Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venezuela (suite)

Les étapes de la mise en valeur

L’espace vénézuélien a été occupé jadis par des civilisations indiennes appartenant au monde caraïbe, mais déjà disparues avant la découverte du pays par les Espagnols ; ceux-ci n’y rencontrèrent qu’un certain nombre de tribus disséminées, vivant essentiellement de la chasse et ne représentant pas de groupements sociaux très cohérents. La pénétration des Espagnols fut d’abord dominée par la recherche de l’or et des pierres précieuses, qui aboutit à une occupation des hautes terres, particulièrement de la cordillère de Mérida. À la fin de la période coloniale, la traite des Noirs et l’afflux d’une main-d’œuvre esclave plus nombreuse avaient permis l’occupation des basses terres ou du moins des pentes moyennes de la Cordillère par les plantations tropicales. Au moment de l’indépendance, le Venezuela comptait environ un million d’habitants, et le xixe s. fut une période de lent essor, essentiellement fondé sur les plantations de caféiers et de cacaoyers dans les basses pentes de la Cordillère, sur celle de la canne à sucre dans quelques zones de plaine, et sur un élevage extensif dans la grande zone de savane naturelle des llanos. Cette phase de mise en valeur, qui se poursuivit jusqu’en 1920, n’aboutit qu’à un essor démographique relativement faible : à la fin de cette période, le Venezuela ne comptait encore que 2,4 millions d’individus. En 1922, le début de l’exploitation des richesses pétrolières du sous-sol entraîna une transformation spectaculaire de l’ensemble de l’économie. Alors qu’en 1920 le café et le cacao assuraient plus de 90 p. 100 des exportations du pays, ils n’en représentaient plus que 15 p. 100 en 1930, le pétrole s’étant imposé comme l’élément dominant (à lui seul alors plus de 80 p. 100 des exportations du pays). La production pétrolière, déjà très importante avant la Seconde Guerre mondiale, fit, après ce conflit, un nouveau bond en avant ; on assista alors à une diversification considérable de l’économie, les capitaux accumulés permettant une industrialisation et une urbanisation rapides, ainsi qu’une réorganisation importante de l’espace.


La population et l’économie

La population avoisine les 12 millions d’habitants en 1976 et on comptera sans doute plus de 20 millions en 1990, si le taux actuel de croissance naturelle se maintient. Certes, les migrations internationales ont apporté un contingent non négligeable dans le courant du xxe s., après le boom du pétrole, particulièrement aux époques où l’essor industriel incitait à l’attraction de main-d’œuvre, mais elles ont beaucoup diminué. Cependant la population continue à s’accroître très rapidement, par suite du fort excédent des naissances sur les décès. Malgré une certaine déchristianisation du pays, le contrôle des naissances demeure faible, en raison de l’absence d’éducation, et le taux de natalité reste voisin de 40 p. 1 000, l’un des plus forts de l’Amérique latine. En revanche, l’organisation de la santé, permise par la richesse de l’État, et la lutte contre les grandes endémies ont abouti à une chute spectaculaire de la mortalité, dont le taux se situe aux alentours de 8 p. 1 000 et est donc l’un des plus bas de l’Amérique latine. Cela conduit à un taux de croissance exceptionnel. Aussi la population est-elle caractérisée par une très grande jeunesse, 46 p. 100 des Vénézuéliens ayant moins de 15 ans et 56 p. 100 moins de 20 ans, tandis que les plus de 65 ans n’en constituent que 3 p. 100. Avant 1920, le Venezuela comportait une grande proportion de ruraux, malgré l’essor de quelques villes ; aujourd’hui, au contraire, la population est devenue urbanisée : plus des deux tiers des habitants vivent dans les villes et en particulier dans la capitale, Caracas*. L’aire métropolitaine de cette ville abrite plus de 2 millions d’habitants, regroupant ainsi plus du cinquième de la population du pays, tandis que seule Maracaibo, en raison de l’importance de l’industrie pétrolière de sa région, est une grande ville de près de 700 000 habitants ; aucune autre cité ne dépasse 500 000 habitants.


L’économie

La production repose, pour près de la moitié du produit national brut, sur l’activité minière, essentiellement sur l’extraction traditionnelle du pétrole. Celle-ci, bien qu’en recul aujourd’hui, apporte à l’État des ressources accrues en raison de la considérable augmentation récente du prix du pétrole. Le pétrole assure plus de 70 p. 100 des revenus de l’État et plus de 90 p. 100 des exportations globales du pays. Celles-ci sont toujours largement supérieures aux importations et dirigées principalement vers le Canada et surtout les États-Unis. Ceux-ci sont, de loin, le principal fournisseur du Venezuela (40 p. 100 de ses importations). Néanmoins, quelques ombres planent sur l’exploitation du pétrole, notamment la diminution des réserves prouvées (de l’ordre de 2 000 Mt au début de 1974). Au point de vue énergétique et commercial, l’extraction du gaz naturel (1 200 milliards de mètres cubes de réserves au début de 1974) devient un appoint intéressant. La seconde grande industrie extractive est celle du minerai de fer, en plein essor. Il s’agit de minerai à haute teneur qui se trouve dans la région des llanos. Les réserves sont importantes, les gisements, à ciel ouvert, sont d’exploitation facile ; le seul problème, pour le Venezuela, est de conserver une partie de ce minerai pour sa propre production sidérurgique et d’éviter que les compagnies étrangères qui l’exploitent ne l’exportent totalement sous forme de minerai brut.

Face à cette grande activité minière, l’agriculture ne représente plus que 7 p. 100 du produit intérieur brut. Les cultures traditionnelles de café et de cacao conservent un assez grand rôle, tandis que celle de la canne à sucre a beaucoup diminué. Dans la région de Caracas, l’effort porte sur des cultures destinées à l’approvisionnement urbain, tandis qu’ailleurs les cultures de subsistance continuent à nourrir une partie des paysans ou des éleveurs, qui pratiquent l’élevage extensif dans les llanos. D’une façon générale, l’agriculture subit une crise liée en partie à la structure des propriétés, qu’une réforme agraire, décrétée en 1959, ne réussit pas à résoudre complètement ; un institut public achète les plus grandes propriétés pour les revendre à crédit aux paysans et constituer ainsi des colonies agricoles. Mais, dans l’ensemble, cet effort ne connaît pas de grand succès, et les campagnes sont frappées par une accélération de l’exode rural de la paysannerie et des ouvriers agricoles vers les villes, particulièrement vers Caracas.