Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vitrail (suite)

Puis un modelé plus serré détache les volumes et approfondit l’espace. La perspective gagne progressivement les architectures d’encadrement, qui, vers la fin du siècle, se transforment en « maisons de poupée ». En France, cet art fleurit dans les cours princières, autour de Charles VI (vitraux royaux d’Évreux) et du duc de Berry, en particulier dans les restes de la vitrerie de la Sainte-Chapelle de Bourges conservés à la cathédrale (v. 1400-1405). En Angleterre, cette transformation, sensible à Gloucester vers 1350, se poursuit sans discontinuité pendant tout le xve s. (Winchester, Norwich, York).

En Allemagne, la préférence pour la pleine couleur, à laquelle le chœur de la cathédrale de Cologne présente la seule exception notable, se manifeste jusque dans les teintes vives du décor d’architecture, qui connaît un développement exceptionnel. Dans la région rhénane, les niches s’étirent jusqu’au sommet des lancettes, comme à la chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale de Strasbourg vers 1330. À Königsfelden, en Suisse, à la même époque, la perspective donne pour la première fois une certaine profondeur à ces encadrements, et le dessin des personnages est adouci par le maniérisme. Cette évolution, poursuivie à Esslingen vers 1340, aboutit pendant la seconde moitié du siècle aux compositions complexes du « style Parler », dont les plus belles réalisations se trouvent en Autriche, à Wiener Neustadt et à Strassengel, autour de 1360.

Vers la fin du siècle, des couleurs plus claires, des personnages élégants et mieux individualisés caractérisent le « style doux », expression germanique du gothique international ; on le voit à Vienne vers 1380 (série des portraits princiers de la chapelle ducale de la cathédrale, maintenant au musée des Arts appliqués) et en Allemagne autour de 1400 (verrière occidentale d’Altenberg, près de Cologne ; Rothenburg ob der Tauber).


xve siècle

Le style gothique international domine encore les premières années du xve s. Puis, sauf en Italie, où s’amorce l’évolution qui mène à la Renaissance, le vitrail s’oriente, sous l’influence de l’art flamand, vers une meilleure représentation de la réalité : tout en conservant intégralement les partis de composition de l’époque précédente, les vitraux du xve s. s’en distinguent par une nouvelle organisation de l’espace, en particulier dans la mise en perspective des encadrements d’architecture, et par un raffinement du modelé. De plus, dans la seconde moitié du siècle, les compositions s’affranchissent progressivement de la structure de la fenêtre, une même scène pouvant s’étendre sur plusieurs lancettes.

Du vitrail flamand de la première moitié du siècle, il ne reste que des fragments. Dans les quelques verrières de la seconde moitié du siècle qui sont conservées, la conception de l’espace a bien évolué, en même temps que le traitement des personnages atteste l’influence de la peinture sur panneau contemporaine (Lierre).

En France, cet art nouveau apparaît à la cathédrale d’Évreux vers 1417-1420 et s’étend rapidement à Rouen, au Mans et dans la région de la Loire, à Angers, à Tours et à Bourges*, où la grande verrière donnée par Jacques Cœur (v. 1450) marque un retour à une coloration plus soutenue et fait éclater le cadre imposé par les meneaux. Les successeurs immédiats de ces ateliers vitrent la Sainte-Chapelle de Riom (v. 1460), puis la cathédrale de Moulins (v. 1490), pour laquelle le Maître de Moulins fournit des cartons. De l’importante production parisienne de cette époque, il ne reste que quelques fenêtres à Saint-Séverin (1460-1480) et surtout la rose de la Sainte-Chapelle (v. 1490), dont le style s’apparente à celui des graveurs parisiens et marque l’apogée du vitrail gothique.

En pays germanique, l’influence flamande se mêle vers 1420-1430 au maniérisme du « style doux » finissant, comme dans les vitraux de Hans Acker à la chapelle Besserer de la cathédrale d’Ulm (cartons de Lukas Moser) et dans le chœur de la cathédrale de Berne (v. 1440). Une autre étape de cette évolution se marque en Suisse avec les œuvres de Nicolas Magerfritz (1447-1450), dont la manière se durcit sous l’influence de Konrad Witz*. À partir de 1460, le style gothique tardif s’installe, dominé par la personnalité de Peter Hemmel. Ce peintre verrier alsacien, actif entre 1460 et 1495 environ, a assimilé les nouveautés apportées par les graveurs germaniques de son époque, du « maître E. S. » à Martin Schongauer*. Il forme des compositions vivement colorées, où scènes et donateurs au modelé puissant s’inscrivent dans de vastes encadrements d’architectures et de branchages. Son influence s’est exercée de l’Alsace à l’Allemagne du Sud et jusqu’en Autriche (Saint-Thomas de Strasbourg, Nuremberg, Munich, Salzbourg) — et même en Andalousie par l’intermédiaire des frères Alaman, qui travaillèrent à Séville vers 1490.


Le vitrail à la Renaissance

À travers les vitraux de Ghiberti* au Dôme de Florence (1405-1450), on suit le passage du gothique international aux conceptions nouvelles de la Renaissance*, développées en même temps en Italie par Donatello*, Uccello* et Andrea* del Castagno. L’évolution se poursuit tout au long du xve s. jusqu’à Ghirlandaio* (Florence, Santa Maria Novella, v. 1490) et au Pérugin* (Florence, Santo Spirito, v. 1505). Au début du xvie s., un peintre verrier français, Guillaume de Marcillat, donne un dernier éclat au vitrail italien en interprétant pour le Dôme d’Arezzo des compositions raphaélesques.

Dans les pays du Nord, l’esprit de la Renaissance commence à se faire sentir au début du xvie s., d’abord dans le répertoire décoratif, puis en affectant plus profondément la vision de l’espace et la composition générale. Mais, le plus souvent, les conceptions gothiques survivent dans le traitement des personnages, l’agencement des scènes et même dans certains éléments du décor.

Dans les anciens Pays-Bas, le système de peinture élaboré au xve s., et solidement établi, se prolonge naturellement à la Renaissance, dont nous conservons des ensembles magnifiques. De grands peintres, J. Bosch*, Jan Gossart*, Barent Van Orley*, etc., fournissent des cartons. Si la verrière de E. de Nassau (1503) peinte par Nicolaas Rombouts (v. 1450-1531) pour Notre-Dame d’Anvers relève encore du maniérisme gothique, dès 1530 à Hoogstraten et à Liège, dès 1537 à Bruxelles (verrière de Charles Quint par Van Orley), de grands arcs de triomphe très « Renaissance » encadrent les personnages. À Anvers, les verrières des familles Dassa et Fugger (1537), libérées de tout cadre architectural, semblent sortir d’une estampe italienne. Dans la seconde moitié du siècle, la production de vitraux figurés, ralentie par les progrès de la Réforme, donne encore quelques chefs-d’œuvre à Amsterdam (Oude Kerk) et surtout à Saint-Jean de Gouda, vitré de 1555 à 1596.