Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van der Goes (Hugo) (suite)

Le diptyque de Vienne, autre chef-d’œuvre, est de dimensions réduites (33 sur 23 cm pour chaque panneau). Sur le volet gauche est représenté le Péché originel, à droite la Déploration du Christ, déjà citée. Alors que, dans la première scène, Adam et Ève sont au milieu d’un paysage luxuriant, inondé de lumière, tout est tragique dans la seconde : neuf personnages douloureux, autour du Christ mort, dessinent une courbe qui monte vers la croix et le ciel assombri. Le drame humain éclate également dans la Dormition de la Vierge du Musée communal de Bruges, œuvre que l’on attribue à la fin de la vie du peintre. Ici, la « gestualité » pathétique des apôtres contraste avec le caractère paisible du visage de la Vierge et de la figure du Christ, qui apparaît dans une gloire de lumière.

L’influence du peintre fut grande à Gand, à Bruges et à Louvain ; on la sent chez Gérard David*, Quinten Matsys*, le Maître de Moulins, et surtout chez les enlumineurs flamands de la fin du xve s.

A. Z.

 J. Destrée, Hugo Van der Goes (Van Oest, 1914). / M. J. Friedländer, Die altniederländische Malerei, t. IV : Hugo Van der Goes (Berlin, 1926). / V. Denis, Hugo Van der Goes (Elsevier, Bruxelles, 1956). / J. Lavalleye, Hugo Van der Goes (Renaissance du livre, Bruxelles, 1962). / F. Winkler, Das Werk des Hugo Van der Goes (Berlin, 1964).

Van der Weyden (Rogier)

Peintre hainuyer (Tournai v. 1400 - Bruxelles 1464).


De son vrai nom Rogier de La Pasture, on l’a appelé Roger de Louvain, Maître Roger ou, pour les Italiens, Roger de Bruges avant que s’impose le nom actuel, traduction flamande de son patronyme. Des pièces d’archives le citent comme élève de Robert Campin*. Ses œuvres de jeunesse présentent des similitudes indéniables avec celles qu’on attribue à son maître, et certaines identités de style ont donné lieu à de multiples controverses.

C’est en 1432 qu’il reçoit la maîtrise de la gilde des peintres de Tournai. Dès lors, sa notoriété s’affirme et, en 1435, il est nommé peintre de la ville de Bruxelles, où il réalise dans l’hôtel de ville la décoration de la salle de la Justice. Nous connaissons cette œuvre (détruite probablement en 1695, lors du bombardement de Bruxelles) par les descriptions de Carel Van Mander et de Dürer, ainsi que par les tapisseries sur la Justice d’Archambault et de Trajan (musée des Beaux-Arts, Berne) tissées d’après les panneaux de Van der Weyden.

En 1450, l’artiste se rend à Rome à l’occasion de l’année sainte, proclamée par le pape Nicolas V. On ne connaît pas l’itinéraire de ce voyage et il n’existe aucune preuve qu’il ait travaillé à Ferrare, bien qu’il ait reçut des commandes de la cour des Este. Il rentre à Bruxelles en 1452. Marié en 1426, il eut plusieurs enfants dont l’un fut peintre, de même que l’un de ses petits-fils.

Il n’y a aucune œuvre du maître dont on puisse assurer l’authenticité absolue, et les spécialistes sont d’ailleurs loin de s’entendre. Cependant, deux tableaux échappent à toute discussion : la Descente de Croix (musée du Prado) et le Christ en Croix (Escorial). Ils forment une base pour l’étude stylistique de toute l’œuvre. L’artiste n’ignore pas les apports de Van Eyck*, mais, dans la Descente de Croix du Prado, il se dégage de l’humanisme ésotérique de ce dernier. Il ne situe pas les personnages dans un paysage symbolique, mais crée la profondeur par un fond doré qui privilégie le magnifique équilibre de la composition et la fluide harmonie qui unit les protagonistes de la scène.

Peintre religieux, comme ses émules de l’école de Bruges, il les dépasse tous par un dramatisme puissant. Il néglige les effets de couleur pour mettre l’accent sur les attitudes, dominées par l’expression de la douleur. L’ordonnance de cette Descente de Croix a exercé pendant longtemps une emprise considérable et il est évident que certains peintres de l’école de Cologne — tel le Maître de saint Barthélemy (Descente de Croix, Louvre) — la connaissaient, probablement par un dessin. Van der Weyden a peint des Vierges très douces et des scènes empreintes d’une piété grave, mais elles pâlissent devant les figures désemparées, toutes en larmes, qui assistent au drame du Christ. C’est là qu’il est le plus personnel : Retable des sept sacrements, Anvers ; Triptyque du Calvaire, Vienne ; la Mise au tombeau, Offices, Florence ; Pietà, National Gallery.

Ces œuvres s’écartent de celles, moins dramatiques, qu’on donne au « maître de Flémalle » ou à Robert Campin ; tout en étant proche de ce dernier, Van der Weyden semble échapper à l’influence de ses confrères, sauf à celle de Jan Van Eyck dans Saint Luc dessinant la Vierge (Boston). Les portraits indiquent mieux leur différence de tempérament. Autant ceux de Van Eyck sont robustes et réalistes sans fard, autant ceux de Van der Weyden baignent dans un climat serein et révèlent l’autre facette de sa nature, qui le fait proche de Robert Campin. Les portraits d’hommes (l’Homme à la flèche, Bruxelles ; Jean de Gros, Chicago) ne le cèdent en rien à ceux de femmes (Portrait d’une dame, Washington ; id., Londres) pour leur grâce un peu rêveuse, mais on chercherait en vain à y découvrir une vie secrète. Cette tendance idéaliste détermine le caractère de toute l’œuvre. Les scènes religieuses sont toujours marquées d’une certaine irréalité par les décors imaginaires, par l’abondance d’éléments surnaturels et par une volonté d’aller au-delà. Une grande composition comme le Retable du Jugement dernier (hôtel-Dieu, Beaune) résume ce style.

Dans la mesure où il est permis de l’approcher, Rogier Van der Weyden se place à la tête de cette école flamande du xve s. qu’il influence profondément et dont le centre se trouvait à Bruges, alors capitale des ducs de Bourgogne.

R. A.

➙ Campin.

 M. J. Friedländer, Die Altniederländische Malerei, t. II : Rogier Van der Weyden und der Meister von Flémalle (Berlin, 1924). / J. Destrée, Roger de la Pasture. Van der Weyden (Van Oest, 1931 ; 2 vol.). / E. Renders, Van der Weyden, Flémalle, Campin. La solution du problème (Beyaert, Bruges, 1931). / H. T. Beenken, Rogier Van der Weyden (Munich, 1951). / M. Davies, Rogier Van der Weyden (Londres, 1972 ; trad. fr., Éd. Arcade, Bruxelles, 1973).