Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vienne (suite)

La Vienne du xvie s. est encore peu développée ; pendant tout le Moyen Âge elle dépendait, sur le plan religieux, de l’évêché de Passau. Ce n’est qu’en 1469 qu’un évêché y a été créé. La Klosteroffensive (« offensive des cloîtres »), en relation avec la Contre-Réforme, entraîne l’essor des couvents, des abbayes et des autres édifices religieux. De ce fait, la classe bourgeoise, notamment les marchands, voit son importance décliner. Cela se répercutera sur le cadre architectural de la ville : la propriété foncière changera de nature.

La victoire sur les Turcs devant les portes de Vienne en 1683 est un tournant capital dans le développement de la ville. À partir de cette date, l’expansion des Habsbourg dans le sud de l’Europe centrale fait disparaître la crainte d’une occupation turque qui pesait sur Vienne depuis 1529.

La période baroque (1683-1770) est une ère de construction active qui voit doubler la population de la ville. Les maisons gothiques aux façades étroites sont démolies par rues entières. Sur les parcelles remembrées, on construit des palais, des églises, des couvents ou des maisons de rapport. La rénovation du centre entraîne l’expulsion de l’artisanat vers la périphérie. Les faubourgs se développent rapidement, alors que, pendant toute la période des menaces turques, ils ont connu une stagnation permanente. Une nouvelle enceinte, correspondant à l’actuel Gürtel, est édifiée en 1706. Très rapidement, la ville franchit l’enceinte, en direction de l’ouest, avec les faubourgs de Fünfhaus et de Neulerchenfeld.

Vers 1770 débute une autre période d’expansion : l’« ère des manufactures » (Manufakturzeitalter). Elle se terminera vers 1840. De nouvelles couches sociales font leur apparition : entrepreneurs, directeurs de manufactures, banquiers, commerçants en gros et fonctionnaires supérieurs. L’époque des grands palais nobiliaires approche de sa fin. Cette période est caractérisée par des aspects architecturaux plus bourgeois. La crise financière, qui atteint la noblesse, fait que, dans le paysage urbain, les grands édifices administratifs, aux allures sobres, les habitations bourgeoises et les immeubles locatifs se côtoient de plus en plus.


La période décisive : la seconde moitié du xixe siècle

La seconde moitié du xixe s. voit l’ascension progressive mais rapide de Vienne au niveau d’une métropole mondiale. En 1840, toute l’agglomération viennoise comptait 440 000 habitants ; en 1910, le chiffre de 2 millions est dépassé.

De nouveaux faubourgs se développent à l’extérieur de l’enceinte. Mais près des trois quarts des maisons d’habitation d’avant 1840 sont démolies dans la vieille ville et la première ceinture des faubourgs. Un nouvel exode de population vers la périphérie en est la conséquence directe. À partir de 1857, les autorités font procéder à la démolition des fortifications, ce qui permet d’accroître la circulation par l’intermédiaire du Ring. Une partie des terrains récupérés est occupée par de grandioses bâtiments publics, faisant renaître les splendeurs de l’époque des palais baroques.

Le chemin de fer est amené par des gares terminales à proximité de ce qui a été l’enceinte du xviiie s. La gare du Sud (Südbahnhof) est ouverte en 1841. La gare François-Joseph (Franz-Josef-Bahnhof), à proximité du canal du Danube, est commencée à partir de 1867. Toutefois, c’est la gare du Nord (Nordbahnhof), construite en 1837, qui a été la première gare viennoise. La ligne qui la dessert, la Nordbahn, reliant Deutsch-Wagram à Vienne en passant par Floridsdorf, qui devait en être le principal bénéficiaire sur le plan du démarrage industriel, est une des principales voies menant à Vienne.

L’implantation des voies ferrées et des gares ne s’est pas faite au hasard : l’intention était de faciliter le ravitaillement des casernes et de faire venir rapidement de province des troupes en cas de révolution. En effet, les principales gares étaient couplées avec des complexes militaires (casernes, entrepôts), si bien que la stratégie militaire ne perdait pas ses droits dans l’urbanisme du xixe s. Le développement de l’arsenal, à proximité des gares du Sud et de l’Est, s’explique de la même façon.

Pendant longtemps, l’État fut souverain dans le domaine architectural et urbanistique. La municipalité exerça pour la première fois son influence en 1890, lorsqu’il fallut remplacer le « Linienwall » par une nouvelle ceinture. Jusque-là, ses compétences se limitèrent essentiellement à l’assurance du ravitaillement et au développement du système d’enseignement primaire. Lors des élections de 1895, le parti petit-bourgeois Christlichsoziale Partei conquit la majorité au conseil municipal. Le maire Karl Lueger fut à l’origine du « socialisme municipal », tant admiré en Europe. Il réussit à municipaliser les sociétés, souvent étrangères, qui contrôlaient la production de gaz et d’électricité. En 1903, les entreprises de transports urbains sont municipalisées ; soixante-dix écoles furent édifiées en quinze ans. Des hôpitaux municipaux furent construits dans la partie ouest de la ville (Lainzer Krankenhaus). La municipalité créa et développa les caisses d’épargne, des sociétés d’assurance municipales.

La régularisation du Danube (1869-1875) fut une des grandes réalisations de l’époque. Les crues répétées nécessitèrent de grands travaux. Le fleuve fut installé dans un lit rectiligne qui recoupait la Auenlandschaft, c’est-à-dire toute une zone amphibie de bras et d’îles occupés par l’eau, les prés, les marécages et de petits bois. Le Danube fut accompagné sur la rive gauche d’un ruban de près de 500 m de large servant à recueillir les eaux de crue. En période normale, cette zone donne l’aspect d’espaces verts, mais introduit néanmoins une coupure dans l’espace urbain. La Alte Donau et quelques autres plans d’eau dans la zone du Prater sont les témoins du passage désordonné du fleuve à travers Vienne. La régularisation n’entraîna de construction de quais que sur la rive droite. La construction de la Donauuferbahn permit de relier les bords du fleuve avec les gares urbaines. Ce n’est qu’en 1902 qu’on entreprit, en utilisant un bras abandonné du Danube, de construire un port « d’hiver » à Freudenau (extrémité sud-est du Prater). Le port d’Albern, situé au sud-est du précédent, n’a connu qu’un début de réalisation. La reprise de l’extension est en relation avec la réalisation du canal Main-Danube, qui laisse de grands espoirs à la navigation danubienne. Le port de Lobau a été spécialisé dans le trafic pétrolier. Le développement de la raffinerie de Schwechat est en relation avec ce dernier.