Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vichy (gouvernement de)

Gouvernement présidé par le maréchal Pétain* et installé à Vichy (Allier) de 1940 à 1944.



« Autour de M. le maréchal Pétain »

Le 1er juillet 1940, venant de Bordeaux, le gouvernement français, présidé par le maréchal Pétain depuis le 16 juin, s’installe « provisoirement » dans la ville thermale de Vichy (Allier). Les équipements hôteliers de la cité permettent de loger (certes à l’étroit) de nombreux services administratifs ; la proximité de la ligne de démarcation imposée par l’armistice du 22 juin entre la zone Nord et la zone Sud, l’absence de population ouvrière constituent des avantages non négligeables. En outre, le choix de Vichy symbolise, au moment où la défaite s’abat sur la France, un retour au bastion arverne de l’ancienne Gaule.

En fait, Vichy est peu accessible, mal relié à Paris, à la zone occupée ; rapidement, la ville deviendra un microcosme où, autour de l’hôtel du Parc, grouillera tout un monde politique évoluant en vase clos.

Le gouvernement de Vichy naît dans la salle des fêtes du Casino, le 10 juillet 1940. Pierre Laval a convaincu les parlementaires de l’Assemblée nationale de déléguer les pleins pouvoirs au maréchal Pétain aux fins de « promulguer une nouvelle constitution de l’État français » qui devrait « garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie ». Par 569 voix contre 80 et 17 abstentions, l’Assemblée nationale accède à ce désir : la IIIe République* laisse la place à l’État français. Le lendemain sont signés trois actes constitutionnels, au ton très monarchique (« Nous, Philippe Pétain, maréchal de France..., décrétons... »), qui font de Pétain le chef de l’État français, définissent ses pouvoirs et règlent le sort du Parlement. Un quatrième acte, signé le 12 juillet, confie à Pierre Laval la succession du chef de l’État en cas d’incapacité de celui-ci.

La popularité du maréchal est alors immense. Seul survivant, avec Franchet d’Esperey, des maréchaux de la Grande Guerre, il semble pouvoir faire face aux Allemands, qui respectent en lui l’ancien adversaire de Hindenburg.

D’autre part, si dérisoire que soit son autorité, le gouvernement de Vichy est le gouvernement d’un État souverain, au moins jusqu’au 11 novembre 1942. Il dispose d’un territoire (la zone libre), de l’empire colonial et de la marine de la France. Il est reconnu de jure par de nombreux pays (dont les États-Unis), qui entretiennent auprès de lui une représentation diplomatique.

Cependant, ses conditions de fonctionnement sont extrêmement difficiles. La France est vaincue, démembrée, occupée ; l’Alsace-Lorraine est annexée au Reich. Au nord, une « zone interdite » relève de l’administration allemande de Bruxelles, et l’Ostland de Meurthe-et-Moselle est repeuplé par des colons allemands. En zone nord, malgré la « délégation de Paris », l’autorité véritable appartient à l’occupant. L’économie y est à la merci du vainqueur, qui la met à son service. La pénurie de vivres et de matières premières, génératrice de disette et de chômage, gagne la zone sud. Les Allemands prélèvent 400 millions de francs chaque jour et pillent, avec un mark surévalué, les richesses du pays. Un million et demi de prisonniers manquent, à l’agriculture surtout.

Dans ces conditions, quelles sont les possibilités d’action du gouvernement de Vichy ?


« Travail, Famille, Patrie »

La grande pensée du régime de Vichy, c’est la « Révolution nationale ». Le gouvernement du maréchal Pétain considère que la IIIe République est responsable du désastre militaire. Il faut donc faire « surgir une France neuve » et réaliser une transformation radicale des institutions et des mœurs. Cette transformation sera « révolutionnaire » en ce sens que les Français seront invités à revenir aux traditions nationales que la démocratie avait quelque peu négligées ; il s’agit de restaurer « les vertus qui font les peuples forts », à savoir le travail, source de toute richesse, la famille, cellule de base de la société, milieu idéal où s’épanouit le futur citoyen, la patrie, enfin, que la défaite a humiliée. Les Français doivent se regrouper autour du chef de l’État, qui désormais en assume la destinée.


« Pétain, c’est la France »

Le chef de l’État est la pièce maîtresse du gouvernement. Le vieux soldat entend introduire la discipline militaire dans la vie politique. Il ajourne les assemblées parlementaires. Son autorité, il estime la tenir du consentement des représentants de la nation, mais aussi et principalement du consensus du peuple français. Sans plébiscite, il se considère comme l’élu du peuple. Cette union avec les Français est sentimentale, quasi mystique. Elle s’affirme par le culte dont le maréchal Pétain est l’objet, surtout lors des voyages qu’il multiplie à travers la zone libre au cours des années 1940 et 1941. « Pétain, c’est la France, et la France, c’est Pétain », déclare le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon. Les messages radiodiffusés rapprochent le chef de l’État de « son » peuple et font sentir à celui-ci qu’il a un protecteur soucieux des problèmes les plus immédiats.

Du chef de l’État, assisté suivant les époques de l’amiral Darlan*, du général Weygand* et de Pierre Laval, seul parlementaire que Pétain ne tolère que contraint et forcé (du 12 juill. au 13 déc. 1940 et du 18 avr. 1942 au 18 août 1944), procèdent les pouvoirs centraux : un Conseil des ministres, restreint en nombre, et le Conseil national, créé en janvier 1941, sorte de sénat de notables qui ne jouera qu’un faible rôle. À l’échelon local, les commissions administratives (au département et à la commune) nommées par le chef de l’État font pénétrer, avec l’aide de la Légion des combattants, l’esprit nouveau jusqu’au moindre village. Peu à peu, l’absolutisme s’affirme : les fonctionnaires, l’armée et la magistrature sont assermentés au maréchal dès 1941. Une conception antidémocratique et autoritaire de l’État germe ainsi, conception qui apparente le système aux dictatures fascistes.