Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Visconti (les) (suite)

 L. Beltrami, Il Castello di Milano sotto il dominio dei Visconti e degli Sforza, 1368-1535 (Milan, 1894). / A. Pesce, Suite relazioni tra la repubblica di Genova e Filippo Maria Visconti dal 1435 al 1447 (Turin, 1901 et Pavie, 1921 ; 2 vol.). / E. Pastorello, Nuove ricerche sulla storia di Padoua e dei principi di Carrara al tempo di Gian Galeazzo Visconti (Padoue, 1908). / E. Collas, Valentine de Milan, duchesse d’Orléans (Plon, 1911). / F. Landogna, La Politica dei Visconti in Toscana (Milan, 1929). / A. Visconti, La Biscia viscontea. I dodici Visconti (Milan, 1929). / N. Valeri, L’Eredità di Gian Galeazzo Visconti (Turin, 1938). / E. R. Labande, l’Italie de la Renaissance (Payot, 1954). / J. Luchaire, les Sociétés italiennes du xiiie au xve s. (A. Colin, 1955). / E. Pellegrin, la Bibliothèque des Visconti et des Sforza (C. N. R. S., 1955).

Visconti (Luchino)

Metteur en scène de cinéma, de théâtre et d’opéra italien (Milan 1906 - Rome 1976).


Le fils de Giuseppe Visconti, duc de Modrone et imprésario de théâtre de son métier, consacre ses premières activités aux chevaux de course. À partir de 1935, il commence à s’intéresser à la décoration, et au cinéma. Ses premiers projets avec Alexander Korda échouent, et il quitte Londres pour Paris, où, décidé à échapper à l’emprise de sa (trop) noble famille, il devient assistant de Jean Renoir* pour les Bas-Fonds (1936), Une partie de campagne (1936), dont il dessine les costumes, et la Tosca (1940, terminée par Carl Koch), dont il écrit une partie du scénario. Il travaille ensuite à l’adaptation d’un livre de Giovanni Verga, mais la censure fasciste le refuse. Il se tourne alors vers un roman de James Cain, Le facteur sonne toujours deux fois, dont il tire son premier film, Ossessione (1942). Le néo-réalisme naît avec cette œuvre capitale, d’une théâtralité de construction et d’une tension de rythme qui en font un film unique.

L’attitude de Visconti pendant la guerre est l’opposition systématique au régime mussolinien, ses sympathies allant ouvertement aux militants communistes. Arrêté par la police du Duce, il ne doit qu’à une fuite miraculeuse de n’être pas fusillé. À la Libération, il participe au film collectif Giorni di gloria (moyen métrage, 1945), puis se tourne vers le théâtre, où il monte Anouilh, Cocteau et Sartre. Ensuite, il revient à Verga et au cinéma en adaptant I Malavoglia, tourné en 1948 dans l’île d’Aci Trezza, sans acteurs professionnels : c’est La terre tremble (La terra trema), une grande œuvre réaliste et lyrique sur les efforts d’une famille de pêcheurs pour échapper aux mareyeurs qui la rançonnent. Si le film adopte certaines méthodes néo-réalistes, il s’éloigne du film-enquête pour peindre une fresque par instants digne d’Eisenstein et proche de certains opéras.

Cette dénonciation de l’exploitation des pauvres connaît un échec total en Europe, et Visconti, qui l’avait conçue comme le premier volet d’un triptyque, retourne au théâtre pour monter Shakespeare et Tennessee Williams. 1951 voit naître un nouveau film, Bellissima, truculente comédie pour l’actrice Anna Magnani. Après cette œuvre mineure, où le cinéaste Alessandro Blasetti joue son propre rôle, Visconti doit attendre deux ans avant de pouvoir réaliser Senso (1953), somptueux « ciné-opéra » aux couleurs fabuleuses qui est un hommage à Verdi, où Visconti l’aristocrate brosse un portrait cruel de l’aristocratie avant de montrer chaleureusement le Risorgimento et le peuple en lutte pour la libération nationale (l’action se situe à Venise en 1866). Après cette fresque historique à structure délibérément mélodramatique, le cinéaste, tout naturellement, fait ses premières armes dans la mise en scène d’opéra (La Traviata en 1955, Anna Bolena, de Gaetano Donizetti, en 1957).

1957 est aussi l’année des Nuits blanches (Le Notti blanche), que le réalisateur adapte de Dostoïevski. Il y trouve une nouvelle occasion de pratiquer le cinéma qui lui tient à cœur, « un cinéma anthropomorphique où les plus humbles gestes de l’homme, sa démarche, ses sensations et ses instincts suffisent à apporter une poésie et une vibration aux objets qui l’entourent ». Trois ans plus tard, Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli, 1960), que Visconti considère comme la seconde partie de La terre tremble, allie puissance dramatique et sens de la tragédie (grecque). Prenant pour point de départ la désagrégation progressive d’une famille méridionale détruite par une métropole industrielle (Milan), le film, plastiquement magistral, s’élève rapidement au-dessus de la chronique sociale pour se changer en fresque dostoïevskienne (auteur favori de Visconti) lointainement inspirée de la légende de Joseph et ses frères.

Après ce film, qui connaît un immense succès, le metteur en scène réalise un sketch (le Travail [Il Lavoro], petit chef-d’œuvre de cruauté et meilleure histoire du film collectif Boccace 70 [Boccacio 70], 1962). Puis il retourne à la fresque historique avec le Guépard (Il Gattopardo, 1962), où, une fois de plus, il orchestre ses thèmes d’élection : les combats populaires pour la libération d’un pays (ici la Sicile de 1860) et l’agonie flamboyante mais consciente de la noblesse. C’est un nouveau triomphe public et critique pour le cinéaste, qui remporte la palme d’or du festival de Cannes.

L’histoire d’inceste qu’il tourne ensuite (Sandra [Vaghe stelle dell’Orsa], 1964) déçoit. Il en est de même pour son sketch des Sorcières (Le Streghe, 1967). Avec sa trop fidèle adaptation de l’Étranger de Camus (Lo Straniero, 1967), à laquelle rien ne manque, sinon une âme, Visconti connaît un de ses plus lourds échecs. Le triomphe international des Damnés (Götterdämmerung, 1968), nouvelle fresque politique ayant pour toile de fond la fin du IIIe Reich et pour protagonistes les membres névrosés d’une famille richissime d’industriels de la Ruhr, le ramène sur le devant de la scène, de même que Mort à Venise (Death in Venice, 1970), lente et pathétique quête de la beauté adaptée de Thomas Mann, où le réalisateur a mis beaucoup de lui-même. Après avoir longtemps travaillé à une monumentale transposition d’À la recherche du temps perdu de Proust, qui, finalement, n’aboutit pas, Luchino Visconti réalise en 1972 une vie de Louis II de Bavière, le Crépuscule des dieux (Ludwig), où il traite une nouvelle fois de l’aristocratie et de la monarchie, anachroniques et agonisantes, mais dont le faste décadent le fascine toujours autant. La maladie contre laquelle il lutte avec courage ne l’empêche pas de monter C’était hier de H. Pinter en 1972 à la Scala de Milan et d’entreprendre deux nouveaux films Violence et passion (1974) et l’Innocent (1976) qui apparaissent comme une sorte de testament spirituel désenchanté.