Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aviation (suite)

• La France, convaincue que le désarmement allemand permettra de conserver pour longtemps la suprématie incontestable de 1918, se contente de maintenir son avance technique par une politique de prototypes, peu suivis de séries. Jusque vers les années 30, le personnel est entraîné, à bord d’appareils survivants (Breguet « 14 ») ou dérivés de 1918, à de longues navigations sous forme de raids (Croisière noire). En 1930-1932, l’état-major repense sa doctrine d’emploi avec le programme dit « B. C. R. » (bombardement, chasse, reconnaissance), fondé sur la polyvalence de matériels aptes à ces trois missions. Malheureusement, les avions issus de ce programme trop théorique seront de qualité très médiocre (bimoteurs multiplaces Amiot « 143 », Bloch « 200 », Potez « 540 »). La création d’une armée de l’air autonome sera enfin décidée en 1934. En 1938, après l’abandon du programme B. C. R., des appareils de chasse (Morane « 406 », Dewoitine « 520 »), de reconnaissance (Potez « 63-11 », Bloch « 175 ») et de bombardement, moyens et lourds (Breguet « 693 », Lioré « 45 »), sont projetés. Ils n’entreront en service qu’en 1939 et 1940.

• L’Allemagne, qui n’a pas accepté sa défaite de 1918, porte un très grand intérêt à l’aviation, dont elle pressent le rôle capital dans un futur conflit. Toute armée de l’air lui étant interdite par le traité de Versailles, elle utilise à fond l’aviation commerciale pour former ses pilotes et l’industrie étrangère pour réaliser des prototypes militaires. Lorsque, en 1935, apparaît la Luftwaffe, la qualité de son personnel et de son matériel est d’emblée au niveau le meilleur. Durant la guerre d’Espagne (1936-1939), où elle est présente par la légion Condor, la Luftwaffe met au point le « Stuka », chargé de relayer l’artillerie et, plus généralement, toute la tactique de liaison char-infanterie-avion, d’où naîtra la guerre éclair ; c’est là aussi qu’elle pourra développer les qualités tactiques de ses commandants d’escadre, comme on s’en apercevra bientôt. En quatre ans, la Luftwaffe est devenue l’aviation la plus moderne d’Europe : déjà au concours international militaire de Zurich, en 1937, tous les prix lui sont attribués.

• La Grande-Bretagne, comme la France, a passé plus d’une décennie avant d’engager (1936) la modernisation de la Royal Air Force. Elle fait porter ses efforts sur la chasse et pourra ainsi, en 1940, opposer aux Allemands des avions modernes, les « Hurricane » et les « Spitfire ».

• Quant à l’Italie, elle a créé de toutes pièces dès 1928 une aviation nouvelle, qu’illustrent de 1928 à 1935 les raids du maréchal Italo Balbo (1896-1940). Mais elle ne pourra soutenir cet effort et, en 1939, ses appareils, encore nombreux, ne seront pas toujours des plus récents modèles.

• Les États-Unis, enfin, n’ont, en 1939, qu’une aviation militaire très réduite, mais ils ont développé une industrie aéronautique de qualité, dont les commandes françaises de 1939 accéléreront le développement.

Ainsi, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en dehors de l’Allemagne, et de l’Italie, nul pays ne dispose en quantité d’aviation militaire qui soit au niveau des techniques acquises.


L’aviation dans la Seconde Guerre mondiale

Plus que tout autre conflit, la guerre qui commence en septembre 1939 sera marquée par le rôle toujours essentiel et souvent déterminant qu’y tiendront les aviations militaires.

Au cours des six années que dureront les hostilités, l’aviation militaire connaîtra encore une évolution importante, tant sur le plan technique que par le nombre d’avions dont disposeront les belligérants. Ce nombre étant en relation directe avec les capacités de production des industries de guerre, on conçoit que la supériorité des États-Unis se soit affirmée particulièrement en ce domaine. Aussi, en dépit des efforts considérables du IIIe Reich, qui, le premier, mettra en service la propulsion par réaction, la Luftwaffe sera-t-elle submergée plus que surclassée par les aviations alliées, dont le rôle sera primordial dans la victoire de 1945.

• La guerre éclair et les victoires de la Luftwaffe. Si, en 1939, l’Allemagne n’hésite pas à recourir à la guerre, c’est qu’elle est sûre de posséder, avec le couple avion-char, un instrument de combat capable de surclasser en quelques jours la puissance militaire de chacun de ses adversaires. Dans le domaine aérien, sa supériorité est indiscutable, et le scénario remarquablement élaboré de la Blitzkrieg va se répéter successivement en Pologne, en Norvège et en France avec un incontestable succès. En une première phase, les bombardiers moyens (« He-111 » et « Do-17 ») attaquent par surprise les terrains d’aviation pour neutraliser au sol les appareils adverses. Puis les Panzer s’élancent, soutenus par les avions d’assaut (« Ju-87 », « Stuka »), qui réduisent un à un les îlots de résistance hors de portée d’artillerie et sèment la terreur dans les rangs de la défense. Une abondante aviation de coopération (« He-123 », « He-70 » et « Fieseler-Storch ») éclaire et appuie l’action de l’infanterie, destinée à détruire les divisions adverses après qu’elles ont été dépassées par les Panzer. La parfaite organisation de la manœuvre vient à bout de l’adversaire en des temps stupéfiants. En six jours, l’aviation polonaise est détruite ; en quinze jours, l’aviation française, en dépit de l’héroïsme de ses équipages, qui abattent 780 avions allemands, sera rendue inefficace. Belges et Hollandais sont maîtrisés avec l’aide inattendue de troupes aéroportées, qui ouvrent la voie aux Panzer. Cette première phase de la guerre se termine par un succès déterminant de la Luftwaffe. Mais peut-être n’a-t-on pas assez remarqué que celui-ci était autant le fruit d’une supériorité écrasante en avions modernes que de la tactique d’emploi. La guerre éclair avait révélé de nouvelles formes d’intervention aérienne, telles que l’assaut aéroporté, le transport aérien et le bombardement systématique des villes, destiné à accélérer les capitulations (Varsovie, Rotterdam). Ces opérations ont montré aussi l’usure dévorante du matériel et l’importance insoupçonnée de l’industrie aéronautique, qui conditionne le maintien du potentiel des aviations. En août 1939, la France sort 300 avions par mois, l’Angleterre 600, et l’Allemagne 800. Cinq ans plus tard, malgré les bombardements alliés, cette dernière en produira 4 000, et les Américains plus de 9 000.