Vignole (le) (suite)
À Rome, après avoir élevé la façade extérieure de la porte du Peuple en 1561, il succède à Michel-Ange* sur le chantier de Saint-Pierre et ajoute les petites coupoles latérales. À Assise, à Pérouse, il bâtira des églises. Mais son apport véritable à l’art religieux réside d’abord dans deux chapelles romaines (Sant’Andrea sulla Via Flaminia, 1554 ; Sant’Anna dei Palafrenieri, au Vatican, projet de 1567 réalisé à partir de 1572), toutes deux de plan ovale et en rupture avec le principe renaissant d’unité organique par l’absence de lien entre l’extérieur et l’intérieur. Ce caractère est encore plus marqué à l’église du Gesù (commencée en 1568), où le Vignole revient au plan en longueur. Non pas celui qui fut adopté par Alberti* à Sant’Andrea de Mantoue, avec de grandes chapelles butant visiblement la nef, mais un plan générateur d’un espace unifié, où les chapelles basses n’ont pas de rôle actif. En façade, un ordre unique est prévu ; le Vignole n’est donc pas responsable des ordres que superposera Giacomo Della Porta (v. 1540-1602), non plus que du décor intérieur de l’édifice. La grande église jésuite de Rome va servir, deux siècles durant, d’exemple conforme aux principes énoncés par le concile de Trente*.
Dans une tout autre voie, le Vignole devait connaître un succès encore plus durable. Dans l’esprit de Serlio* et de Palladio*, il publie en 1562 une Règle des cinq ordres d’architecture, maintes fois rééditée et adaptée jusqu’à nos jours. Avec lui, la simplicité triomphe, aussi bien dans les rapports modulaires que par une expression graphique prenant le pas sur les commentaires vitruviens de ses devanciers. Malheureusement, la méthode visuelle favorise le poncif, et des générations d’élèves — ou de professeurs — ne verront dans « le Vignole » qu’une morphologie élémentaire, un recueil de formules, aussi arbitraires que celles de la scénographie (passionné par l’étude de la perspective, l’artiste lui consacra un autre traité, édité en 1583 par Egnazio Danti).
Le renom exemplaire dû au Gesù, et plus encore au traité des ordres, vaut au Vignole de faire figure de légataire de la Renaissance ; cela pourrait suffire à sa gloire, mais laisserait dans l’ombre tout ce qui, dans son œuvre, appartient déjà à l’esprit baroque.
H. P.
G. K. Loukomski, Jacques Vignole, sa vie, son œuvre (Vincent, Fréal et Cie, 1927). / P. Esquié, Vignole (Massin, 1946). / M. Walcher-Casotti, Il Vignola (Triestre, 1960 ; 2 vol.). / G. Labrot, le Palais Farnèse de Caprarola. Essai de lecture (Klincksieck, 1970).