Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Wagner (Richard) (suite)

En 1862, une nouvelle amnistie autorise Wagner à rentrer dans sa patrie ; profondément affecté par l’échec de Tannhäuser, il parcourt les villes d’Europe qui lui sont accessibles et va jusqu’en Russie faire entendre, du moins au concert, d’importants fragments de ses œuvres dans l’espoir que, mieux connues, elles seront peut-être jouées. Entretemps, cependant, il a repris, après seize ans d’interruption, la composition des Maîtres chanteurs de Nuremberg (nov. 1861). Criblé de dettes et poursuivi par ses créanciers, il est contraint, en mars 1864, de quitter Vienne, où il s’est fixé à plusieurs reprises. Par Munich et Mariafeld, près de Zurich, il se rend à Stuttgart. C’est là qu’au soir du 3 mai 1864 l’envoyé du roi Louis II de Bavière* se présente à lui et le prie de se rendre sans retard auprès de son maître : c’est pour Wagner le premier espoir sérieux de voir enfin se réaliser ses projets ; l’action, pour lui, va peut-être devenir la sœur du rêve. Grâce à la faveur de ce prince ami des arts, Tannhäuser, le Vaisseau fantôme, Tristan et Isolde sont brillamment représentés (1864-65) à Munich. Mais la cabale parvient à triompher une fois de plus, et Wagner, de nouveau, doit reprendre le chemin de l’exil.

À Tribschen, près de Lucerne, où l’amitié du roi lui reste fidèle, la fille de Franz Liszt, Cosima (1837-1930), qui a abandonné son époux, le chef d’orchestre Hans von Bülow, vient le rejoindre (1868) ; elle l’épouse en 1870 après avoir obtenu le divorce et donné à Richard Wagner trois enfants, dont un fils, Siegfried. Quatre années de bonheur s’écoulent dans ce calme séjour, où s’achèvent les deux ultimes journées de la Tétralogie et les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868). C’est là que Wagner compose également, à l’intention de Cosima, Siegfried-Idyll, image d’une félicité que sa femme évoquera en ces termes dans une lettre à Nietzsche* : « Le bonheur suprême sur terre est une vision et cette vision, nous l’avons eue, nous, pauvres créatures. » Au sein de cette paix féconde s’élaborent les plans de Bayreuth, petite ville de Bavière où Wagner s’installe définitivement en avril 1872. À la Pentecôte de la même année, jour de son 59e anniversaire, Wagner pose la première pierre du théâtre du Festival (Festspielhaus) et dirige à cette occasion dans l’Opéra des Margraves la 9e symphonie de Beethoven. De nombreux voyages et tournées de concerts, l’installation dans la villa Wahnfried, que le roi Louis II a fait bâtir à son intention, la prospection d’artistes dignes de collaborer aux réalisations théâtrales projetées, l’orchestration du Crépuscule des dieux, l’organisation du « Patronat » et de la « Société Wagner » de Bayreuth, les représentations de Tannhäuser et de Lohengrin à Vienne (1875), de Tristan et Isolde (1876) à Berlin accaparent l’activité de Richard Wagner, tandis que s’achève la construction du théâtre du Festival. Les répétitions de l’Anneau du Nibelung (précédées par les études préliminaires de 1875) commencent le 3 juin 1876 sous la direction de Hans Richter (1843-1916). L’inauguration a lieu le 13 août 1876 en présence de l’empereur Guillaume Ier et de l’élite artistique du monde entier. Le roi Louis II n’a assisté qu’aux répétitions générales et s’est retiré à Hohenschwangau trois jours avant la première représentation. Trois cycles du Ring se succèdent ; c’est à l’issue du premier d’entre eux qu’à la fin d’un banquet de sept cents personnes Wagner salue la présence de Liszt en ces termes : « Sans lui, vous n’auriez probablement entendu aucune note de moi aujourd’hui. » Toutefois, malgré l’excellente gestion administrative, le premier festival laisse un lourd déficit, qui va entraver pendant six années la poursuite d’une telle entreprise.

Après un voyage de trois mois en Italie, Wagner rentre à Bayreuth et, dès février 1877, met au point l’esquisse définitive de Parsifal, qu’il a ébauché en 1857, mais dont l’idée lui est venue à deux reprises déjà, en 1845 et en 1855. Il achève cette œuvre, à laquelle il a pensé presque toute sa vie, le 13 janvier 1882 à Palerme ; quelques mois plus tard, le 26 juillet 1882, Parsifal est représenté à Bayreuth, et Wagner exprime le vœu d’en réserver l’exclusivité à son théâtre. Seize soirées consécutives n’en épuisent pas le succès et contribuent à relancer l’idée du festival.

Le 13 février 1883, alors que Wagner travaille à la rédaction d’un essai philosophique, la mort vient le prendre à Venise, où il passait chaque hiver depuis 1879. Sur l’un des feuillets épars se détachent, comme un ultime message, les derniers mots qu’il a écrit : « Amour... Tragique. » Ramenées à Bayreuth, les cendres de Wagner reposent (avec celles de Cosima, qui l’a rejoint en 1930) dans le jardin de la villa Wahnfried sous une dalle de marbre où, tous les ans, viennent se recueillir les pèlerins de Bayreuth en attendant l’appel qui, chaque soir, résonne depuis bientôt cent ans au sommet de la colline, elle aussi, comme celle de Sion que célébra Barrès, véritablement inspirée.


L’esthétique wagnérienne

Résolument opposé aux directives théâtrales de son époque, Wagner s’est efforcé de réaliser une synthèse des différents arts sous l’égide de la musique ; sa conception nouvelle du drame lyrique l’a déterminé à modifier la syntaxe et les structures classiques du genre afin de rendre mieux perceptibles les mouvements de l’âme humaine que masquent les contingences du récit légendaire. Dans cette transformation véritablement révolutionnaire, le dramaturge et le musicien ont eu chacun leur part.

Les principales œuvres de Richard Wagner

Drames musicaux

Les Noces (die Hochzeit), fragments (1832-33) ; les Fées (die Feen, 1833-34) ; Défense d’aimer (das Liebesverbot, 1835-36) ; Rienzi (1838-1840) ; le Vaisseau fantôme (der fliegende Holländer, 1841) ; Tannhäuser (1843-1845) ; Lohengrin (1846-1848) ; Tétralogie ou l’Anneau du Nibelung (der Ring des Nibelungen, 1853-1874) ; l’Or du Rhin (das Rheingold, 1853-54) ; la Walkyrie (die Walküre, 1854-1856) ; Siegfried (1856-1871), le Crépuscule des dieux (Götterdämmerung, 1869-1874) ; Tristan et Isolde (1857-1859) ; les Maîtres chanteurs de Nuremberg (die Meistersinger von Nürnberg, 1861-1868) ; Parsifal (1877-1882).