Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

Au sud du Sông Koi et jusqu’au Sông Ma, la montagne est haute, difficilement pénétrable, orientée du nord-ouest au sud-est en lignes parallèles : bande granitique du Fan Si Pan (Hoang Liên Son) ; plateaux calcaires traversés en gorge surimposée par le Sông Da (rivière Noire) ; plateaux de grès roses, lambeaux de couverture discordante et subhorizontale du Phu Den Dinh. La montagne est fortement arrosée : Cha Pa, au pied du Fan Si Pan, reçoit 2 778 mm de pluies, mais la forêt dense à espèces tropicales et tempérées a, ici aussi, été fortement détruite au profit de savanes. La population est peu nombreuse, inférieure à 5 habitants au kilomètre carré, sauf dans les collines qui bordent les deltas, où les Muongs, proches des Vietnamiens et intimement mêlés à leur histoire, mais peu sinisés (leurs maisons sont sur pilotis) et ayant longtemps conservé une société féodale, ont de belles rizières irriguées et ont constitué des noyaux de peuplement, notamment autour de Hoa Binh. Bassins et vallées sont peuplés de riziculteurs thaïs : Thaïs blancs de Lai Châu, Thaïs noirs de Nghia Lô et de Son La, Thaïs plus ou moins sinisés (et non indianisés), dont l’écriture avait été romanisée et qui sont partis en grand nombre en 1954 vers le Laos notamment. Les pentes au-dessus de 800 m sont occupées par des Méos, grands destructeurs de forêts par leur agriculture sur brûlis, réellement itinérante. La zone proprement montagnarde constitue la « zone autonome Thaï-Méo ».

Au sud du Sông Ma, le cadre montagneux devient très étroit et se réduit à une longue échine N.-O. - S.-E., parallèle à la mer : cette chaîne a une largeur généralement inférieure à 50 km ; ses sommets forment la frontière avec le Laos ; on l’appelait autrefois « Cordillère annamitique », expression particulièrement inadéquate. Cette chaîne est à peu près vide. Elle est très aisément franchie aux cols de Keo Neua et de Mu Gia.


Les plaines

Les plaines concentrent l’essentiel de la population. Ce sont trois deltas triangulaires : dans chacun, les deux côtés, en lisière de la montagne, présentent des terres « hautes », non inondables, parsemées de buttes (gréseuses, schisteuses ou calcaires), alors que le centre est formé de terres « basses », inondables, dominées par les digues qui enferment les fleuves ; la base, côtière, étire des cordons littoraux. Le delta du Tonkin a 14 700 km2 ; il est l’œuvre du Sông Koi, ou Sông Cai (appelé Hông Ha en sino-vietnamien et, à Hanoi, Sông Nhi Ha). Fleuve redoutable, il doit à des crues d’été très irrégulières et très violentes son surnom de « fleuve Rouge » ; son débit peut atteindre 30 000 m3/s, et son niveau monter de 11 m en un jour ; le fleuve, très chargé, transporte jusqu’à 3 kg d’alluvions par mètre cube, dont une partie constitue, au droit de l’extrémité sud du delta, des « lais de mer ». Le fleuve et ses principaux défluents, le Sông Day, le Sông Luông (dit « Canal des Rapides »), le Sông Luôc (dit « Canal des Bambous »), les deux derniers faisant communiquer à l’est le Sông Koi avec le Sông Thai Binh, ont été endigués. L’endiguement, fait majeur de la géographie du delta, a été une œuvre considérable, réalisée à partir des bourrelets naturels du fleuve par les dynasties vietnamiennes, modernisée et perfectionnée par le protectorat français : il a permis la mise en valeur. Les deux autres deltas sont plus petits (Thanh Hoa, 3 100 km2 ; Nghê An, 1 850 km2) ; les terres hautes, peu fertiles, et les cordons littoraux y occupent proportionnellement plus de place. Plus au sud, la plaine de Ha Tinh (1 850 km2) et la plaine du Quang Binh, au sud du massif de la porte d’Annam, sont réduites à une étroite bande de terres basses entre des terrasses infertiles au pied des montagnes et des dunes littorales.

Ces deltas ont, du moins au nord de la porte d’Annam, un climat original par la fraîcheur de l’hiver. La moyenne de janvier est de 15,5 °C à Hanoi, ce qui ne se trouve nulle part ailleurs à une telle latitude. Décembre et janvier sont secs et lumineux ; mais de février à avril règne le « crachin », ou « pluie volante », période de pluies fines et prolongées (81 mm de pluies en 29 jours à Hanoi en février-mars), de brouillards, d’humidité très désagréable, mais qui favorise une seconde culture de riz dans l’année (« riz du 5e mois »). La culture principale (« riz du 10e mois », récolté en novembre) est liée aux pluies d’été de la mousson, comme dans toute la péninsule indochinoise ; mais ces pluies sont irrégulières (alors que la chaleur est intense, donc l’évaporation), interrompues, notamment au Nghê An, par « vent du Laos ». Les typhons peuvent amener (notamment en septembre) des pluies diluviennes.

Dans ces conditions naturelles difficiles, les Nord-Vietnamiens pratiquent une riziculture extrêmement intensive : riziculture irriguée à la fois pour pallier l’irrégularité des pluies de la mousson avant la récolte du 10e mois et pour assurer soit la récolte du riz du 5e mois, soit la récolte d’une autre plante de « saison sèche ». Mais l’irrigation est difficile, puisque les fleuves sont enfermés entre des digues. Pendant longtemps, seule une petite irrigation a pu être pratiquée par les paysans. Le protectorat français avait créé une irrigation moderne sur 330 000 ha. Une des réalisations remarquables du gouvernement de la république démocratique du Viêt-nam depuis 1954 est la multiplication des pompes électriques, qui permet d’utiliser l’eau captive des fleuves et assure la double récolte annuelle du riz sur la plus grande partie des rizières. La double récolte est épuisante pour les sols ; or, ceux-ci ne sont pas renouvelés par les alluvions fluviales, puisque les fleuves sont endigués ; le paysan engraisse ses terres (engrais verts, engrais humains, boues) ; mais l’utilisation d’engrais chimiques est encore faible ; de ce fait et en dépit d’un très grand travail paysan (300 journées par hectare), les rendements sont encore bas (un peu supérieurs à 2 t/ha). L’élevage (buffles pour le travail, porcs, canards) est peu développé ; par contre, la pêche en eau douce et surtout la pisciculture, pratiquées par des spécialistes, ont une grande importance : 130 000 ha sont livrés à une véritable embouche des poissons.