Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

venin (suite)

Les venins et leurs effets

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la nature chimique des venins est encore assez mal connue. On n’a guère étudié que les venins des Cobras, des Crotales et des Scorpions. Même le venin des Vipères* et celui des Hyménoptères piqueurs sont mal connus.

Les venins sont en général des liquides, diaphanes ou opalescents, qui s’altèrent à la chaleur ou au contact de l’eau, mais se conservent longtemps en milieu sec et frais. On y a surtout identifié des enzymes diverses, dont le rôle est souvent faible, et des polypeptides appelés toxines qui agissent à très faible dose ; généralement, un microgramme de ces substances suffit à tuer une Souris de 20 grammes.

Les venins des Cobras et des Hydrophidés contiennent des neurotoxines curarisantes qui bloquent le fonctionnement des plaques motrices, entraînant la paralysie et l’arrêt respiratoire. On y trouve également une hémotoxine agissant sur le cœur et les hématies, et enfin une toxine musculaire qui semble provoquer la paralysie par altération de l’équilibre calcique. Il semble que cette toxine musculaire soit également présente chez le Crotale et chez certains Scorpions. Le venin des Vipères est moins bien connu ; on y a identifié des hémorragines, agissant sur les parois capillaires, et des cytotoxines, agissant sur le tissu conjonctif banal comme le derme. Les venins des Scorpions ont également fourni des neurotoxines curarisantes.

Les protéines venimeuses ont des propriétés antigéniques et immunogènes qui permettent la mise au point d’une sérothérapie soit spécifique, soit générale (sérum multivalent). Les principaux centres d’étude des venins sont situés au Brésil pour les Serpents (Instituto Butantã, São-Paulo) et au Mexique pour les Scorpions (Durango). En France, le centre d’études est l’Institut Pasteur*.

Toxicologie

Le problème de l’équilibre de l’Homme et des animaux venimeux s’est posé dans certaines régions rurales. Actuellement, dans un certain nombre de pays d’Asie et d’Afrique, on estime que plusieurs centaines de milliers d’individus sont mordus annuellement par des Serpents avec une mortalité de l’ordre de 30 000 êtres humains par an ; les autres envenimations ne provoquent qu’une mortalité plus faible, de l’ordre de 5 000, mais la présence d’Insectes venimeux dans les zones industrielles, en raison de leur bonne adaptation aux aliments et aux débris de l’activité humaine moderne, a conduit à d’autres études, en particulier au traitement des chocs allergiques.

La composition des venins n’est pas uniforme. Les venins de Serpents contiennent des protéines qui ont pu être isolées à l’état de pureté (Crotale). Beaucoup de venins ont une activité enzymatique dont l’une des plus classiques est l’activité d’hydrolyse des lécithines, provoquant la formation de pseudo-lécithines, qui détruisent les membranes cellulaires et les membranes des organelles cellulaires. Les venins d’Abeilles ou de Guêpes contiennent de l’histamine et de l’acétylcholine. Un petit nombre de venins comprennent des toxiques plus simples, en particulier le venin de Crapaud (bufotoxine).

Les morsures de Vipéridés (Vipera aspis, V. latastei, V. berus, V. ursunii) sont les plus importantes en France. Seules les morsures au visage et à la poitrine sont réellement dangereuses chez l’adulte, mais l’envenimation peut être mortelle chez un sujet âgé ou chez un enfant ; la morsure est elle-même peu douloureuse. On observe un gonflement dur, vite douloureux, où deux traces de crochet sont très visibles, à distance de 1 cm, puis l’œdème s’étend au membre atteint, qui se recouvre de plaques bleuâtres en rapport avec la lyse protéinique, l’inflammation et l’hémolyse. Dans un certain nombre de cas, des manifestations graves — hémorragies diffuses, troubles rénaux, coma — peuvent s’observer. Si l’inoculation se fait dans une zone très vascularisée, on peut observer un collapsus (chute de la tension artérielle) et une gêne respiratoire mortels en quelques minutes. Les morsures de certains Serpents des zones asiatiques, en particuliers des Crotales, provoquent peu de signes locaux, mais en moins d’une heure apparaissent malaises, nausées et sueurs profuses, paralysie de la langue, du larynx et, en quelques heures, une paralysie de type curariforme avec apnée (arrêt respiratoire) mortelle.

Le traitement consiste essentiellement en la pause immédiate d’un garrot sur la racine du membre envenimé. L’incision de la zone de piqûre et la succion de la zone incisée peuvent être conseillées avec réserves. L’injection sous-cutanée de sérum antivenimeux à forte dose est l’un des exemples où des études d’anticorps après injection de protéines venimeuses antigéniques permettent d’apporter une amélioration réelle. Si l’on intervient plus de vingt minutes après la morsure, le venin ayant diffusé, l’injection de sérum doit être assez importante pour neutraliser le venin dans l’ensemble de l’organisme. Comme toute sérothérapie, elle peut être dangereuse chez des malades sensibles au sérum de Cheval. La méthode de Besredka par injection de petites quantités répétées toutes les dix minutes permet de traiter l’envenimé en évitant les accidents sériques.

Des traitements complémentaires ont été proposés, particulièrement des corticoïdes, des analgésiques et, dans les cas graves, des transfusions répétées pour lutter contre le choc. Une réanimation générale peut s’imposer.

Le Scorpion jaune (Buthus occitanus) est relativement peu dangereux en France, le Scorpion noir (Euscorpius flavicaudis) est beaucoup plus nocif, en particulier pour l’enfant. La piqûre, après des signes locaux douloureux intenses, provoque des nausées, des vertiges, une paresthésie (trouble sensitif) qui peuvent précéder des troubles musculaires, une gêne respiratoire et un collapsus. Le traitement comprend aussi du sérum spécifique. Les morsures d’Araignées dangereuses (Latrodectus, ou Veuve noire) provoquent une tuméfaction chaude, avec éruption phlycténulaire parfois très étendue. Des symptômes généraux peuvent s’observer. L’effet des antihistaminiques est habituellement net. La piqûre d’Insectes (Abeilles ou Guêpes) peut être dangereuse, selon la zone atteinte : l’œdème de la glotte, l’œdème pulmonaire ou cérébro-méningé par piqûre endoveineuse et le choc anaphylactique sont les complications les plus sérieuses. L’allergie grave aux piqûres d’Insectes mérite un traitement direct par l’adrénaline et l’hydrocortisone. Parmi les animaux marins, les Raies provoquent des blessures très douloureuses, de même que la Vive. Les Anémones de mer déclenchent des phénomènes anaphylactiques avec parfois choc mortel.

E. F.

R. B.

 W. Bücherl, E. E. Buckley et V. Deulofeu, Venomous Animals and their Venoms (New York et Londres, 1968-1971 ; 3 vol.). / A. de Vries et E. Kochva (sous la dir. de), Toxins of Animal and Plant Origin (New York, 1971-72 ; 2 vol.).