Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

verre (suite)

Propriétés thermodynamiques des verres

Les données thermodynamiques des verres sont peu affectées lorsqu’on passe de l’état fondu à l’état rigide. D’autre part, elles sont sensiblement les mêmes que pour le cristal correspondant quand la composition de ces verres admet une forme cristalline. C’est le cas pour la silice SiO2 sous la forme de silice vitreuse ou de cristobalite β. Il y a donc, à l’échelle moléculaire, une grande ressemblance de structure entre ces différents états.

Si, par exemple, on suit la variation de volume d’un corps en fonction de la température depuis l’état fondu jusqu’à l’état solide, on constate pour la plupart des corps une forte diminution de volume intervenant brutalement pour une température correspondant au point de fusion Tf (métaux, sels, etc.) et au-dessous de laquelle le coefficient de dilatation du solide est inférieur à celui du liquide. Avec certaines précautions, on peut franchir le point de fusion Tf et obtenir sous forme métastable un liquide surfondu. La suppression, spontanée ou provoquée par ensemencement avec un germe cristallin, de l’état de surfusion fait reparaître la courbe normale. En revanche, pour les verres, la courbe du liquide surfondu se prolonge et est marquée seulement par une variation de pente qui devient parallèle à celle qui caractérisait le cristal. Ce changement intervient à une température Tg qui correspond à une viscosité η = 1013, au-dessous de laquelle la rigidité est telle qu’on peut supposer avoir affaire à un solide. On définit parfois le verre comme un liquide surfondu figé. Il n’y a pas, dans ce cas, de réarrangement moléculaire analogue à celui qui se produit au moment de la cristallisation, de sorte que l’expression température de transformation est inadéquate. À la température Tg, le temps de relaxation n’est, d’ailleurs, pas infini, et ce point dépend de la vitesse à laquelle on le franchit. Certains auteurs parlent de zone de transformation, mais il est préférable d’adopter l’expression zone de figeage. Il résulte de cette particularité qu’à l’état solide le verre ne correspond pas à un équilibre thermodynamique. Sous certaines conditions de température, on observera une dévitrification, précédée parfois d’une démixtion, ou séparation de phases.


Principales propriétés physiques des verres

Pour la fusion et le formage, la propriété dominante des verres est la viscosité. Le verre silico-sodo-calcique type est fondu à partir d’un mélange de sable et de carbonates de sodium et de calcium entre 1 300 et 1 400 °C ; l’affinage, qui correspond à une pointe de température pouvant atteindre 1 500 °C, confère au bain une grande fluidité qui ne se prête pas à un quelconque façonnage (viscosité η de l’ordre de la centaine de poises). La coulée, le laminage ou l’étirage sont exécutés à des températures comprises, suivant le procédé, entre 1 250 et 1 000 °C et à des viscosités de quelques milliers de poises. Le pochage devient possible dès 300 poises ; le cueillage à la canne se fait vers 1 000vpoises. Le travail du verre des souffleurs de verre (courbage, soudage) est réalisé entre 850 et 700 °C, et à des viscosités comprises entre 106 et 109 poises. Lors du soufflage et du travail à la main, qui demandaient un certain temps, il fallait profiter d’un intervalle de température, appelé improprement palier de travail, pour achever la mise en forme. Souvent, on devait réchauffer la pièce à l’ouvreau. Un verre à variation rapide de viscosité vers 1 000 °C est dit à court palier. L’alumine allonge le palier de travail. Les procédés modernes de fabrication continue, qui font appel à une viscosité rigoureusement constante, suppriment ces servitudes. À la température ambiante, la viscosité dépasse 1019, et l’on peut considérer que la forme est devenue permanente. L’effet de la température sur la viscosité est interprété comme traduisant le relâchement, pouvant aller jusqu’à la rupture, de certaines liaisons lorsque l’agitation thermique croît. Mais, au lieu de se produire en avalanche, comme avec les corps à fusion franche, dont toutes les liaisons ont sensiblement la même énergie, les ruptures portent d’abord sur les liaisons les plus faibles, de sorte que la fusion des verres est progressive et reste plus ou moins pâteuse.


Dilatation thermique

Son importance conditionne la tenue des verres aux chocs thermiques ainsi que l’aptitude à la soudure avec des pièces métalliques (Mo dans l’industrie électrique des lampes) et joue un rôle essentiel dans la trempe thermique.


Conductibilité électrique

Les verres présentent à l’état fondu, mais aussi aux moyennes températures (électrolyse sèche) une conductibilité de caractère ionique. Ce sont les cations alcalins qui conduisent le courant ; l’anion est constitué par l’ensemble du réseau et est bloqué. Dans de larges limites de concentration, par exemple de 5 à 40 p. 100 d’oxyde de sodium Na2O, la conductivité est proportionnelle à la teneur en alcalins. C’est elle qui permet la fusion du verre par effet Joule dans la masse. Récemment, on s’est intéressé à la conductivité électronique des verres, normalement très faible et masquée par la conductivité ionique. Pour bloquer cette dernière, on introduit dans la composition de gros ions (Pb, Bi, Ba, etc.), et l’effet électronique est lié aux éléments de transition (Fe, V, Ni, Co, Mn, Mo, Cr, etc.) ainsi qu’aux défauts de réseau. De ce fait, certains verres présentent des propriétés semi-conductrices ; d’autres verres possèdent même des effets de commutation, tels que l’effet Pearson, connu aussi sous le nom d’effet Ovshinsky. Ces effets sont surtout présentés par les verres sans oxydes, ou verres de chalcogénures.


Propriétés optiques

Les verres à base de silice et dépourvus d’éléments colorants (Cu, Co, Au, etc.) ou opalescents (P, F, etc.), sont pratiquement parfaitement transparents dans le visible. Cette propriété est due à l’absence de résonateurs pour les fréquences concernées. En effet, les vibrations propres des électrons de liaison correspondent à l’ultraviolet moyen (λ ~ 0,2 μ) ; quant aux vibrations moléculaires des groupes SiO4, elles se situent dans le proche et le moyen infrarouge (au-delà de λ = 2,5 μ). Une surface de verre présente normalement le phénomène de la réflexion vitreuse, dont la valeur se déduit de la loi de Lorentz : Pour le verre d’indice n = 1,5 plongé dans l’air, le facteur de réflexion ρ est de 4 p. 100. La présence d’une lame de verre sur le trajet d’un faisceau lumineux ampute donc celui-ci de 8 p. 100 de son intensité. Pour diminuer cette perte et à défaut de pouvoir réaliser une variation progressive d’indice, dont la discontinuité est la cause du phénomène, on revêt les verres destinés aux instruments d’optique d’une couche de fluorure de magnésium dont l’indice est intermédiaire (bleutage des objectifs). L’absorption des verres communs n’est pas nulle par suite de la présence de certaines impuretés, ordinairement du fer apporté par le sable ; elle croît exponentiellement avec l’épaisseur (loi de Béer). Par la tranche, une pile de glaces paraît fortement colorée. La réalisation des hublots de protection pour l’industrie atomique, dans lesquels l’épaisseur du verre au plomb peut atteindre 1 m, a posé de délicats problèmes de couleur, aggravés du fait que, sous un rayonnement, il y a brunissement par déplacements ou activation d’ions (formation de centres de couleur). Dans ce cas, les verres sont stabilisés au cérium. L’énorme gamme des compositions vitrifiables a permis aux verriers de conférer aux verres des propriétés spécifiques, telles que la transparence dans l’ultraviolet (lampes germicides), parfois en même temps l’opacité dans le visible (lumière noire pour exciter la fluorescence), la transparence dans l’infrarouge pour l’optique nocturne ou, au contraire, l’absorption pour les rayons de très courtes longueurs d’onde (protection contre les rayons X en radiologie). La palette des verres de couleur est considérable : verres pour la signalisation, verres pour vitraux ; la carte des couleurs de Saint-Just-sur-Loire (Loire), usine spécialisée dans ces fabrications, dépasse 1 500 teintes. Les verres destinés à l’optique sont également très nombreux et caractérisés par des indices et des courbes de dispersion différents, de manière à satisfaire aux exigences des calculs d’achromats, de fibres optiques, etc. Les propriétés de certains éléments, comme le néodyme, utilisés comme dopes dans une matrice vitreuse convenable, ont permis la réalisation de lasers de puissance. Les grands miroirs des télescopes catoptriques ont été d’abord réalisés en verre massif (miroir de 2,50 m de diamètre du Mont-Wilson), puis, en vue de leur allégement, la partie massive fut réduite à un voile faisant corps avec une structure alvéolée, ce qui a permis de porter à 200″ (5 m) le diamètre du miroir de l’observatoire du mont Palomar. Le verre utilisé était un borosilicate de faible coefficient de dilatation, simplifiant considérablement les problèmes de recuisson et de polissage final. La découverte des matériaux vitrocéramiques a marqué l’abandon de la course aux grands diamètres des miroirs réalisés en verre pur.