Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

adaptation (suite)

La vie parasitaire montre aussi une association de caractères présents dans des groupes fort différents. Les ventouses ou les crochets, adaptations convergentes, existent chez les Trématodes, les Cestodes, les Hirudinées, les Myzostomidés, des Copépodes. Tous les Insectes (sauf de rares exceptions) qui parasitent les plumes des Oiseaux ou la fourrure des Mammifères possèdent des cténidies, sortes de peignes composés d’épines droites et raides implantées très près les unes des autres. Les Puces, des Mallophages, des Polycténides, des Mouches pupipares, un Coléoptère (Platypsyllus castoris) portent de telles cténidies. Les espèces très voisines menant la vie libre en sont dépourvues. En présence de cténidies sur un Forficule très modifié, H. de Saussure en avait déduit qu’il s’agissait d’un parasite de plume ou de fourrure ; ce Forficule vit en effet dans les poils du Rat de Gambie (Cricetomys gambianus).

Les animaux pélagiques présentent des adaptations convergentes destinées à diminuer leur densité par rapport à l’eau de mer (réduction du squelette, grande richesse en eau, nombreuses inclusions huileuses, cavités à gaz) ou à empêcher leur chute sur le fond (parachute des Méduses, aspérités sur les Crustacés).

Les pattes ravisseuses se retrouvent chez les Insectes (Mante religieuse, Nèpe, Ranatre, des Diptères) et les Crustacés (Stomatopodes, Amphipodes) qui se nourrissent de proies vivantes. La conformation particulière de cette patte avec le tibia, qui se rabat sur le fémur, en fait une pince efficace ; en plus, ces pattes préhensiles se détendent à la vue d’une proie et constituent des outils de chasse perfectionnés.

L’appareil séricigène des chenilles de Papillons, des Trichoptères et celui des Diptères (larves de Simulies) sont conformés de la même façon et comprennent une filière et une presse tout à fait semblables.

Mollusques Céphalopodes et Vertébrés possèdent un œil bâti sur le même-plan ; c’est un œil camérulaire comprenant une chambre antérieure, limitée en avant par la cornée et en arrière par le cristallin, et une chambre postérieure, tapissée par la rétine. Paupières, iris sont également présents. Mais les structures histologiques sont différentes, notamment celle de la rétine.

Cette notion de convergence n’entraîne pas nécessairement une homologie entre les organes. Les ailes des Reptiles volants, des Oiseaux, des Chauves-Souris, qui résultent de la modification d’un membre pentadactyle, peuvent être considérées comme des convergences homologues. Tout au contraire, les nageoires dorsales triangulaires des Sélaciens et des Dauphins, les yeux camérulaires des Céphalopodes et des Vertébrés, les pattes antérieures fouisseuses de la Taupe et de la Courtilière, les ailes des Oiseaux et des Insectes illustrent des convergences hétérologues.

Les plantes présentent aussi des convergences variées ; une des plus curieuses concerne l’aspect cactiforme que revêtent les Cereus (Cactées), les Euphorbia (Euphorbiacées) et les Stapelia (Asclépiadacées), morphologie adaptative à la vie xérophytique adoptée dans trois familles différentes.

La grande fréquence de la convergence montre que des organismes essentiellement différents, mais possédant cependant certaines structures semblables, répondent à des conditions de vie identiques par des solutions convergentes entraînant la présence de caractères analogues. Tout se passe comme si le nombre de solutions compatibles avec la vie dans les divers milieux était limité à quelques modèles ou types adaptatifs.


La préadaptation

Dès 1909, Cuénot signalait des caractères préadaptatifs qui favorisaient l’établissement dans un nouveau milieu. En 1914, il définissait ainsi les préadaptations : « Caractères indifférents ou semi-utiles qui se montrent chez une espèce, et qui sont susceptibles de devenir des adaptations évidentes si cette dernière adopte un nouvel habitat ou acquiert de nouvelles mœurs, changement rendu possible grâce précisément à l’existence de ces préadaptations. »

Les Épinoches (Gasterosteus aculeatus) supportent de grandes variations de salinité ; le transport brusque de l’eau douce à l’eau de mer et vice versa ne les tue pas. Cette aptitude doit être indifférente au Poisson dans son habitat normal, mais elle lui permet de s’installer dans des eaux saumâtres et sursalées (mares salées de Lorraine par exemple). L’euryhalinité constitue une préadaptation facilitant la conquête de biotopes nouveaux. Par l’analyse du peuplement des places vides, Cuénot a confirmé sa notion de préadaptation : « L’animal et la plante ne vivent que dans le milieu qui convient à leur structure et à leur physiologie ; leur niche écologique résulte d’une attirance ou d’une heureuse trouvaille fortuite ; l’adaptation nécessaire et suffisante, obligatoirement antérieure à l’installation dans une place vide, est toujours une préadaptation. » La liste des préadaptations est longue : préadaptations aux divers modes de vie (milieux abyssal, terrestre, souterrain, aérien, torrenticole, marin, vie parasitaire ou symbiotique), préadaptations nutritives, défensives, physiologiques, structurales.

Les préadaptations participent donc au peuplement des places vides. Une espèce bien adaptée à un milieu A possède quelques détails structuraux ou physiologiques qui ne présentent aucune utilité ; mais ceux-ci prendront une importance décisive et apparaîtront comme des adaptations statistiques lorsque l’espèce s’installera dans un milieu B différent de A.

Les gros œufs à développement direct constituent une adaptation statistique des animaux vivant en eau douce ; l’absence de larves pélagiques représente un avantage, puisqu’elle supprime le risque de perte des larves emportées par les courants. Exceptionnellement, quelques formes marines possèdent de gros œufs à développement direct. Ces espèces porteuses de cette préadaptation pourraient être les ancêtres d’espèces d’eau douce. Le Homard, espèce marine à gros œuf, est un Astacidien comme l’Écrevisse, espèce d’eau douce à gros œuf.