Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vieillissement de la population

Phénomène d’augmentation du nombre des personnes âgées dans une population.



Le phénomène

On a maints exemples de populations dont l’âge moyen des individus s’élève progressivement dans le temps. Ainsi, en France, cet âge moyen, de l’ordre de 27 ans à la fin du xviiie s., atteint maintenant 35 ans environ. Cette évolution résulte de modifications dans la répartition des individus selon les différentes classes d’âges, avec augmentation relative du nombre de ceux qui se situent dans les classes d’âges les plus élevés ; on donne à ce processus le nom de vieillissement de la population.

Si l’on prend comme exemple l’évolution de la situation à cet égard en France depuis deux siècles, on peut dire que l’effectif des personnes âgées a augmenté plus que l’effectif de l’ensemble de la population. On remarque encore que la proportion représentée par la classe d’âge intermédiaire (20-59 ans) a peu évolué, ne s’écartant jamais sensiblement de 50 p. 100, l’augmentation du pourcentage des personnes âgées s’accompagnant d’une diminution sensiblement égale de la proportion des jeunes (moins de 20 ans).

Comme, dans une génération, la proportion des personnes dépassant un certain âge est d’autant plus forte que la mortalité est plus basse et comme, d’autre part, ce sont dans les populations à plus haute mortalité (populations de pays sous-développés) que se trouvent les plus faibles pourcentages de gens âgés (en Inde, en Égypte, en Algérie, les « plus de 60 ans » ne constituent guère plus de 4 p. 100 du total de la population), le vieillissement de la population est couramment attribué à la baisse de la mortalité. Or, il n’en est rien : on s’aperçoit que la baisse de la mortalité, qui s’est déjà produite depuis quelques décennies dans certains pays du tiers monde, a été sans effet appréciable sur la répartition par âge de la population ; s’il en va différemment dans les pays européens, c’est que la baisse de la mortalité s’est aussi accompagnée d’une baisse de la natalité (ce qui n’a généralement pas eu lieu en pays sous-développé).

Si la baisse de la mortalité, dans les conditions où elle s’est effectuée, n’a pas modifié sensiblement à elle seule la structure par âge de la population, c’est qu’elle a résulté, en fait, d’une régression des risques de décès à tous les âges, et même d’une régression d’autant plus forte qu’il s’agit d’âges plus jeunes ; alors, les vies ainsi épargnées sont venues grossir les effectifs de la population des divers âges, sans perturber véritablement la répartition de l’ensemble (des calculs précis montrent qu’il en résulte un léger gonflement relatif des classes d’âges les plus jeunes et les plus élevés).


Les principaux facteurs

C’est la baisse de la natalité qui est, en réalité, le facteur de vieillissement décisif des populations ; elle diminue en quelque sorte l’alimentation des populations concernées en éléments jeunes, qui perdent de ce fait de leur importance relative, tandis que les éléments âgés gagnent corrélativement en pourcentage.

Le vieillissement peut aussi résulter d’autres mécanismes, comme l’existence de migrations. L’émigration, qui est le fait d’éléments jeunes, est un facteur de vieillissement pour les pays de départ, alors qu’elle est facteur de rajeunissement (ou, du moins, elle constitue un frein au vieillissement) de la population des pays d’accueil. Ainsi s’explique le vieillissement généralisé des régions rurales de plus en plus désertées ; ici, d’ailleurs, l’émigration entraîne, par tarissement progressif des classes d’adultes jeunes, une baisse de la natalité, et les deux facteurs conjuguent leurs effets.


Croître ou vieillir

En s’en tenant à l’effet du mouvement naturel (résultante de la natalité et de la mortalité) sur la structure par âge des populations, on voit que celles-ci sont enfermées dans le dilemme suivant : croître ou vieillir ; seul, en effet, le maintien de la natalité à un niveau constant fait échec au vieillissement, mais alors (en raison d’une mortalité toujours en baisse) la croissance démographique peut être impressionnante, et, si cette croissance est freinée (par baisse de la natalité, l’éventualité d’une hausse de la mortalité étant impensable), le vieillissement est inéluctable.

Dans les limites d’une espérance de vie à la naissance de 80 ans et avec la très basse fécondité qui suffirait alors pour maintenir la population dans l’état stationnaire (à peine plus de 2 enfants en moyenne par femme), on aurait la structure d’équilibre selon les âges suivante :

Si, dans l’avenir, la mortalité était combattue encore plus efficacement (si le cancer était couramment guérissable, si les affections cardio-vasculaires étaient efficacement combattues jusqu’à un âge avancé), la baisse globale de la mortalité qui en résulterait serait un facteur de vieillissement de la population, car les gains en vies humaines ne porteraient plus que sur des sujets âgés (de toute façon, la mortalité des jeunes, actuellement, n’est pas loin d’être nulle).

Le phénomène du vieillissement concerne non seulement les populations entendues au sens habituel, mais tout ensemble d’individus que les circonstances de la vie collective amènent à considérer. On pourra constater que la population étudiante vieillit (parce que les études se prolongent plus qu’autrefois), que la population de tel corps social vieillit (parce qu’il y a tarissement du recrutement — ainsi la population des prêtres par crise de vocations).


Les conséquences du vieillissement

Les conséquences du vieillissement et les problèmes qu’elles posent sont nombreux. Ainsi, la modification de la répartition par âge, qui définit le phénomène, s’accompagne de la croissance des besoins plus particulièrement spécifiques au « troisième âge », tels les besoins médicaux. Comme le vieillissement s’est produit à une époque d’éclatement des structures familiales traditionnelles, dans lesquelles cohabitaient et se soutenaient les différentes générations d’une même lignée, l’entretien de personnes âgées, en augmentation (absolue et relative) considérable, exige une prise en charge directe par l’ensemble de la société au moyen de transferts* financiers divers. À cet égard, le problème des retraites* se pose différemment dans une population vieille et dans une population jeune. Quel que soit le système qui prévaut (retraite par capitalisation ou retraite par répartition), l’octroi d’un pouvoir d’achat aux inactifs âgés suppose toujours un prélèvement sur la production* du moment, fruit du travail* des actifs : toutes choses égales d’ailleurs, la ponction sera d’autant plus lourde que les bénéficiaires constitueront une fraction plus importante de l’ensemble de la population ; le problème des transferts ainsi posé, qui, en définitive, est toujours d’essence politique, sera donc d’autant plus difficile à résoudre que le degré de vieillissement de la population sera plus prononcé. Ici, une élévation de l’âge de la retraite peut être un correctif, d’application difficile toutefois, en raison des aspirations des intéressés.