Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vaughan Williams (Ralph) (suite)

Comme Bartók et Kodály, comme Falla et Sibelius, comme Janáček et Martinů, comme Willem Pijper ou Gian Francesco Malipiero, il se tourna alors vers l’exemple libérateur de l’école française, mais, plutôt qu’à Debussy, ce fut à Ravel* qu’il alla demander des conseils, passant l’hiver de 1908-09 à étudier auprès de l’auteur des Miroirs, son cadet de trois ans.

En possession d’un langage propre, il inaugura alors une activité créatrice qui allait, plus que celle d’aucun de ses compatriotes, contribuer à redonner à l’Angleterre une voix personnelle dans le concert des nations. C’est en cela que son apport se situe bien au-delà de celui d’Edward Elgar (1857-1934), dont les œuvres, admirables par elles-mêmes, parlaient la langue de Brahms ou de Richard Strauss. L’influence ravélienne al fleurera longtemps dans son œuvre, que ce soit dans la Symphonie pastorale de 1922 ou dans le ballet Job de 1930. Bénéficiant d’une longévité exceptionnelle et d’une vieillesse dont la verdeur rappelle celles de Verdi ou de Strauss, Vaughan Williams a édifié sans hâte une œuvre immense (340 numéros), l’une des plus considérables de la première moitié du xxe s., au point qu’on a pu comparer son importance à celle d’un « Bartók anglais ». Excepté au niveau de la valeur, la comparaison semble mal choisie. Modal beaucoup plus que tonal, le langage de Vaughan Williams ne cherche pas systématiquement la dissonance, et le démon de la nouveauté à tout prix n’a jamais tourmenté ce patriarche serein, tolérant, curieux de tout et largement ouvert sur le monde. Si le climat le plus familier de sa musique est celui de la contemplation panthéiste ou mystique, si les 3e et 5e symphonies, la célèbre Fantasia on a Theme by Tallis, la messe en sol mineur a cappella, renouant avec la tradition de Byrd*, et ce Flos Campi — suite pour alto solo, petit chœur vocalisant et orchestre de chambre qui est peut-être son chef-d’œuvre, d’une rare audace polymodale — constituent autant d’expériences spirituelles inoubliables à cet égard, Vaughan Williams, surtout à l’âge mûr, a su ajouter d’autres cordes à sa lyre : la 4e symphonie, musclée et violente comme le meilleur Roussel, la 6e, impressionnante fresque tragique inspirée par la Seconde Guerre mondiale, avec son épilogue désolé et lunaire, l’opéra de chambre en un acte Riders to the Sea, qui enrobe d’une musique suprêmement dépouillée et âpre le sombre drame marin de J. M. Synge (c’est encore là un chef-d’œuvre, l’un des rares héritiers directs de Pelléas), la brfdante vision d’apocalypse de l’oratorio Sancta Civitas et bien d’autres œuvres encore illustrent le renouvellement constant d’une inspiration dont l’âge stimule encore la vitalité. Des pages truculentes comme les Five Tudor Portraits, d’après les poèmes rabelaisiens de John Skelton, comme le Concerto pour tuba ou la fantasque 8e symphonie ajoutent à sa palette l’élément humoristique, la Symphonie antarctique ou les Three Shakespeare Songs a cappella l’élément fantastique, les cycles de mélodies, les deux quatuors et la sonate pour violon et piano la dimension intime. Et il faudrait encore ajouter à la liste de ces chefs-d’œuvre le concerto pour piano, le Magnificat, qui traite le texte liturgique avec une singulière originalité, enfin le ballet Job, d’après les gravures visionnaires de William Blake, et la 9e symphonie, son testament artistique, qui, à trente ans de distance, effectuent la synthèse des multiples facettes de cette riche personnalité. Cette œuvre si diverse conserve pourtant une homogénéité sans failles, grâce à un langage original et immédiatement reconnaissable, grâce surtout à un humanisme large et chargé de spiritualité non dogmatique.

Vaughan Williams, par son œuvre, par ses écrits, par ses activités pédagogiques, par son travail de chef de chœur et d’orchestre (il a beaucoup composé pour des ensembles d’amateurs, qu’il aimait diriger, jusqu’à ses derniers jours, dans les Passions de Bach), a assumé avec sérieux et enthousiasme son rôle de musicien dans la cité. Très attaché à cette conception communautaire et nationale de l’art, mais à l’écart de tout impératif idéologique, ce vert patriarche de la musique anglaise — véritablement un « father of music » comme le fut William Byrd — s’est acquis une vaste popularité dans les pays anglo-saxons, mais la France ignore pratiquement tout d’un des créateurs les plus considérables de son temps.

Les œuvres principales de Vaughan Williams

• symphonies : no 1, A Sea Symphony (avec chœurs, 1910) ; no 2, A London Symphony (1914) ; no 3, A Pastoral Symphony (1922) ; no 4, en fa mineur (1935) ; no 5, en majeur (1943) ; no 6, en mi mineur (1948) ; no 7, Sinfonia antartica (1953) ; no 8, en mineur (1958) ; no 9, en mi mineur (1958).

• œuvres concertantes : Flos Campi (alto, chœur et petit orch., 1925) ; concerto en mineur pour violon et cordes (1925) ; concerto pour piano (1933 ; remaniement pour deux pianos, 1946) ; suite pour alto (1934) ; concerto pour hautbois (1944) ; concerto pour tuba (1954).

• autres œuvres pour orchestre : In the Fen Country (1907) ; Three Norfolk Rhapsodies (1906) ; The Wasps (mus. de scène, 1909) ; Fantasia on a Theme by Tallis (cordes, 1910) ; Five Variants of « Dives and Lazarus » (cordes, 1939) ; Partita (cordes, 1948) ; Concerto grosso (cordes, 1950).

• chœurs et orchestre : Toward the Unknown Region (1907) ; Five Mystical Songs (1911) ; messe en sol mineur (a cappella, 1923) ; Sancta Civitas (1926) ; Benedicite (1930) ; Magnificat (1932) ; Five Tudor Portraits (1936) ; Dona nobis pacem (1936) ; Serenade to Music ; Thanksgiving for Victory (1945) ; Three Shakespeare Songs (a cappella, 1951) ; Hodie (1954) ; A Vision of Aeroplanes (chœurs et orgue, 1956).

• opéras : Hugh the Drover (1924) ; Sir John in Love (1929) ; The Poisoned Kiss (1936) ; Riders to the Sea (1937) ; The Pilgrim’s Progress (1951).

• ballets : Old King Cole (1923) ; Job (1930).

• musique de chambre : 2 quatuors à cordes (1908 et 1945) ; Fantasy Quintet (v. 1910) ; sonate pour violon et piano (1954).

• mélodies : Songs of Travel (1904) ; On Wenlock Edge (1909) ; Four Hymns (1912-1914) ; Along the Field (1925-26) ; Ten Blake Songs (1957).

H. H.