Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

volcan (suite)

Dans le cas des éruptions centrales, la fluidité maximale explique l’existence des lacs de lave, qui correspondent à un grand évasement des cratères, ainsi que les épanchements extérieurs sur des pentes très faibles (de l’ordre de 3 à 5 p. 100), propres aux volcans en bouclier (exemple d’Hawaii), avec parfois un étalement en « planèzes » périphériques (exemple du Cantal). Dans le cas des éruptions fissurales, ou diffuses, on observe de véritables « inondations » qui provoquent la genèse des plus gigantesques champs de laves, souvent accumulées les unes au-dessus des autres en « coulées stratoïdes », ou « trapps » (exemples du Deccan, de l’Arabie, de l’Afrique du Sud, du Brésil, des États-Unis, du Groenland, etc.).

Aux points de sortie eux-mêmes, les émissions gazeuses ne sont pas absolument nulles. Elles contribuent à provoquer le jaillissement en « fontaines de laves », habituellement hautes de quelques mètres seulement, mais parfois exceptionnellement fortes (580 m au Kilauea en 1959). La projection de cendres et de petites scories devient alors possible, mais on observe surtout celle de « gouttelettes de verre » et aussi de « cheveux de Pélé » (ainsi appelés d’après le nom de la déesse du Feu à Hawaii), fils de verre très fins et très longs, à reflets dorés, résultant de l’étirement des gouttes de lave sous l’action de l’émission gazeuse ou du vent, qui se répandent sur quelques hectomètres autour des bouches.

Les venues gazeuses refoulant la lave vers le haut de la cheminée sont cependant discontinues. Lorsqu’elles cessent, la lave épanchée en surface est encore tellement fluide qu’elle peut revenir vers la cheminée et s’engouffrer pour rejoindre les réservoirs magmatiques profonds. On a ainsi enregistré au Kilauea le spectacle hallucinant d’un lac de lave retournant à la vitesse de 30 km/h vers son origine, avec un débit de 2,2 millions de mètres cubes par heure.

La distinction entre des sous-types dans le dynamisme effusif est assez conventionnelle. Elle ne pourrait guère se fonder que sur la vitesse de consolidation superficielle de la lave. Ainsi, des coulées à blocaux indiqueraient une plus grande viscosité (passage vers les conditions dôméennes) ; celles à surface scoriacée et à débris pyroclastiques manifesteraient un rôle croissant des gaz (passage vers les conditions vulcaniennes) ; celles à surface lisse ou cordée seraient les plus franchement hawaiiennes, mais elles se rencontrent pourtant très fréquemment associées aux précédentes, ce qui limite la valeur accordée à un tel critère.


Le type mixte (strombolien)

Intermédiaire entre les trois grands types qui viennent d’être décrits, le dynamisme strombolien a été défini au Stromboli, volcan des îles Lipari (Italie) peu éloigné de Vulcano. Il se différencie surtout par l’importance relative que prennent en lui les projections proprement dites. On pourrait donc le qualifier de type projectif, mais cela serait insuffisant, car gaz, solides et liquides ont des rôles presque équivalents.

Les projections autour de la bouche permettent ici l’édification d’un cône à cratère. Presque toujours, celui-ci est formé à la fois de blocs, de scories, de lapilli et de poussières, plus ou moins associés à quelques coulées, qui en font un « stratovolcan ». Quand les débris dominent, les pentes sont fortes : les blocs empâtés de scories se tiennent en équilibre avec des inclinaisons atteignant parfois 45° ; quand ce sont des éléments plus fins, celles-ci ne dépassent guère 35°.

Ce sont les variétés de bombes et l’importance des coulées qui permettent seules de distinguer un peu des sous-types. Ainsi, l’émission de bombes « en croûte de pain » et de coulées courtes, se débitant en gros blocs anguleux, témoigne du passage au type vulcanien ; celle de bombes « en fuseau » (qui se sont consolidées seulement dans leur trajectoire aérienne) et de coulées plus longues, moins chaotiques, caractérise l’activité strombolienne la plus franche ; celle de bombes « en bouse de vache » et de « paquets de lave » ainsi que des coulées dépassant parfois la dizaine de kilomètres, montrent une fluidité telle que l’on se rapproche fort du type hawaiien ; mais il arrive inversement qu’au fond du cratère naisse une sorte de grosse « galette de lave » ressemblant à une coupole surbaissée, ce qui prouverait au contraire une viscosité proche de celle du type dôméen.

Il est normal qu’avec ces caractères moyens le type strombolien corresponde au dynamisme le plus classique. Quand on pense « volcan », c’est toujours aux édifices qui en résultent que l’on songe en premier, et il est vrai que c’est bien là le type le plus répandu dans l’ensemble du monde.


La logique des dynamismes

Les magmas basiques (comme les basaltes) se solidifiant et perdant la quasi-totalité de leurs gaz à température assez basse (600 °C), il est normal que les dynamismes correspondant principalement à des émissions de laves fluides (surtout hawaiien, mais aussi strombolien) soient, avant tout, caractéristiques des volcans rejetant ces produits basiques. Au contraire, les dynamismes vulcaniens et dôméens se montrent plus habituels avec des magmas hybrides (comme les andésites) et surtout acides (comme les rhyolites), puisque ceux-ci perdent leurs gaz et se solidifient déjà à une température assez élevée (900 °C).

Une telle règle n’est cependant pas absolue, car les variations de température (par exemple sous l’influence d’une oxydation plus ou moins rapide) ainsi que l’abondance ou la vitesse d’émission des laves (par exemple en fonction d’une ouverture plus ou moins grande de la cheminée) peuvent expliquer des comportements éruptifs que la fluidité théorique des divers magmas ne motive pas seule.

Surtout, au cours de son cycle d’activité, un volcan peut très normalement voir évoluer son dynamisme. Lorsque la cheminée s’est obstruée à la fin d’un cycle précédent, le début du nouveau cycle se traduit fréquemment par un débouchage brutal sous la pression des gaz, donc par une explosion de type vulcanien, tandis que la suite sera un fonctionnement strombolien assez normal (exemple du Vésuve pour beaucoup de ses éruptions historiques). De même, un dôme peut être complètement figé alors que se poursuivent des dégagements gazeux dans la cheminée au-dessous de lui : son explosion et l’émission de nuées deviennent possibles ; c’est la raison pour laquelle dynamisme dôméen et dynamisme vulcanien sont parfois associés (exemple de la montagne Pelée avec son dôme, puis son aiguille, puis ses nuées à blocaux dites « nuées ardentes » ou « nuées péléennes »). Inversement, les éruptions du Kilauea commencent le plus souvent par l’émission d’un lac de lave central et de coulées franchement hawaiiennes, alors que la suite se présente sous l’aspect d’un dynamisme strombolien sur des fissures radiales.

On pourrait dire que les volcans ont ainsi chacun leurs « habitudes ». La succession de leurs dynamismes se produit presque toujours de la même façon, ce qui est d’ailleurs fort important pour prévoir l’évolution de leur éruption et les dangers qu’elle peut occasionner.