Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weimar (république de) (suite)

Au même moment se constitue le parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD), sous l’influence des spartakistes. Ce nouveau parti préconise « la lutte de masse violente » et se refuse, malgré les efforts de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, à participer aux élections à l’Assemblée. Il veut une république socialiste unitaire et fait, en même temps, de la spontanéité révolutionnaire le moteur de la révolution. Sur le plan économique et social, il propose la journée de six heures, la nationalisation des grands domaines, des banques et de la grande industrie. Il proclame sa solidarité inconditionnelle avec les communistes russes. Mais il échoue dans ses négociations avec les délégués d’usines.

Le Conseil des commissaires du peuple cherche, dès lors, à écraser la révolution. Des troupes sont rassemblées contre la capitale, et l’on décide de destituer le préfet de police, favorable aux socialistes de gauche. Aussitôt la nouvelle connue, socialistes indépendants et communistes appellent la classe ouvrière à manifester dans la rue. Le 6 janvier, la grève est générale à Berlin. La préfecture de police, de nombreuses imprimeries et des bâtiments publics sont occupés par les manifestants. Mais, pendant que l’extrême gauche discute de la politique à suivre, le gouvernement provisoire rétablit l’ordre brutalement.

Liebknecht et Rosa Luxemburg sont arrêtés, puis exécutés (15 janv.). Berlin est occupée militairement. À Brême et dans la Ruhr, les manifestations ouvrières sont brisées par l’armée, ce qui fait de nombreuses victimes.

Ainsi, la révolution a échoué en Allemagne. On peut trouver maintes raisons à cela : les principales sont l’absence d’une classe ouvrière favorable à la révolution et la puissance de la bourgeoisie.

Cependant, la Bavière* maintient pour quelque temps le flambeau révolutionnaire. Le gouvernement provisoire de Munich est favorable aux socialistes indépendants. Mais les élections au Landtag de Bavière (12 janv.) donnent la majorité aux partis bourgeois, et, après les émeutes de Berlin, de la Ruhr et de Brême, le gouvernement provisoire doit céder le pouvoir à la nouvelle assemblée. Kurt Eisner, chef du gouvernement provisoire, est assassiné le 21 février. La situation est si difficile que le Landtag n’ose pas se réunir, et les conseils d’ouvriers gardent le pouvoir. Ils décident l’interdiction de la presse bourgeoise, l’armement du prolétariat et l’arrestation de cinquante otages réactionnaires. Le 17 mars, le Landtag se réunit et constitue un gouvernement SPD homogène.

La situation s’aggrave pourtant, et le congrès des conseils ouvriers proclame le 7 avril une république bavaroise des conseils ouvriers, qui annonce qu’elle rompt avec le gouvernement du Reich, tandis que le gouvernement légal bavarois s’installe à Bamberg : il peut compter sur l’appui des paysans. Aussi réunit-il en quelques jours une armée contre-révolutionnaire, qui force très vite au repli l’armée populaire de Bavière. Au début de mai, l’ordre est rétabli, non sans de véritables massacres.


Les élections à la Constituante

Entre-temps, les élections ont eu lieu le 19 janvier 1919. La gauche remporte un très net succès, mais moins éclatant qu’elle ne l’espérait, puisque socialistes orthodoxes et socialistes indépendants n’obtiennent qu’un peu plus de 45 p. 100 des voix. Quatre autres partis importants apparaissent : les nationaux-allemands (Deutschnationale Volkspartei), héritiers du parti conservateur ; le parti populiste (Deutsche Volkspartei), qui se substitue aux nationaux-libéraux ; le centre (Zentrum) ; le parti progressiste, qui prend désormais le nom de parti démocrate (Deutsche demokratische Partei).

Les résultats des élections montrent bien l’existence de trois grands courants : le courant socialiste (45 p. 100 des suffrages), un courant modéré avec le Centre et les démocrates (38 p. 100), et un courant conservateur relativement faible (15 p. 100). Les idées révolutionnaires ou même républicaines réunissent en définitive moins de la moitié des suffrages, bien que les démocrates se soient prononcés en apparence pour la république.

La Constituante se réunit le 6 février à Weimar, loin du peuple de Berlin. Il se constitue très vite un gouvernement groupant sociaux-démocrates, démocrates et Centre pour tenir une conduite modérée en matière politique et modérément socialiste en matière sociale. La nouvelle assemblée a trois tâches importantes : donner une Constitution à l’Allemagne, signer la paix, définir une politique économique et sociale.

La Constitution est assez vite rédigée, mais un premier projet, dû à Hugo Preuss (1860-1925), qui préconise une Allemagne unitaire, est repoussé en raison de l’opposition des États (Länder). Dix-sept Länder sont maintenus avec leur propre gouvernement, leur parlement et des compétences assez importantes pour l’éducation, la vie culturelle et les travaux publics. Mais le président du Reich peut, désormais, imposer une mesure à un État et intervenir si cet État se refuse à ses obligations, et, de toute manière, « droit du Reich brise droit de Pays » (« Reichsrecht bricht Landrecht »). Le pouvoir législatif est confié au Reichstag, élu pour quatre ans au suffrage universel et au scrutin proportionnel. Un Conseil du Reich (Reichsrat) groupe les délégués des États. Il peut faire différer l’application d’une loi votée par le Reichstag, sauf si celle-ci a obtenu la majorité des deux tiers. Un Conseil économique (Reichswirtschaftsrat) est prévu, mais son rôle reste très limité.

Le pouvoir exécutif est aux mains du président du Reich, qui, élu pour sept ans au suffrage universel direct, nomme le chancelier, responsable devant le Reichstag, et dispose du droit de dissolution. La Constitution comporte en outre un article 48 qui permet au président de suspendre les droits fondamentaux et autorise le chancelier à gouverner par décrets-lois.

Enfin, le référendum peut être utilisé soit par le président du Reich, soit par 10 p. 100 des électeurs. La Constitution maintient ainsi des pouvoirs considérables à l’exécutif et s’inscrit dans le cadre du « parlementarisme rationalisé ».