Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Verlaine (Paul) (suite)

Des débuts littéraires au mariage (1866-1870)

En 1866 paraissait chez Alphonse Lemerre le Parnasse contemporain. Paul Verlaine y collabore (la livraison datée du 28 avril donne sept poèmes de lui). Le 17 novembre annonce est faite de la publication des Poèmes saturniens chez Lemerre : sa cousine Élisa Moncomble, qui a fourni l’argent nécessaire à l’impression du volume, meurt le 16 février 1887 à Lécluse. En octobre de la même année, le musicien Charles de Sivry, son futur beau-frère, présente Verlaine aux Mauté de Fleurville.

En 1868, Verlaine paraît aux soirées chez Nina de Villard. Il rencontre là les frères Gros, L. Dierx, F. Coppée, A. France, A. Villiers de L’Isle-Adam, X. de Ricard, L. Valade, C. de Sivry. Au mois d’août, à Bruxelles, il va rendre visite à Victor Hugo ; celui-ci récite au jeune poète, ébloui, des vers des Poèmes saturniens. En 1869, Verlaine projette une pièce, Veaucochard et fils Ier, en collaboration avec Lucien Viotti, un ancien camarade de collège pour qui il éprouve une amitié passionnée (Viotti sera tué pendant le siège de Paris, le 29 novembre 1870). Un peu plus tard, il travaille à un drame populaire, les Forgerons, en collaboration avec Edmond Lepelletier. Il adresse à Mathilde Mauté de Fleurville (1853-1914) certains des poèmes de la Bonne Chanson durant l’été de 1869.


Du mariage au drame de Bruxelles (1870-1873)

Le mariage, plusieurs fois retardé, sera célébré le 11 août 1870. Verlaine est affecté, sur sa demande, au 160e bataillon de marche de la garde nationale. Il recommence à boire et se met à brutaliser Mathilde.

En mars 1871, il adhère à la Commune et est chargé de la censure des journaux. Quand les Versaillais entrent dans Paris, il se conduit peu glorieusement. De juin à août, il se réfugie à Fampoux, puis à Lécluse, revient à Paris. Mais, par peur de la délation des voisins, il loge chez ses beaux-parents. C’est là que, le 10 septembre, arrive Rimbaud*. Le 30 octobre naît le petit Georges, fils de Paul et de Mathilde. Le 13 janvier 1872, Verlaine se livre à des brutalités sur sa femme et son fils, puis se réfugie chez sa mère. Il s’installe rue Campagne-Première avec Rimbaud — celui-ci regagne Charleville le 15 mars, puis revient à Paris le 18 mai. Durant cette période, aux Fêtes de la Patience de Rimbaud font écho les Ariettes oubliées de Verlaine.

En juillet, après une tentative avortée, Rimbaud et Verlaine quittent Paris pour la Belgique, où ils vagabondent. Le 21 juillet, Mathilde, accompagnée de sa mère, part pour Bruxelles avec l’espoir de reconquérir son mari. Verlaine prend le train pour Paris avec sa femme et sa belle-mère, mais les quitte brusquement à la gare frontière de Quiévrain. Rimbaud et Verlaine restent en Belgique jusqu’au 7 septembre, date à laquelle ils s’embarquent à Ostende pour Douvres. Ils passeront un trimestre à Londres, au 34-35 Howland Street.

À la fin de novembre, Rimbaud quitte Londres. Verlaine tombe malade et fait venir auprès de lui sa mère qui rappelle Rimbaud et lui fournit l’argent nécessaire au voyage. Verlaine et Rimbaud font de longues promenades aux environs de Londres. Après un court séjour en Belgique et le retour à Londres, les querelles entre eux se multiplient. Manquant d’argent, ils doivent donner des leçons de français. Au début de juillet 1873, Verlaine, excédé, s’embarque malgré les efforts de Rimbaud pour le retenir. En mer, il écrit à Rimbaud une lettre dans laquelle il menace de se suicider. Arrivé à Bruxelles, il télégraphie à sa femme de venir le rejoindre ; en même temps, il annonce à sa mère son intention de se tuer si Mathilde n’obéit pas. Le 5 juillet, Mme Verlaine accourt à Bruxelles. Rappelé par dépêche, Rimbaud arrive à Bruxelles le 8 ; il loge chez Verlaine. Le 10 juillet, ivre, affolé par l’idée que Rimbaud veut partir, Verlaine, en présence de sa mère, tire deux coups de pistolet, dont l’un blesse Rimbaud au poignet. Le soir de ce jour, comme lui et sa mère accompagnent Rimbaud à la gare, il a un geste menaçant. Rimbaud se réfugie auprès d’un agent, et Verlaine est écroué. Le 11 juillet, il est transféré à la prison des Petits-Carmes, où il y écrira en trois mois au moins dix-neuf poèmes, dont Crimen amoris et certaines des plus belles pièces de Sagesse.

Bien que Rimbaud, le 19 juillet, soit revenu sur ses premières déclarations et ait renoncé à toute action judiciaire, Verlaine reste en prison. Il sera, le 8 août, condamné au maximum de la peine, soit deux ans de prison. L’arrêt étant confirmé en appel le 27 août, il est alors transféré à la prison cellulaire de Mons.


Du « château » de Mons à la mort de la mère (1873-1886)...

En prison, Verlaine trie du café. Il lit, étudie l’anglais et l’espagnol. Par l’intermédiaire de sa mère, il correspond avec Lepelletier, qui s’occupe de l’impression des Romances sans paroles. Ce qu’on appelle improprement la « conversion » de Verlaine, son retour à la foi, semble avoir été le fruit d’une pieuse conspiration familiale. Elle est hâtée par la notification qui est faite au prisonnier, au début du mois de mai 1874, du jugement du tribunal de la Seine, en date du 24 avril, qui prononce la séparation de corps entre Mathilde et le poète, et donne à la jeune femme la garde du petit Georges. Le Catéchisme de persévérance de Mgr Gaume, prêté par l’aumônier, joue un rôle déterminant, et, le 8 septembre, Verlaine envoie à Lepelletier la suite des sonnets Jésus m’a dit... Le 16 janvier 1875, il sort de prison et est expulsé de Belgique. Sa mère le conduit à Fampoux, chez les Dehée. Il rejoint Rimbaud, alors à Stuttgart ; sa tentative pour « convertir » son ami se termine par une bagarre sur les bords du Neckar. Le 20 mars, il arrive à Londres. Aux premiers jours d’avril, il est à Stickney, près de Boston, dans le Lincolnshire ; il y enseignera le français et le dessin à la grammar school, que dirige W. Andrews. Au cours d’un séjour à Londres, il rencontre Germain Nouveau (qui avait vécu avec Rimbaud dans la capitale anglaise l’année précédente). Il passe les vacances chez sa mère, à Arras. De retour à Stickney, il refuse à Rimbaud les subsides que celui-ci lui demandait.

En 1876, il cherche à s’installer à Boston et à y vivre de leçons particulières. Il se rend peut-être ensuite à Londres ; il passe l’été chez sa mère, à Arras.

De septembre 1876 à septembre 1877, il enseignera au collège Saint-Aloysius, à Bournemouth, où il aura de graves problèmes de discipline.