Venise (suite)
De même que la peinture religieuse, aujourd’hui trop souvent dispersée, était conçue pour s’intégrer à la fastueuse décoration des églises, de même la peinture profane avait sa place dans les palais de la société patricienne, sur des étoffes murales, souvent au milieu de stucs d’abord exubérants comme ceux du palais Albrizzi, puis délicatement modelés et colorés comme ceux du ridotto Venier. Le goût du rococo marque tous les arts dits « mineurs ». Une place importante revient au mobilier. Après avoir connu le style sculptural d’Andrea Brustolon (1662-1732), Venise a trouvé sa spécialité dans les meubles, sièges, cadres de miroirs peints et vernis à l’imitation des laques d’Extrême-Orient, avec des motifs souvent inspirés de la Chine. La porcelaine, d’abord analogue à la pâte tendre de France, puis à base de kaolin, atteste aussi le goût de la chinoiserie. Une célébrité internationale est acquise au verre de Murano, soufflé ou effilé, souvent traité en floraisons polychromes dont l’éclat triomphe dans le décor des lustres.
Du néo-classicisme à nos jours
Dès le milieu du xviiie s., on voit Giorgio Massari (v. 1686-1766) revenir à un classicisme assez strict, d’ascendance palladienne ; on lui doit ainsi l’église des Gesuati (ou Santa Maria del Rosario), celle de Santa Maria della Pietà (ou della Visitazione) et le froid palais Grassi. Une tendance plus rigoureuse et plus archéologique apparaît à la fin du siècle, rompant pour la première fois l’harmonieuse continuité du tissu urbain. Elle est représentée par Giannantonio Selva (1753-1819), auteur du théâtre de La Fenice (1792). Sous l’Empire, les bâtiments du fond de la place Saint-Marc sont malencontreusement remplacés par l’aile napoléonienne, lourde imitation des Procuratie Nuove, qui abrite le musée civique Correr. Ce qui sera construit désormais ne fera guère que déparer Venise, à l’exception d’un pastiche réussi, la Pescheria (1907) de Cesare Laurenti (1854-1936). Il faut se rendre à l’évidence : Venise est l’éblouissante image d’un passé dont la gloire avait déjà pris fin avant l’abolition de la république.
B. de M.
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