Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vénitienne (école) (suite)

L’art instrumental (sonates, suites de danses) est aussi cultivé à la même époque par Biagio Marini (1597-1665), Francesco Usper († 1641), élève d’A. Gabrieli, G. Legrenzi, l’organiste Giovanni Picchi et le claveciniste Martino Pesenti (v. 1600 - v. 1647) ; il trouve un nouveau développement au xviiie s. avec Antonio Vivaldi* — qui emprunte dans ses concertos les procédés de la technique théâtrale et oppose polyphonie et style homophone —, Tomaso Albinoni (1671-1750), Benedetto Marcello (1686-1739), Giuseppe Tartini (1692-1770) et les clavecinistes Domenico Alberti (v. 1710-1740), Baldassare Galuppi (1706-1785) et Giovanni Benedetto Platti (v. 1700-1763) ; ce dernier esquisse le plan tonal de la sonate classique.

Venise voit aussi naître au début du xviiie s. les premiers conservatoires, à l’origine hospices (Mendicanti, Pietà, Incurabili, Santi Giovanni e Paolo), où enseignent Legrenzi, Vivaldi, Antonio Lotti (1666-1740), Antonio Biffi († 1736), Carlo Francesco Pollarolo (1653-1722), Francesco Maria Veracini (1690-1768), P. A. Zani, B. Galuppi, Johann Adolf Hasse (1699-1783), Nicolo Jommelli (1714-1774), Nicolo Antonio Porpora (1686-1768) et Domenico Cimarosa (1749-1801). En 1792, à côté de théâtres demeurés prospères, Venise inaugure le nouveau théâtre de La Fenice, où devaient être créés au xixe s. des opéras de Rossini*, Vincenzo Bellini, Gaetano Donizetti, Giacomo Meyerbeer et G. Verdi*. En 1877 est créé le lycée musical Benedetto Marcello. De nos jours, Venise a conservé une grande activité musicale, grâce à La Fenice et à la « Biennale » qui organise tous les ans un festival international de musique contemporaine.

A. V.

 F. Caffi, Storia della musica sacra nella già cappella ducale di San Marco in Venezia dal 1318 al 1797 (Venise, 1854-55 ; nouv. éd., Milan, 1931 ; 2 vol.). / L. N. Galvani, I Teatri musicali di Venizia nel secolo xvii (Milan, 1879). / V. Malamani, Il Settecento a Venezia (Turin, 1891 ; 2 vol.). / C. Van den Borren, les Débuts de la musique à Venise (Impr. Lombaerts, Bruxelles, 1914). / H. Prunières, Cavalli et l’opéra vénitien au xviie siècle (Rieder, 1932). / G. Reese, Music in the Renaissance (New York, 1954 ; 2e éd., 1959). / S. T. Worsthorne, Venetian Opera in the 17th Century (Oxford, 1954). / A. Della Carte, La Civiltà veneziana del Settecento (Florence, 1960).

Venizélos (Elefthérios)

Homme politique grec (près de La Canée, Crète, 1864 - Paris 1936).



Le « Grand Crétois »

Dès l’enfance, sa vie se confond avec le combat pour l’hellénisme ; Elefthérios Kyriàkos Venizélos a deux ans lorsque son père fuit avec lui les massacres perpétrés par les Turcs en Crète*. Brillant étudiant en droit à l’université d’Athènes, Elefthérios installera son cabinet d’avocat dans son île natale.

Membre de l’assemblée crétoise, il prend, en 1897, la tête du mouvement d’émancipation de la Crète. Lorsque celle-ci devient autonome sous la suzeraineté du Sultan, il dirige l’exécutif crétois, tandis que les fonctions de haut-commissaire sont dévolues au second fils du roi des Grecs, Georges (déc. 1898). Rapidement, les relations entre ce dernier et Venizélos se dégradent, le leader nationaliste réprouvant l’autoritarisme du prince et la corruption de son entourage.

En 1905, Venizélos fomente contre Georges de Grèce une révolte qui, en raison de l’opposition des puissances, ne peut déboucher sur l’union de la Crète à la Grèce. Néanmoins, le départ du prince laisse le champ libre à Venizélos, qui gouverne en fait derrière le nouveau haut-commissaire, son ami Aléxandhros Zaímis (1855-1936). En même temps, le prestige de Venizélos grandit dans la Grèce continentale, où la dynastie danoise est jugée responsable de la défaite de 1897 contre les Ottomans. À l’imitation du mouvement jeune-turc, un courant se développe en Grèce qui veut aboutir à une modernisation radicale des structures politiques et sociales. La ligue militaire qui se constitue alors, considérant que Venizélos est l’homme désigné pour mener à bien cette rénovation, l’appelle au pouvoir.

Devenu Premier ministre (oct. 1910), Venizélos s’attelle à la création d’un État moderne. Après la dissolution de l’assemblée et des élections favorables au leader crétois, une « assemblée révisionniste » élabore une constitution qui élargit les libertés individuelles, assure la stabilité des fonctionnaires et les défend contre l’arbitraire (juin 1911). Une mission française restructure l’armée ; les Anglais font de même pour la marine ; l’éducation est développée, notamment l’enseignement agricole ; de plus, le président du Conseil prend une série de mesures sociales (impôt sur le revenu, législation en faveur des cultivateurs, création de coopératives), répondant ainsi à un début d’agitation ouvrière et paysanne. Le mouvement ouvrier se voit accorder, pour la première fois dans l’histoire grecque, le droit de s’organiser de façon autonome.

Par contre, Venizélos déçoit ses partisans en maintenant sur le trône Georges Ier, puis, après l’assassinat de ce dernier (18 mars 1913), son fils Constantin Ier. Il est vrai que l’essentiel pour lui est de constituer l’union la plus large en vue de la guerre inévitable contre l’Empire ottoman, principal obstacle à la « Grande Idée » : le rattachement au royaume hellénique de tous les territoires méditerranéens peuplés de Grecs, à commencer par la Crète.

Profitant d’une conjoncture internationale favorable, Venizélos persuade la Serbie et la Bulgarie de remettre à plus tard le règlement des litiges qui les opposent entre elles et à la Grèce, à propos de la Macédoine et de la Thrace, afin de conjuguer dans l’immédiat leurs forces contre les Turcs. En mai 1912, un pacte d’assistance mutuelle unit les trois pays au Monténégro ; cinq mois plus tard éclate la première guerre balkanique ; le 30 mai 1913, le traité de Londres sanctionne la défaite turque et reconnaît aux Grecs la possession de la Crète. À ces gains territoriaux s’en ajoutent d’autres, cette fois aux dépens de la Bulgarie, à la suite de la Seconde Guerre balkanique : une grande partie de la Macédoine avec Thessalonique, la Chalcidique, l’Épire méridionale et plusieurs îles égéennes (traité de Bucarest, août 1913).