Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wehrmacht (suite)

• La dernière Wehrmacht. Le soir du 20 juillet, Hitler écarte Zeitzler et appelle Guderian à l’OKH comme chef d’état-major de l’armée. C’est ce dernier qui présidera à la dernière reconstitution d’une armée qui, après avoir perdu 106 divisions au cours de l’année 1944, devra défendre les frontières du Reich, attaquées sur deux fronts, dont seul, celui de l’Est, relève de sa responsabilité, alors que le front français, comme l’Italie et les Balkans, dépend de Jodl et de Keitel à l’OKW.

Dans ce dernier effort, Guderian doit sans cesse composer avec le parti. Non seulement les militaires adoptent le salut nazi, mais l’Abwehr passe sous la coupe directe de son pire ennemi, le Reichsführer SS Himmler, que Hitler met en outre à la tête de l’armée de l’intérieur (Ersatzheer), puis du groupe d’armées de la Vistule (24 janv. - 20 mars 1945). Pour faire nombre et libérer pour le front l’Ersatzheer, le Führer décrète le 25 septembre 1944 la formation du Volkssturm, sorte de levée en masse, opérée par le parti, de tous les non-mobilisés : jeunes de 16 à 19 ans, vieux de 50 à 60 ans, condamnés, récupérés constituent 45 divisions populaires, tandis que les Hitlerjugend de 14 à 16 ans sont engagés dans la défense du territoire ; 25 divisions de « grenadiers du peuple » et 15 brigades blindées SS renforcent l’armée de campagne, qui, au lendemain de l’ultime offensive de Rundstedt dans les Ardennes, où elle a engagé 800 chars, rassemble 292 grandes unités du nom de divisions mais de type, d’effectif et de valeur très disparates. À cette date, la Luftwaffe aligne encore 1 300 chasseurs et commande une défense aérienne au sol de 40 000 canons servis par plus de 700 000 hommes.

Toutes ces troupes se battront de façon coordonnée jusqu’à la fin mars 1945, date à laquelle, au lendemain de l’arrivée des divisions soviétiques à Bautzen et à Küstrin, et des forces américaines à Francfort-sur-le-Main, Hitler renvoie Guderian (le 28) et le remplace nominalement par le général Hans Krebs. Ensuite, il ne s’agira plus que de combats fractionnés, mais, jusqu’au bout, l’énorme machine de guerre allemande tournera tant dans le domaine des fabrications d’armement que dans celui de la recherche scientifique, où beaucoup pensent que les savants allemands étaient proches, en 1945, d’expérimenter une explosion nucléaire sans posséder toutefois les moyens de l’exploiter militairement.

Le 29 avril, avant son suicide, Hitler a désigné l’amiral Dönitz pour son successeur. C’est ce dernier qui autorisera les ultimes redditions et surtout la capitulation générale, signée sur son ordre le 7 mai à Reims par le général Jodl, qu’il venait de nommer chef d’état-major général de la Wehrmacht. Ce document préfigurait l’acte solennel de capitulation des forces allemandes signé le 8 mai à Berlin par le maréchal Keitel, le général Hans-Jürgen Stumpff (1889-1968) [au nom de la Luftwaffe] et l’amiral Hans-Georg von Friedeburg (1895-1945) [au nom de la Kriegsmarine].

Le 9 mai 1945 était publié, sous le timbre du quartier général du grand amiral Dönitz, le dernier communiqué de l’OKW : « Depuis minuit, les armes se taisent sur tous les fronts. Sur ordre du grand amiral, la Wehrmacht a cessé un combat devenu sans issue. »

Quelques données sur les forces terrestres (Heer)

La guerre éclair

1939 - mars (avant mobilisation) : 51 div. (1), dont 5 bl. (1) ;
- septembre : 106 div., dont 7 bl. et 4 mot. (1), soit : Pologne 58 (dont 7 bl.), Ouest 43, intérieur 5.

1940 - mai : 157 div. (dont 10 bl. et 7 mot.), soit : Ouest 136 (dont 10 bl. avec 2 574 chars), Scandinavie (2) 8, Est 10, intérieur 3 (v. France [campagne de].

1941 - juin : 209 div., dont 21 bl., 14 mot. (5 de Waffen-SS), soit : Est 149 (dont 19 bl. avec 3 682 chars), Scandinavie 13, Ouest 38, Balkans 7, Afrique 2 bl. avec 350 chars.
Pertes du 1er septembre 1939 au 1er juin 1941 : 93 700 tués et 3 400 disparus.

1942 - juillet : 233 div., dont 25 bl., 15 mot., 1 de cav. (1) [7 de Waffen-SS], soit : Est 178, Finlande 5, Scandinavie 13, Balkans 5, Ouest 29, Afrique 3. (Pour l’armée de campagne : 3,9 millions d’hommes, dont 2,8 sur le front russe. À ce total s’ajoutent sur ce front les divisions des pays alliés du Reich : 26 roumaines, 11 italiennes, 13 hongroises, 2 slovaques, 1 croate, 1 espagnole.) Chars en service le 1er juillet : 3 471 (plus 2 192 périmés).

Le tournant

1943 - juillet : 277 div., dont 23 bl., 21 Pzgren. (3), 1 de cav. (12 de Waffen-SS et 22 de la Luftwaffe), soit : Est 187 (dont 16 bl. et 12 Pzgren., mais non compris les divisions alliées), Finlande 7, Scandinavie 17, Ouest 44, Italie 7, Balkans 15. Pertes de décembre 1942 à février 1943 (Stalingrad) : 117 000 tués et 182 000 disparus.

La guerre sur deux fronts

1944 - juin : 285 div., dont 31 bl., 16 Pzgren., 3 de cav. (21 de Waffen-SS et 6 de la Luftwaffe), soit : Est 157 (dont 19 bl. et 7 Pzgren.), Finlande 7, Balkans 25 (soit 55 p. 100 + 2,5 p. 100 + 8,8 p. 100 = 66,3 p. 100 contre les Soviétiques), Ouest 54 (dont 9 bl.), Italie 27, Scandinavie 15.

Armée de campagne le 1er juillet : 4 millions d’hommes, dont 2,16 sur le front russe et 0,9 sur le front ouest. Chars en service le 1er juin : 5 481 (dont 2 544 « Tiger » et « Panther »), plus 1 660 périmés.

1945 - janvier : env. 292 (?) div. incomplètes et disparates (21 de Waffen-SS), soit : Est et Balkans 156, Ouest 80, Italie 26, divers 30. Chars en service le 1er mars : env. 5 500.

Bilan 1939-1945

Les pertes humaines dénombrées par l’OKW se montent du 1er septembre 1939 au 30 avril 1945 à 2 230 000 tués (armée et Waffen-SS : 2 millions ; Luftwaffe : 165 000 ; marine : 65 000) et à 2 860 000 disparus (armée et Waffen-SS : 2,6 millions ; Luftwaffe : 155 000 ; marine : 105 000). La grande majorité de ces disparus ressortit au front russe ; parmi eux, l’estimation du nombre des morts ne peut être faite que par comparaison avec celui des militaires allemands prisonniers libérés par l’U. R. S. S. (env. 1 million). Dans ces conditions, le total des pertes militaires allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale est évalué à environ 4 millions de morts, soit, pour une population de 85 millions d’habitants, le double des morts militaires allemands de 1914-1918 (environ 2 millions pour une population de 66 millions d’habitants).

Les pertes en avions de combat (dommages supérieurs à 10 p. 100) sont estimées à 8 421 de septembre 1939 à juin 1941, à 13 769 de juillet 1941 au 31 décembre 1942, à 17 495 en 1943, à 32 280 en 1944.

Les pertes en blindés, de mai 1941 à janvier 1945, sont estimées à environ 19 000 chars et à 7 231 canons d’assaut (Sturmgeschütz).

• Production de chars et d’avions. V. Guerre mondiale (Seconde), l’effort de guerre allemand.

• L’engagement des sous-marins allemands. V. Guerre mondiale (Seconde), la bataille de l’Atlantique et sous-marin.

(1) bl. = blindées ; cav. = cavalerie ; div. = division ; mot. = motorisées.
(2) Scandinavie = Danemark et Norvège.
(3) Depuis mai 1943, la division motorisée a pris le nom de « division de grenadiers blindés » (Panzergrenadierdivision, abrév. Pzgren.).

P. D. et H. M.