Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

verre (suite)

Recuisson et trempe du verre

Au-dessous du point de transformation, le verre est pratiquement rigide. En fait, à cette température, s’il n’y a pas de déformation générale d’une pièce, il y a encore des possibilités de réarrangements moléculaires de faible amplitude ; le temps de relaxation est de l’ordre de la minute. Il correspond au déplacement d’une molécule sous l’effet de l’agitation thermique, d’une longueur égale à son diamètre. Ce temps τ est déjà de 1 h 30 mn pour une viscosité de 1015 et de 18 mois pour une viscosité de 1019. Par comparaison avec un liquide vrai, le temps de relaxation pour l’eau, dont la viscosité à 20 °C est de 10–2 poise, est τ = 10–12 s. Le refroidissement étant un phénomène dynamique, sa vitesse doit permettre à tout instant un réarrangement moléculaire compatible avec le temps de relaxation à la température du moment. D’autre part, ce refroidissement s’effectuant nécessairement à partir de l’extérieur, il se forme un gradient de température, donc un gradient de l’état de dilatation qui pourrait engendrer des contraintes si elles ne se relâchaient pas au fur et à mesure. En l’absence d’un tel relâchement, les contraintes deviendraient permanentes à la température ambiante et, si elles sont irrégulières, pourraient provoquer la casse de la pièce. Un relâchement rapide se produit à toutes les températures supérieures à une valeur dite température supérieure de recuisson (annealing point) ; mais, à ces températures, on risque des déformations. Pratiquement, on commencera donc la recuisson au voisinage de la température Tg. Elle se poursuivra jusqu’à ce que le temps de relaxation devienne trop long, ce qui correspond à la température inférieure de recuisson, température pour laquelle la viscosité atteint 1014,5 poises. Au-dessous de cette température, le retour à la température ambiante n’est plus conditionné que par la crainte que les contraintes temporaires qui apparaissent n’entraînent la rupture de la pièce. La courbe de recuisson doit être soigneusement déterminée en fonction du coefficient de dilatation, de l’épaisseur de la pièce et de l’usage auquel elle est destinée ; une pièce d’optique est recuite beaucoup plus soigneusement qu’une bouteille. La recuisson et le refroidissement du miroir de l’observatoire du mont Palomar ont demandé 10 mois. La recuisson et le refroidissement d’un ruban continu de glace demandent à peine 20 minutes.

Le verre bien recuit est, en principe, dépourvu de tensions. Au contraire, la trempe fait apparaître des tensions, mais d’une manière parfaitement contrôlée. Alors que le verre est à la limite de l’état élastico-visqueux, un brusque refroidissement, obtenu par soufflage à l’air ou par immersion dans un liquide, provoque un rapide figeage des couches les plus externes, qui, en se contractant par rapport aux couches plus profondes, glissent sur celles-ci en entraînant un remaniement des liaisons moléculaires. Lorsque, le refroidissement progressant en profondeur, les couches internes se figent à leur tour, leur contraction ne peut entraîner de nouveaux glissements, de sorte que des contraintes apparaissent : les peaux se mettent en compression, et le cœur en extension. Lors d’une flexion qui mettrait la face convexe d’une telle feuille en extension et en entraînerait la fracture, la présence de cet état initial de compression protège la surface du danger de mise en extension. On a, en effet, constaté que la fracture du verre s’amorce toujours en surface à partir d’un défaut. La résistance à l’extension d’un verre en masse n’excède pas 5 kg/mm2, alors que la résistance à la compression dépasse 100 kg/mm2. Le verre trempé peut ainsi supporter des déformations importantes, voire des chocs, qui entraîneraient immanquablement la casse d’un verre recuit. Lorsqu’une limite est dépassée, une amorce superficielle peut atteindre la zone en extension : la fracture se propage à la vitesse de 1 500 m/s, et le déséquilibre qui en résulte entre les couches superposées entraîne une fragmentation en très petits morceaux non coupants. Outre leur résistance, les verres trempés offrent donc l’intérêt d’être des verres de sécurité.

Une servitude inhérente à ces verres est qu’ils ne peuvent pas être coupés, percés ou retouchés : toutes ces opérations doivent se faire avant trempe. L’état de contrainte des verres trempés ou mal recuits est mis en évidence par la biréfringence.


Échanges d’ions et trempe chimique

Une pièce de verre plongée dans un bain de nitrate alcalin fondu est soumise à un échange progressif de ses propres cations contre ceux du bain. On « fabrique » ainsi sans fusion un verre de nature différente du verre d’origine. Si l’échange n’est que superficiel et se fait au-dessus du point de transformation, l’échange n’engendre pas de contrainte à chaud, mais, au cours du refroidissement subséquent, les contraintes peuvent apparaître si le verre substitué n’a pas le même coefficient de dilatation que le verre sous-jacent. L’échange Na+-Li+ dans un verre silico-alumineux conduit à un aluminosilicate de faible dilatation qui met la surface en forte compression. Le phénomène est un peu différent si l’échange se fait au-dessous du strain-point. Le réseau qui s’est en quelque sorte moulé sur la grosseur d’un cation donné ne peut plus changer. Si l’ion substitué est plus petit, par exemple Li+ (r = 0,78 Å) en place de Na+ (r = 0,98 Å), la partie échangée se mettra en extension. Ce sera le contraire pour K+ (r = 1,33 Å). Dans ce dernier cas, on a réalisé une trempe chimique, caractérisée par une compression beaucoup plus intense que la trempe thermique, mais n’intéressant qu’une profondeur beaucoup plus faible : de 10 à 50 μ. En revanche, les conditions d’équilibre entre les aires de compression et d’extension s’accommodent d’une intensité très faible pour cette dernière, de sorte que la fracture, quand elle intervient, ne se propage en petits fragments que dans les régions fortement déformées.