Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vico (Giambattista) (suite)

Pendant les années qui vont du De antiquissima... au Diritto universale et jusqu’à la fin de sa vie, délaissant les pseudo-sciences de la nature, Vico s’appliquera désormais presque exclusivement à l’étude du droit et de l’histoire, et l’histoire finira par lui apparaître comme la seule science humaine possible (l’histoire « dont la science est accessible aux hommes, parce qu’elle est l’œuvre des hommes »). L’unique restriction apportée à ce concept d’histoire tient à la distinction entre histoire profane et histoire « sacrée » ; celle-ci — l’histoire du peuple élu —, étant du seul ressort de Dieu, échappe à tout autre entendement que le sien.

Contrairement à la théorie, illustrée dans le De antiquissima..., selon laquelle l’histoire ne serait qu’un long procès de détérioration et de perversion d’une sagesse primitive (représentée en l’occurrence par la civilisation prépythagoricienne — synthèse d’apports égyptiens, ioniens et étrusques —, qui serait à l’origine de la culture italique), dans la Scienza nuova, Vico expose une conception cyclique de l’histoire de l’humanité. L’évolution des peuples obéit au même rythme ternaire que celle de l’esprit humain : à l’âge de la « bestialité », faite de pures impressions sans conscience, succèdent l’« enfance », caractérisée par une conscience troublée par l’imagination, et la réflexion pure de l’âge adulte. L’« âge des dieux », l’« âge des héros » et l’« âge des hommes » correspondent, dans l’histoire des civilisations, aux stades de la sensation, de l’imagination et de la raison dans le procès évolutif de tout être humain. La principale originalité de Vico historien (et philosophe de l’histoire) réside dans la méthode d’interprétation (et de reconstitution) qu’il applique à la « bestialité » de l’humanité primitive. Après avoir affirmé qu’on ne saurait appréhender cette « bestialité » à l’aide d’instruments purement rationnels, Vico entreprend de dégager la spécificité du « savoir poétique » qui la constitue. Cette science nouvelle, proprement mythologique, n’a que faire des sources (annalistiques, philosophiques, littéraires) auxquelles puise l’histoire traditionnelle, dans la mesure où le « savoir poétique » d’une civilisation n’est pas le savoir d’une élite intellectuelle, mais celui d’une collectivité, et, plus encore qu’à travers quelques textes d’exception, il s’exprime à travers des institutions, des rites, des coutumes, des monuments, bref, à travers toute la complexité matérielle d’une culture, que seules l’archéologie et l’« étymologie » (réunies par Vico sous le concept commun de « philologie ») sont en mesure de déchiffrer.

La théorie du langage élaborée par Vico dérive directement de sa méditation sur le mythe. À l’opposé de toute la réflexion qui, culminant dans les poétiques baroques, voyait dans la métaphore le comble de l’artifice et de l’élaboration intellectuels, Vico réaffirme fortement l’origine métaphorique du langage. Bien plus, de même que la représentation hiéroglyphique précède la convention alphabétique, le langage muet « par gestes ou par corps ayant des rapports naturels avec les idées qu’ils voulaient signifier » est antérieur à l’articulation phonétique de la langue.

C’est sans doute cette méditation érudite sur les écritures non phonétiques qui confère aujourd’hui à l’œuvre de Vico sa plus grande actualité ; plus encore que les pages (auxquelles B. Croce doit tant) où Vico fonde l’esthétique moderne en affirmant l’autonomie du « savoir poétique » par rapport à la connaissance philosophique ; ou que sa célèbre théorie des « ricorsi » selon laquelle, au terme de chaque cycle historique, la « raison » est menacée de décadence et vouée à une nouvelle « barbarie ».

J.-M. G.

 B. Croce, Saggio sullo Hegel (Bari, 1913 ; 4e éd., 1948). / B. Donati, Nuovi studi sulla filosofia civile di G. B. Vico (Florence, 1936). / M. Fubini, Stile e umanità di Gíambattista Vico (Bari, 1946). / F. Niccolini, Saggi vichiani (Naples, 1955). / A. Corsano, Gíambattista Vico (Bari, 1956). / B. De Giovanni, Filosofia e diritto in Francisco d’Andrea : contributo alla storia del previchismo (Milan, 1958). / N. Badaloni, Introduzione a G. B. Vico (Milan, 1961). / E. Garin, Storia della filosofia italiana (Turin, 1966 ; 3 vol.). / J. Chaix-Ruy, Jean-Baptiste Vico et l’illuminisme athée (Del Duca, 1968). / P. Rossi, « G. B. Vico » dans Storia della letteratura italiana, vol. VI : Il Settecento (Milan, 1968).

Victor-Emmanuel II

(Turin 1820 - Rome 1878), roi de Sardaigne de 1849 à 1861, puis d’Italie de 1861 à 1878.


Fils de Charles-Albert, il devient roi lors de l’abdication de son père, consécutive au désastre de Novare (23 mars 1849). Il accepte l’armistice autrichien qui aboutit en août au traité de Milan par lequel le Piémont renonce à tout agrandissement territorial et à tout soutien au mouvement révolutionnaire italien. Avec sa « face camuse de Silène » que barrent d’énormes moustaches, Victor-Emmanuel II, à vingt-neuf ans, semble peu fait pour la politique ; il songe surtout à la guerre, à la chasse et à l’amour. Ce qui explique l’importance prise, au cours de son règne, par les ministres.

Si, au début, Victor-Emmanuel fait mine de combattre les libéraux, il se débarrasse très vite du Premier ministre, Claudio Gabriele De Launay (1786-1850), pour confier le gouvernement à un ancien giobertiste rallié à l’idée d’une unification de l’Italie par la maison de Savoie : Massimo d’Azeglio (1798-1866), qui pratique une politique réformiste et laïque mal vue par Rome et par l’épiscopat. Le 4 novembre 1852, d’Azeglio est remplacé par son ministre de l’Agriculture puis des Finances Camille Benso, comte de Cavour*, qui, outre la présidence du Conseil, assume les Finances. Bien que n’aimant pas Cavour, Victor-Emmanuel va constamment s’appuyer sur lui, qui, à son tour, renforcera le prestige de la maison de Savoie dans l’opinion italienne au point que celle-ci finira par voir dans le « roi galant homme », brave, loyal et simple, le seul homme capable de débarrasser l’Italie des Autrichiens et de réaliser l’unité territoriale.