Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vosges (suite)

L’industrie est née des richesses locales : bois et force hydraulique. La main-d’œuvre abondante et bon marché a contribué à l’essor de nombreuses activités : papeteries, forges, verreries (dans les régions de grès). Toutefois, certaines branches ont connu un recul très net devant la concurrence extérieure. La fin du xixe s. a enregistré une véritable révolution avec l’introduction de l’industrie textile. En effet, le traité de Francfort (1871), en entraînant la perte de l’Alsace, incita les industriels cotonniers alsaciens à établir une partie de leurs usines sur le versant vosgien, de manière à conserver le marché français. C’est ainsi qu’à partir de 1875-1880 les hautes vallées vosgiennes — Moselle, Moselotte, Meurthe, Rabodeau, etc. — ont vu l’implantation de nombreuses usines de filature, de tissage et d’apprêt. L’immigration d’ouvriers alsaciens n’a pas été négligeable. Cette industrie a fait la prospérité des hautes vallées jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. La crise se fera sentir, toutefois, surtout après 1945. Les fermetures sont particulièrement nombreuses entre 1950 et 1965 des deux côtés du massif. Les industries nouvelles suivent difficilement et lentement, entraînant la régression démographique des parties supérieures des vallées. La reconversion a fait des progrès plus rapides dans le sud que dans le nord. Mais, en règle générale, l’avant-pays en profite plus que le massif proprement dit.

Le tourisme est un appoint de taille. Malheureusement, l’irrégularité des chutes de neige ralentit l’essor des sports d’hiver. Néanmoins, l’intérieur du massif peut compter sur une saison d’hiver et une saison d’été. Parmi les stations touristiques, Gérardmer et Saint-Dié occupent une place privilégiée. Mais on pourrait énumérer plusieurs centaines de localités aux attraits touristiques. Il s’y ajoute les établissements thermaux de l’avant-pays (Plombières-les-Bains, Vittel, Contrexéville), qui, malheureusement, ne sont ouverts qu’une partie de l’année. Associé à l’agriculture et à l’industrie, le tourisme peut être une ressource essentielle du massif. Les villes ne dépassent pas une taille moyenne (Épinal, chef-lieu du département des Vosges, a 42 810 habitants).

F. R.

Vosges. 88

Départ. de la Région Lorraine* ; 5 871 km2 ; 397 957 hab. Ch.-l. Épinal. S.-préf. Neufchâteau et Saint-Dié.


Le département des Vosges ne correspond nullement au massif du même nom. Il couvre deux grandes entités naturelles : les hautes Vosges cristallines à l’est et le plateau sédimentaire à l’ouest. La partie montagneuse correspond au massif hercynien qui a été profondément érodé avant le dépôt des grès du Trias. L’avant-pays actuel a connu le dépôt de grès, de calcaires coquilliers et de marnes. Les mouvements tectoniques ont pris une grande ampleur dès le début de l’ère tertiaire (Oligocène). Le bombement du massif a provoqué une dissymétrie considérable : affaissement des couches, par paquets, sur le versant alsacien avec accompagnement de failles d’une dénivellation de plusieurs milliers de mètres, et inclinaison, relativement douce, des couches sur le versant lorrain, en direction du Bassin parisien. L’érosion a joué d’une manière différentielle dans les couches de résistance inégale. Ainsi naquit la cuesta des grès vosgiens, qui sépare, à la hauteur du bassin de Saint-Dié, les Vosges gréseuses, au nord, des Vosges cristallines, au sud. Au Quaternaire, le glacier de la Moselle s’étendait sur plus de 40 km, débordant sur le plateau de Haute-Saône. Les traces glaciaires sont encore nettement visibles dans les vallées en berceau. Les lacs de Longemer et de Gérardmer sont dus à des moraines qui retiennent l’eau. Le plateau, à l’ouest, est recouvert de formations d’altération. Les limons ne sont pas absents, mais les sols sableux sont plus étendus.

La dissymétrie du relief a des conséquences importantes sur la climatologie. Exposées aux vents d’ouest, les Vosges sont un véritable château d’eau. Épinal reçoit 921 mm de précipitations, La Bresse 1 726 mm, Retournemer 1 936 mm et les sommets à plus de 1 200 m d’altitude plus de 2 000 mm. La montagne vosgienne connaît un climat océanique montagnard. Les précipitations neigeuses sont abondantes. Le manteau forestier est étendu ; il couvre 43 p. 100 du territoire.

La vie agricole est fondée sur l’élevage. Seulement 16,5 p. 100 de la surface sont en labours, contre 30 p. 100 en herbe. Les labours dominent sur le plateau. Céréales, plantes fourragères et sarclées sont souvent destinées à l’élevage. L’exploitation à temps complet s’étend sur 20 à 50 ha. Sur le plateau, la forme villageoise domine. Dans la montagne, les écarts et les fermes isolées sont plus nombreux. L’élevage laitier est prédominant. Il alimente une intense fabrication de fromages du type camembert et géromé ou munster. La fabrication du fromage est le fait de coopératives ou d’industriels privés. Mais cette dernière forme prédomine, puisque 80 p. 100 du lait est collecté par des industriels. Près des deux tiers du lait sont transformés en fromage. La production de beurre ne concerne même pas le dixième de la production laitière. Les vaches laitières représentent près de 60 p. 100 du troupeau bovin. La montée vers les hautes chaumes en été est en régression.

La colonisation du massif forestier a été tardive, se plaçant surtout au Moyen Âge. Elle a débouché sur l’utilisation des matières locales : force hydraulique, bois, sable. Des forges furent établies par les ducs de Lorraine. La lutherie se développa à Mirecourt. Les faïences d’Épinal et de Rambervillers eurent leurs heures de gloire. Des papeteries prospérèrent à Docelles et à Arches. Des verreries virent le jour à Hennezel-Clairey et à Portieux. C’est dans la zone des grès que le maximum d’atouts fut réuni pour la verrerie et la cristallerie : sables quartzifères, eau pure, bois. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la densité de peuplement dans la montagne fût élevée. Souvent les habitants menaient un genre de vie mixte, paysans et ouvriers-artisans. L’annexion de l’Alsace à l’Allemagne en 1871 eut des conséquences décisives sur l’économie vosgienne. Pour ne pas perdre le marché français, les industriels protestants de Mulhouse et de la vallée de la Bruche établirent dans les vallées vosgiennes, au fil de l’eau, des usines de filature, de tissage et d’apprêt. Le canal de l’Est fut aménagé en fonction de ce développement industriel. Pendant plus de trente ans, les Vosges devinrent une terre d’immigration. L’usine « La Blanchisserie et Teinturerie de Thaon » comptait 5 000 salariés en 1913. Grâce au coton, qui s’est ajouté au travail traditionnel du lin de la région de Gérardmer, les Vosges devinrent une région industrielle, l’agriculture passant au second plan. La crise ne devait pas épargner toutefois l’industrie textile. Le nombre de broches à filer et de métiers à tisser a diminué de près de moitié en quinze ans. Ce sont les petites entreprises et les hautes vallées qui sont les plus touchées. La reconversion a commencé dans le sud, mais profite plus à l’avant-pays qu’à la montagne. L’industrie textile reste cependant l’activité industrielle la plus importante. L’industrie mécanique prend une place croissante.