Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vigne et vins (suite)

Cette campagne est un avertissement. Il ne faut élaborer que des vins sans reproche sur le plan hygiénique. Pour cela, il convient d’utiliser les techniques de vinification inspirées d’impératifs biochimiques prioritaires. Comme pour toutes les manipulations œnologiques, on ne peut donner que des règles générales avec des applications relatives. Il importe de savoir que le raisin, par sa composition, se suffit à lui-même, que le moût de raisin est le milieu privilégié pour les levures de fermentation et qu’en conséquence il faut « aider la nature en façonnant convenablement le milieu » et non la violenter par des manipulations qui sont susceptibles d’éliminer des facteurs biologiques utiles. Le vin ne peut être assimilé ni au cidre, ni à la bière, qui exigent des techniques plus compliquées.

Il faut bien constater que, jusqu’à présent, le viticulteur n’a pas réussi à créer une industrie agricole — dérivée du raisin — ou aidé à la créer.

Périodiquement, on identifie la modernisation de l’équipement des caves avec la promotion et le développement de la qualité, mais en attachant une importance prioritaire et déterminante à cette modernisation. On commet ainsi une erreur grave en confondant modernisation et amélioration de la qualité. Ces deux éléments peuvent et doivent s’ajouter, mais ils ne doivent pas être confondus. La modernisation de l’équipement ne tient pas assez compte des progrès faits dans la connaissance du raisin et du rôle biologique de ses constituants. En négligeant ceux-ci, quels que soient les équipements, le vin ne sera jamais ce qu’il doit être sur le plan biologique.

Les progrès dans l’équipement doivent donc être fonction de ces impératifs biologiques et non pas exclusivement des progrès mécaniques et techniques. Cette hiérarchie étant bien établie, acceptée et rendue effective, alors pourra-t-on moderniser l’équipement avec des servitudes nouvelles et rationnelles commandées par l’œnologue.

Quand on confronte l’état d’avancement des recherches œnologiques (recherche fondamentale) et la pratique œnologique, on constate en général un retard de celle-ci, aussi bien dans la période qui précède la vinification que pendant et après celle-ci.

La dégustation permet bien un jugement avec les réserves qu’exige la subjectivité. Mais comment apprécier les caractères sanitaires et même nutritionnels d’importance fondamentale pour l’avenir de la consommation du vin ?

Ce n’est que par des études de nature physiologique et des travaux sur les animaux et les hommes qu’on pourra mesurer ce double impératif de la qualité d’un vin.

Les données analytiques ne suffisent plus. On sait, par exemple, que le vin a une activité vitaminique C supérieure à la dose d’acide ascorbique dosé. C’est qu’il s’agit ici d’effets synergiques favorables, avec d’autres constituants, certains polyphénols en particulier. Mais il peut y avoir des effets synergiques qui se contrarient.

Les essais physiologiques permettent de mesurer ces effets synthétiques.


La maturation du raisin

On distingue la maturité physiologique, stade où le pépin de raisin est susceptible de germer, de la maturité proprement dite, atteinte au moment de la cueillette du raisin : cette dernière est appelée par certains maturité industrielle, mais il est plus logique de l’appeler maturité technologique, car les raisins d’un même cépage peuvent être cueillis à maturité différente en fonction du sort qu’on leur réserve. L’exemple typique est celui du Macabeu, cépage roussillonnais, à partir duquel on peut élaborer soit des jus de raisin, soit du vin blanc, soit des vins spéciaux, tel que le V. D. N.

La maturation est un phénomène très complexe, car elle dépend du milieu (climat, nature du sol, exposition, façons culturales, fumures) et de la plante (porte-greffes, cépages, taille, état sanitaire).

Elle est marquée, à partir de la nouaison, par le grossissement du grain. À la véraison, le grain se colore ou s’éclaircit s’il s’agit du raisin blanc. C’est le commencement de la phase finale, qui va de la véraison à la maturité recherchée. La composition du grain varie considérablement, l’acidité diminue, la richesse en saccharose augmente, les polyphénols et les arômes s’accroissent, le volume du grain continue à grossir. On atteint ainsi un indice de maturité généralement caractéristique du cépage, et variant légèrement d’une année à l’autre.

Au-delà, c’est la phase de surmaturation, recherchée pour l’élaboration de certains vins que l’on veut riches en alcool et sucrés, parfois plus ou moins doux.

Dans certains cas, on peut procéder à une maturation artificielle. Deux conditions sont nécessaires : d’abord que le raisin soit entier, que rafles et grains soient intacts ; ensuite que la température appliquée soit celle de réactions enzymatiques. Au-delà de cette température, ces réactions sont inhibées, et l’on obtient une concentration de la masse de certains constituants, de l’acide malique en particulier.

La « maturation artificielle » du raisin bien réalisée serait préférable qualitativement à tout autre mode d’enrichissement ultérieur.

La cueillette et le transport des raisins (vendanges) doivent obéir à des règles strictes. Il faut éviter l’éclatement des grains de raisin, le tassement de ceux-ci dans le récipient du transport, l’aération du raisin plus ou moins foulé ou écrasé, a fortiori du moût, la possibilité de fermentation prématurée, l’apparition de casses oxydasiques et autres oxydations nuisibles.

C’est la condamnation de la machine à vendanger, tant qu’elle n’est pas adaptée à de tels impératifs. On recommande parfois la mécanisation pour les vignobles produisant les vins de consommation courante : or, la qualité, fondée sur les critères gustatif, hygiénique et nutritionnel, est au moins aussi importante pour ces vins que pour tous les autres, car ils intéressent la plus grande masse de consommateurs, et, en fin de compte, c’est avec cette classe de vins que se joue la santé du consommateur.