Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venise (suite)

Conclusion

Malgré la proclamation d’une éphémère république par Daniele Manin lors de la révolution de 1848 (23 mars 1848 - 22 août 1849), Venise reste autrichienne jusqu’en 1866. Elle est rattachée alors à l’Italie, et son port redevient une grande base militaire jusqu’à l’annexion par ce pays en 1919 de la rade de Trieste.

Frappée à mort par la décadence de sa marine dès la fin du xvie s., menacée au xxe s. dans sa survie monumentale par l’essor de la navigation à moteur et par celui des industries chimiques, qui ébranlent les dépôts littoraux sur lesquels elle s’est édifiée, Venise attire pourtant les touristes, car elle reste par ses industries de luxe (verrerie, cuir, soierie) et par son site unique le témoin d’une civilisation incomparable née du contact de l’Occident et de l’Orient, témoin que seuls les efforts de tous les membres de l’Unesco peuvent sauver de la submersion marine.

P. T.

➙ Byzantin (Empire) / Chypre / Commerce international / Constantinople / Crète / Croisades / Florence / Gênes / Grèce / Italie / Latin de Constantinople (Empire) / Latins du Levant (États) / Milan / Ottomans / Pise / Polo (Marco).

 P. Daru, Histoire de la république de Venise (F. Didot, 1819, 8 vol. ; nouv. éd., 1853, 9 vol.). / S. Romanín, Storia documentata di Venezia (Venise, 1853-1861 ; 10 vol.). / P. G. Molmenti, La Storia di Venezia nella vita privata dalle origini alla caduta della Republica (Venise, 1880, 7e éd., Bergame, 1927, 3 vol. ; trad. fr. la Vie privée à Venise depuis les premiers temps jusqu’à la chute de la République, Venise, 1882). / H. Kretschmayr, Geschichte von Venedig (Gotha et Stuttgart, 1905-1934 ; 3 vol.). / R. Fulin, Brève summario di storia veneta (Venise, 1914). / J. Luchaire, les Démocraties italiennes (Flammarion, 1915). / C. Diehl, Une république patricienne, Venise (Flammarion, 1916 ; 2e éd., la République de Venise, 1967). / F.-C. Lane, Venetian Ships and Shipbuilders of the Renaissance (Baltimore, 1934 ; trad. fr. Navires et constructeurs à Venise pendant la Renaissance, S. E. V. P. E. N., 1965). / J. Sottas, les Messageries maritimes de Venise aux xive et xve siècles (Soc. d’éd. géogr., maritimes et coloniales, 1938). / R. Cessi, Storia della Republica di Venezia (Milan, 1944-1946 ; 2 vol.) ; Storia di Venezia (Venise, 1957-1960 ; 3 vol. parus). / A. Bailly, la Sérénissime République de Venise (Fayard, 1946). / P. Sardella, Nouvelles et spéculations à Venise au début du xvie s. (A. Colin, 1948). / Y. Renouard, les Hommes d’affaires italiens du Moyen Âge (A. Colin, 1950 ; nouv. éd., coll. « U 2 » 1968) ; les Villes d’Italie de la fin du xe s. au début du xive s. (S. E. D. E. S., 1962 ; nouv. éd., 1969). / M. A. Bragadin, Repubbliche italiane sul mare (Milan, 1951 ; trad. fr. Histoire des républiques maritimes italiennes, Payot, 1955). / F. Thiriet, Histoire de Venise (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952 ; 4e éd., 1969) ; la Romanie vénitienne au Moyen Âge (De Boccard, 1959). / E. R. Labande, l’Italie de la Renaissance (Payot, 1954). / J. Luchaire, les Sociétés italiennes du xiiie au xve s. (A. Colin, 1955). / J. Alazard, la Venise de la Renaissance (Hachette, 1956). / G. Luzzatto, Storia economica di Venezia, dall’ xi al xvi seculo (Venise, 1961). / J. Rudel, Nous partons pour Venise (P. U. F., 1965). / Venise au temps des galères (Hachette, 1968). / P. Braunstein et R. Delort, Venise, portrait historique d’une cité (Éd. du Seuil, 1971).


Venise et l’école vénitienne


La période byzantine

Devant les invasions continentales, la civilisation héritée de l’Empire trouva un refuge dans les îles de la lagune vénitienne. Fondée en 639, mais agrandie au début du xie s., la cathédrale de Torcello s’inscrit dans la tradition de la première architecture chrétienne et des églises de Ravenne (v. byzantin [Empire]) par son plan basilical et ses mosaïques, dont une partie remonte au viie s., le xiie s. ayant ajouté une page grandiose avec le Jugement dernier qui se déploie au revers de la façade. Alors que Santa Fosca, l’église voisine, dessine une croix grecque au milieu d’un octogone, Santi Maria e Donato de Murano, reconstruite à la fin du xiie s., reste fidèle au type basilical ; une influence lombarde apparaît dans la décoration extérieure de son abside aux arcades superposées.

Dans la ville de Venise, la basilique Saint-Marc (San Marco), fondée en 828-829 et incendiée en 976, a fait place à partir de 1063 à l’étonnant édifice actuel, qui se rattache au « deuxième âge d’or byzantin » sans qu’en soient absentes les particularités dues au génie local. Le plan passe pour reproduire celui des Saints-Apôtres de Constantinople : en croix grecque, avec cinq coupoles sur pendentifs couvrant respectivement la croisée, la nef, le chœur et les deux bras du transept, chacune étant éclairée par des arcs très larges qui retombent sur d’énormes piles évidées ; celles-ci sont reliées par des colonnades portant des galeries. Il s’y ajoute une abside flanquée de deux absidioles et, enveloppant la nef, un atrium voûté de petites coupoles. L’ossature de brique a été progressivement revêtue d’une somptueuse décoration tant extérieure qu’intérieure. Le sol, les surfaces verticales, les colonnes et leurs chapiteaux sont en marbres polychromes. De nombreux morceaux proviennent de la basilique précédente ou de monuments dépouillés lors d’expéditions maritimes : les quatre chevaux de bronze, hellénistiques, rapportés de Constantinople, en 1204, puis placés au-dessus du portail central ; le groupe en porphyre des Tétrarques, sculpture syrienne du ive s. ; le pilier de Saint-Jean d’Acre (ve ou vie s.) ; peut-être aussi les colonnes du baldaquin d’autel... Les marbres ciselés à thèmes ornementaux sont d’exécution byzantine ou d’imitation locale, de même que les portes de bronze (xie-xiiie s.) ou la partie la plus ancienne (xe s.) de la « pala d’oro », avec ses émaux et ses pierres précieuses. Mais l’intérieur offre surtout, dans ses parties hautes, l’immense revêtement de ses mosaïques, dont l’exécution a commencé à la fin du xie s. Avec leur fond d’or et leurs couleurs éclatantes, avec leur iconographie réglée par un programme d’inspiration théologique, les plus anciennes relèvent de l’art byzantin. Mais l’entreprise s’est poursuivie jusqu’au xviie s., soumise à révolution du goût. Dès le xiie s. apparaît un style plus libre, plus réaliste et plus vivant, où l’influence romane est sensible. On le retrouve au xiiie s., avec un ton brillamment narratif, dans les scènes de l’Ancien Testament qui ornent l’atrium. Cette tendance à l’occidentalisation est confirmée par le décor sculpté de la même époque : surtout les bas-reliefs du portail central, représentant les Mois, les Métiers, les Saisons, les Vertus, les Prophètes, etc., avec une vigueur plastique et un accent réaliste qui les rapprochent de la sculpture émilienne et notamment de Benedetto Antelami.