Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Gogh (Vincent) (suite)

Saint-Rémy, période de crise aiguë, reste marqué par les oliviers et les cyprès, dont le flamboiement ou la torsion entraînent ciel, terre et astres dans le même mouvement : Van Gogh est hanté par « les formes convulsives et torturées, [...] un univers de tumulte et d’orage dans lequel se projettent ses tourments, comme si les forces motrices de son être, inhibées par la maladie et par l’internement, éclataient brusquement en décharges angoissées » (Jean Leymarie). L’intensité se concentre non plus dans la couleur, mais dans le mouvement des formes, tandis qu’une harmonie assourdie par les gris et les ocres confère une résonance tragique à des toiles telles que le Parc de l’hôpital de Saint-Rémy (1889, Folkwang Museum, Essen).


Auvers-sur-Oise, 1890

Après un court passage à Paris pour revoir Théo, Vincent gagne Auvers-sur-Oise en mai 1890. Il loge dans la modeste pension du café Ravoux, fréquente le docteur Gachet, qui l’invite et pose pour lui.

Féru de gravure et ami des artistes, Paul Ferdinand Gachet (dit Paul Van Rijssel, 1828-1909) a su attirer des artistes comme Cézanne, Guillaumin et Pissarro. L’ambiance et le climat font oublier ses crises récentes à Vincent, et il retrouve pleine confiance. Il reprend ses thèmes ruraux, avec les champs, les jardins, les chaumes, les vues du village (l’Église d’Auvers, musée du Louvre), dans des tons laiteux, verts, violets et bleu sombre. Disposant de nouveau de modèles, il redonne leur importance aux portraits.

Mais une certaine tension se développe entre Théo et Vincent. Et lorsque Théo, de santé défaillante, veut emmener son fils, relevant lui-même de maladie, et sa femme en Hollande, Vincent se sent abandonné. Ce sentiment d’abandon s’étend à tous, et même à Paul Gachet. L’artiste exprime sa tristesse et sa solitude extrême dans d’« immenses étendues de blé sous des ciels troublés », tel le Champ de blé aux corbeaux (musée national Vincent Van Gogh), sa dernière toile. Le dimanche 27 juillet, il part dans les champs et se tire une balle dans la poitrine, mais le coup dévie. Il rentre à sa chambre, où il est trouvé ensanglanté. Il survit encore deux jours, pendant lesquels, très calme, il parle avec son frère en fumant sa pipe dans le lit, puis il meurt dans la nuit du 29 juillet, d’une mort voulue en toute conscience.

Sans entrer dans les diverses hypothèses médicales émises au sujet de la « maladie » de Van Gogh, et qui masquent souvent l’essentiel, on peut voir dans son œuvre la lutte intense menée par un individu contre un monde qui le refuse, une société qui entame alors, avec l’industrialisation et ses conséquences sociales conflictuelles, l’asservissement et la destruction de l’homme. Qui d’autre pouvait mieux parler de Van Gogh, de ces « épouvantables états de l’angoisse et de la suffocation humaine », qu’Antonin Artaud (Van Gogh, le suicidé de la société) ? Il est vrai que, se différenciant par là des froids spécialistes, Artaud a su clamer sa certitude qu’« un jour la peinture de Van Gogh armée et de fièvre et de bonne santé reviendra pour jeter en l’air la poussière d’un monde en cage que son cœur ne pouvait plus supporter ».

F. D.

➙ Expressionnisme / Fauvisme / Impressionnisme.

 K. Jaspers, Strindberg und Van Gogh. Versuch einer pathographischen Analyse unter vergleichender Heranziehung von Swedenborg und Hölderlin (Berne, 1922 ; 3e éd., Brême, 1949 ; trad. fr. Strindberg et Van Gogh, Éd. de Minuit, 1953). / J. B. de La Faille, l’Œuvre de Vincent Van Gogh, catalogue raisonné (Van Oest, 1928 ; 4 vol.). / R. Huyghe, Van Gogh (Screpel, Braun, 1937 ; nouv. éd., 1972). / A. Artaud, Van Gogh, le suicidé de la société (Éd. K., 1947). / M. Schapiro, Vincent Van Gogh (Londres, 1951 ; trad. fr., Nouv. Éd. fr., 1954). / Verzamelde Brieven van Vincent Van Gogh (Amsterdam, 1952-1954, 4 vol. ; trad. fr. V. Van Gogh, Correspondance complète, Gallimard, 1960, 3 vol.). / C. Estienne et C. H. Sibert, Van Gogh (Skira, Genève, 1953). / H. Perruchot, la Vie de Van Gogh (Hachette, 1955). / J. Rewald, Post-Impressionism : from Van Gogh to Gauguin (New York, 1956, 2e éd., 1962 ; trad. fr. le Postimpressionnisme de Van Gogh à Gauguin, A. Michel, 1961). / J. Leymarie, Qui était Van Gogh ? (Skira, Genève, 1968). / M. E. Tralbaut, Van Gogh le mal-aimé (Édita, Lausanne, 1969). / P. Lecaldano, Tout l’œuvre peint de Van Gogh (Flammarion, 1971, 2 vol.). / C. Metra, l’Univers de Van Gogh (Screpel, 1972).

Van Goyen (Jan)

Peintre néerlandais (Leyde 1596 - La Haye 1656).


Après un temps d’apprentissage chez plusieurs peintres de second plan, il entreprend en 1615 un long voyage à travers la France. De retour, il reçoit l’enseignement d’Esaias Van de Velde*, dont l’influence se laisse sentir dans ses premières œuvres. En 1618, il est mentionné comme peintre à Leyde ; puis il se fixe à La Haye, dont il est citoyen en 1634 et où il préside en 1640 la gilde des peintres.

Il a laissé plus d’un millier de tableaux sur bois, dont beaucoup, à partir de 1620, sont datés et signés, ce qui permet de suivre son évolution. Parcourant en tout sens la Hollande et le cours inférieur du Rhin, le plus souvent à bord des bateaux qui desservaient ces régions, il prenait des croquis des paysages et des villes qu’il longeait. À partir de ces notations, dont plusieurs centaines sont conservées, il composait ses tableaux chez lui, comme ce fut toujours l’habitude jusqu’au xixe s.

Dans un premier temps, il peint à la manière de l’école de Haarlem et de son maître Esaias Van de Velde : des tableaux de petit format bien organisés, avec une profusion de détails pittoresques minutieusement rapportés, des feuillages décoratifs et de vifs accents locaux de rouge, de bleu, de brun et de vert (musées de Berlin, Brunswick, Leyde). Vers 1628, la conception poétique commence à prendre le pas sur le détail réel (Rue de village, Städelsche Kunstinstitut, Francfort). Vers 1630, conformément à l’évolution générale de la peinture néerlandaise, le thème se clarifie en ce sens que l’anecdote perd de son importance au profit du seul paysage, tandis que la monochromie tend à s’installer (la Vue de Dordrecht de 1663, Mauritshuis, La Haye). Cette évolution fait de Van Goyen, avec Hercules Seghers* et Salomon Van Ruysdael*, un des premiers maîtres hollandais du paysage.