Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vienne (suite)

En 1704-1708, devant la menace d’incursions des insurgés kuruc, est édifiée une nouvelle enceinte, protégeant cette fois-ci les faubourgs : les actuels arrondissements II à IX. Au xviiie s., la ville profite de la consolidation de l’État autrichien, réorganisé et modernisé sous Marie-Thérèse* et Joseph II*. Pendant les guerres napoléoniennes, elle est assiégée et occupée à deux reprises : en 1805 et en 1809. Après la défaite de Napoléon, le « congrès » de paix se tient à Vienne, qui, malgré une crise financière aiguë, connaît alors un de ses moments les plus glorieux. Sous le régime du prince-chancelier Metternich* (qui gouverne l’Empire de 1809 à 1848), la ville et le pays commencent à s’industrialiser.

En 1848, Vienne est le théâtre de sévères combats de rues, jusqu’à l’entrée des troupes d’Alfred Windischgrätz (1787-1862). Après les journées de 1848, on décide de raser l’enceinte fortifiée. Les terrains ainsi dégagés permettent de tracer un boulevard circulaire — l’actuel Ring —, que bordent de pompeux édifices et monuments officiels ou privés. Sous le règne de l’empereur François-Joseph* (1848-1916), la ville se modernise : intégration administrative des faubourgs proches (c’est-à-dire des actuels arrondissements II à IX), canalisation du Danube, adduction d’eau potable depuis le massif alpin. Une brillante exposition universelle est organisée en 1873.

L’industrialisation accélérée provoque une augmentation rapide de la population ouvrière, surtout dans les faubourgs : en 1891, les actuels arrondissements XI à XIX sont à leur tour inclus dans la cité (le Xe arrondissement ayant été incorporé en 1874). Le même développement de l’industrialisation, l’appauvrissement de l’ancien artisanat et la constitution d’un prolétariat, en partie tchèque, entraînent l’apparition de nouveaux partis politiques : le parti social-démocrate et le parti chrétien-social (de tendance xénophobe et antisémite). Le chef de ce dernier parti, Karl Lueger (1844-1910), l’emporte lors des élections de 1895. Confirmé dans ses fonctions de bourgmestre par l’empereur en 1897, Lueger se révèle un administrateur efficace. En 1904, de nouveaux quartiers, les XXe et XXIe arrondissements, qui se sont développés sur l’autre rive du Danube, sont à leur tour rattachés à la ville, dont la population dépasse alors les 2 millions.


Vienne après 1918

L’effondrement de l’Empire austro-hongrois en 1918 entraîne une crise majeure : la capitale d’un des grands États européens doit s’adapter à son nouveau rôle de métropole d’une petite république comptant un peu plus de 6 millions d’habitants. La municipalité socialiste (1919-1934) fait construire de vastes complexes d’habitations à bon marché et procède à une réforme scolaire et hospitalière.

Le conflit, d’abord latent, entre les partis de gauche, avec leurs formations paramilitaires, et le gouvernement fédéral, qui s’appuie sur la province, paysanne et conservatrice, éclate une première fois en 1927 (démonstrations de rue, incendie du Palais de Justice le 15 juillet), puis en 1934 (combats de février, au cours desquels est bombardé le Karl-Marx-Hof). Un nouveau réseau routier réalisé à cette époque assure un accès facile du Wienerwald. Après l’Anschluss de 1938, de nouveaux faubourgs et quelques communes adjacentes sont à leur tour rattachés administrativement à la cité.

Les bombardements alliés et les combats qui précèdent la prise de la ville par les troupes russes en avril 1945 entraînent la ruine d’à peu près 13 p. 100 des maisons d’habitation et 25 p. 100 des installations industrielles. De 1945 à 1955, Vienne, enclave dans la zone d’occupation soviétique, est placée sous contrôle interallié.

En 1954, une partie des territoires englobés après 1938 sont de nouveau rattachés au Land de Basse-Autriche, la ville comptant désormais vingt-trois arrondissements. Les ruines réparées, dont celles de la cathédrale, de l’Opéra, du Burgtheater, on met en œuvre un vaste programme de constructions : nouveaux ensembles d’habitations « municipaux », notamment sur l’« autre » rive du Danube, nouvelles voies de communication, etc.

Reliée aux provinces occidentales et méridionales, et, du même coup, aux principaux pays de l’Europe occidentale par des autoroutes à grand débit, un bon réseau routier, plusieurs voies ferrées et des lignes aériennes (qui utilisent l’aéroport de Schwechat), Vienne est un des relais les plus importants pour les échanges — politiques, économiques, culturels — entre l’ouest et l’est de l’Europe.


Une capitale culturelle

Capitale, jusqu’au début de ce siècle, d’un des grands États européens, Vienne devient très tôt un centre culturel important. La cour des Babenberg attire les grands Minnesänger, dont Reinmar et Walther von der Vogelweide. De nombreux monuments dans la ville ou dans le proche voisinage (abbaye de Klosterneuburg, où l’on conserve les panneaux d’autel [1181] de Nicolas de Verdun ; abbaye de Heiligenkreuz, fondée en 1135) témoignent de ce premier apogée. Au service successivement des empereurs Frédéric III et Maximilien Ier, l’humaniste Konrad Celtis (1459-1508) organise à Vienne une sodalité savante (Sodalitas Danubiana). Après la victoire sur les Turcs, Vienne se couvre d’édifices luxueux.

La réforme joséphiste de l’État entraîne la constitution d’un fonctionnariat bourgeois, éclairé et libéral : cette classe sociale devient le support de la culture autrichienne. Sous Marie-Thérèse, l’université est soustraite à l’autorité des Jésuites ; la faculté de médecine est réorganisée sur le modèle de celle de Leyde et devient rapidement l’une des plus célèbres d’Europe. En 1776 est fondé le Burgtheater, à la fois théâtre de cour (du « château ») et théâtre « national » allemand. Dans les faubourgs prospèrent des théâtres populaires réputés. La musique, que les grandes maisons nobles continuent à favoriser, atteint un public de plus en plus vaste et connaît un essor remarquable. Il en est de même de la littérature et de l’art, en particulier dans la bourgeoisie juive.