Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

Pressé par les milieux conservateurs et anticommunistes vietnamiens ainsi que par ceux du M. R. P., l’ex-empereur se déclare prêt à discuter avec les autorités françaises. Les accords Bollaert-Bao Dai du 5 juin 1948, confirmés le 8 mars 1949, reconnaissent l’indépendance du Viêt-nam au sein de l’Union française. Sous la tutelle du haut-commissaire de France en Indochine, un gouvernement provisoire est alors formé et certains organes administratifs sont transférés aux Vietnamiens. Bao Dai est le chef nominal de ce gouvernement, présidé par le général Nguyên Van Xuân (né en 1892). Cependant, les attributions de Bao Dai et celles du cabinet Nguyên Van Xuân restent obscures et soumises à des pressions de divers milieux politiques français. Bientôt, Bao Dai refuse de prendre une position contre la résistance et fait figure de dissident représentant un pouvoir non investi, dénoncé comme « fantoche » par les résistants.

La victoire communiste en Chine va apporter un soutien décisif à la résistance vietnamienne sur le plan matériel. La France, de plus en plus débordée sur le terrain, est forcée de « vietnamiser » ses troupes, et Bao Dai décrète la mobilisation générale (v. Indochine [guerres d’]).

Le 7 mai 1954, après une longue guerre, la défaite de Diên Biên Phu portera un coup décisif à l’armée française ; la conférence ouverte à Genève le 26 avril mettra un terme au conflit franco-indochinois.

Les accords finals, signés le 20 juillet 1954, aboutissent à la reconnaissance, par la France, de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la république démocratique du Viêt-nam en même temps qu’à une partition transitoire du Viêt-nam de part et d’autre du 17e parallèle, dans l’attente d’une réunification par le moyen d’élections générales, prévues pour 1956, sous contrôle international. Le cessez-le-feu entraîne le retrait des troupes en présence de part et d’autre de la ligne de démarcation, qui ne peut, en aucun cas, constituer une frontière territoriale. Les États-Unis refusent de s’associer à la déclaration de respect d’indépendance, de souveraineté et d’intégrité des pays indochinois, mais affirment qu’ils ne feront pas obstacle à l’application des accords.

La position américaine constitue la première faille dans la recherche de la paix. Déjà, le nouveau chef de gouvernement de Saigon, Ngô Dinh Diêm (1901-1963), de retour des États-Unis, refuse l’application des accords de Genève, surtout en ce qui concerne l’organisation des élections générales, tandis que le gouvernement français assure Saigon que seul son gouvernement est avalisé par Paris.


La dictature saigonaise et les origines du F. N. L. (Front national de libération du Sud Viêt-nam)

Le 10 octobre 1954, Hô Chi Minh et le gouvernement de la république démocratique du Viêt-nam rentrent à Hanoi, évacué par la France. En même temps que les troupes françaises en retraite, quelques centaines de milliers de Vietnamiens hostiles au communisme, compromis pendant la guerre ou simplement attirés par les promesses de Saigon et de Washington, refluent vers le sud.

La république démocratique, dévastée par les combats, appauvrie par l’absence de stocks ou de trésorerie et manquant de cadres, décide un gigantesque effort de reconstruction dans des conditions difficiles.

Au sud, Ngô Dinh Diêm, antifrançais et proaméricain, trouve très tôt des alliés à Washington. Partisan d’un gouvernement « fort », bien encadré par l’armée, il se débarrasse de la présence française et des partisans de Bao Dai, tout en éliminant par la force les anciens résistants et les sectes nationalistes (mars-avr. 1955).

Devant les propositions de Hanoi pour parvenir à un consensus sur la réunification prévue par scrutin universel et secret, il décide d’instaurer un état de fait pour éliminer son concurrent potentiel Bao Dai et couper définitivement les ponts avec le Nord : par un référendum qui se déroule dans des conditions contestables, il se fait élire président de la république en octobre 1955. Ce fait accompli lui permet d’installer un régime dictatorial, dont la nature est caractérisée par la monopolisation du pouvoir par un clan familial et par l’instauration d’un système policier.

Anciens résistants, libéraux et intellectuels rejoignent le maquis. Le 20 décembre 1960, ces résistants fondent le Front national de libération du Sud Viêt-nam, ou F. N. L.

Hanoi s’en tient à une stricte action politique en réclamant l’application des accords de Genève et s’oppose, par l’intermédiaire de sa presse officielle, à tout « gauchisme », alors que le conflit idéologique sino-soviétique prend de l’ampleur. La république démocratique semble alors décidée à rester hors de ce conflit et à construire le socialisme dans son unité territoriale, comme le confirme le IIIe Congrès du Lao Dông (parti des travailleurs), partisan de la « coexistence pacifique ».


L’intervention américaine

Jugeant la situation de plus en plus malaisée, Ngô Dinh Diêm accepte l’aide américaine, qui lui apporte des conseillers militaires, des armes, des fonds et un appui diplomatique. Dès 1960, le Viêt-nam du Sud est entré dans la guerre.

En juillet 1962, le F. N. L., présidé par Nguyên Huu Tho (né en 1910), lance un appel pour proposer un cessez-le-feu et indiquer ses grandes orientations politiques, mais Saigon n’y répond pas et, à l’instigation de Washington, accélère le développement de la « guerre spéciale », supervisée par les quelque 15 000 « conseillers » dépêchés par le président Kennedy. Mais cette « guerre spéciale » échoue, et le régime saigonais se coupe des masses paysannes en commettant des exactions de plus en plus critiquées à l’étranger (persécution des bouddhistes).

C’est alors que Ngô Dinh Diêm, pour sauver la situation, cherche à se démarquer de la pression américaine et propose de rechercher une solution politique en dehors du programme défini par Washington. Désormais, les dés sont jetés : les Américains se débarrassent de lui par un coup de force qui place au gouvernement un général anticommuniste, mais apparemment ouvert à des réformes (1er nov. 1963).