays baltiques, et le gouvernement envisage de les dissoudre ; mais il agit trop tard, et, en mars 1920, l’un des chefs des corps francs, Walther von Lüttwitz (1859-1942), et un haut fonctionnaire, Wolfgang Kapp (1858-1922), décident de renverser le gouvernement pour le remplacer par un gouvernement militaire. S’appuyant sur le groupe de choc commandé par le capitaine Hermann Ehrhardt (1881-1971), les corps francs entrent dans Berlin, abandonnée par le président Ebert. Le gouvernement s’enfuit à Dresde, puis à Stuttgart. Il semble que le putsch ait réussi. La classe ouvrière, à l’appel des partis communiste et socialiste ainsi que des syndicats, déclenche la grève générale. La situation devient telle que Kapp et Ehrhardt doivent évacuer Berlin, non sans s’être livrés à de véritables pogroms dans les quartiers juifs de la ville. À Leipzig, en Saxe, en Thuringe et dans la Ruhr, des troubles se produisent. Partout le gouvernement légal peut reprendre la situation en main grâce à l’aide de la classe ouvrière. Il n’y a qu’en Bavière que la droite l’emporte.

Le 12 août 1923, le gouvernement est confié au chancelier Gustav Stresemann*, qui engage une politique toute différente. Le 26 septembre, le gouvernement fait cesser la résistance dans la Ruhr et entreprend de nouvelles négociations avec les Français. Mais un peu partout la situation reste difficile : des incidents éclatent à Aix-la-Chapelle, à Berlin, à Francfort, à Hambourg et à Essen, et l’on craint un coup d’État. Les pleins pouvoirs sont confiés à la Reichswehr, et l’état de siège est décrété le 29 septembre. La Reichswehr est envoyée en Saxe et en Thuringe, où se forment le 11 octobre dés gouvernements ouvriers élus par les Landtage. Dans ces deux provinces, l’armée intervient, dépose sans difficulté les gouvernements, tandis qu’à Hambourg le parti communiste déclenche une grève de solidarité et prépare l’insurrection. Mais les militants ne sont soutenus ni par la population à Hambourg même ni par le parti dans l’ensemble du Reich. La Reichswehr réprime assez aisément ce soulèvement, entraînant toutefois la démission des ministres socialistes.

Le dernier putsch, le plus important, a pour cadre la Bavière, où le pouvoir appartient au général Gustav von Kahr (1862-1934), lié à l’extrême droite. Le 8 novembre 1923 éclate à Munich un coup d’État, monté avec la complicité de von Kahr par un nouveau parti d’extrême droite, le parti national-socialiste des travailleurs allemands, dirigé par un certain Adolf Hitler*. Mais tous les pouvoirs sont confiés à la Reichswehr, et von Kahr se ravise, mobilise la police et la Reichswehr contre les nazis. Ceux-ci tentent malgré tout une manifestation, que dirige Hitler, accompagné de Ludendorff*. La police disperse la manifestation.