Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vandales (suite)

S’attribuant une ascendance divine comme les souverains des autres royaumes barbares, mais revêtant, à partir de Gunthamund, le paludamentum et la cuirasse des empereurs, celui qui s’intitule rex Vandalorum et Alanorum exerce une autorité absolue et héréditaire selon le système de la tanistry sur tous les habitants du royaume : Vandales, Romains, Berbères, romanisés ou non. Sur le plan judiciaire, ces hommes sont jugés chacun selon leur droit propre par des tribunaux spéciaux, les cours de justice vandales jugeant en tout état de cause les procès mixtes. Le souverain, qui réside avec sa cour d’abord dans le palais d’Hippone (432-439), puis dans celui de Carthage à partir de 439, gouverne avec l’aide de quelques fonctionnaires vandales qu’il nomme lui-même : le praepositus regni, son Premier ministre et chef de sa chancellerie ; le haut clergé arien de la cour ; quelques amis portant sans doute le titre de comes ; les domestici, constitués en conseil (gouverneurs, évêques ariens, notables) ; les millenarii, responsables de districts germaniques groupant mille chefs de famille ; le gouverneur germain de Sardaigne, dont l’autorité s’étend également à la Corse et aux Baléares ; enfin, quelques notarii chargés d’établir l’assiette de l’impôt foncier, auquel seuls sont assujettis les Romains, dont les fonctionnaires sont maintenus hors du domaine royal (Proconsul carthaginensis, établi au temps d’Hunéric à Carthage, ville toujours administrée par un ordo decurionum).

Vivant côte à côte, mais sans se fondre du fait de l’interdiction des mariages mixtes, les deux communautés, vandale et romaine, se heurtent nettement sur le plan religieux. L’Église arienne, placée sous l’autorité directe du roi, qui nomme le patriarche de Carthage et les évêques, bénéficie des biens confisqués à l’Église catholique. Quelques évêques sont exilés, la célébration du culte catholique est interdite, mais c’est seulement sous le règne des successeurs de Geiséric que le conflit, surtout doctrinal, devient aigu.


La fin du royaume vandale

Geiséric dispose d’importantes ressources grâce à l’impôt foncier frappant les Romains, auquel s’ajoutent les revenus du butin et des domaines du fisc ; il peut constituer très tôt une importante flotte de guerre. Grâce à elle, il fonde un empire du blé en Méditerranée, pille Rome du 2 au 17 juin 455, multiplie les raids le long des côtes de Campanie entre 458 et 463, des Balkans entre 461 et 467 et en 474, détruit la flotte de reconquête byzantine en 468, impose enfin à l’empereur Zénon la paix perpétuelle de 474, qui reconnaît ses droits sur l’Afrique, la Sicile, la Sardaigne, la Corse, les Baléares et Ischia, au moment où s’apprête à disparaître l’empire d’Occident.

La mort du fondateur de l’État vandale, le 24 janvier 477, ouvre une période de crise dynastique. Refusant d’appliquer le principe de la tanistry, son fils, le féroce Hunéric (477-484), fait déporter ou assassiner ses neveux pour léguer sa succession au fils que lui a donné Eudoxie, Hildéric. En vain. Deux de ses neveux, Gunthamund (484-496) et Thrasamund (496-523), fils de son frère Genzo, ont échappé au massacre. À la mort de Thrasamund, Hildéric accède enfin légalement au trône (523-530), mais en est écarté par un arrière-petit-fils de Geiséric, l’aîné des princes du sang Gélimer (530-534).

Ariens fanatiques, deux de ces souverains, Hunéric et Thrasamund, persécutent l’Église catholique : élimination des non-ariens de toute fonction administrative ; imposition de 500 sous d’or frappant les nouveaux évêques ; déportation de 4 000 à 5 000 clercs et laïques (482) ; confiscation des biens de l’Église catholique au profit de l’Église arienne ; conversion obligatoire à l’arianisme par l’édit de représailles du 25 février 484 consécutif à l’échec du concile de Carthage entre évêques ariens et catholiques. Rapportées par Gunthamund, rétablies par Thrasamund, qui exile en 502 de nombreux évêques en Gaule (saint Eugène [† 505], évêque de Carthage) ou en Sardaigne (saint Fulgence [† 533], évêque de Ruspe), annulées par Hildéric, qui rappelle les exilés et accorde la liberté de culte, ces mesures laissent l’Église catholique d’Afrique considérablement affaiblie, ainsi qu’en témoigne l’échec du concile général de Carthage en 525.

Menacé par ailleurs à la fin du ve et au début du vie s. par la formation dans les montagnes de petits royaumes berbères indépendants à l’intérieur de ses frontières (celui d’Antalas dans la Dorsale tunisienne en particulier) ainsi que par les premiers assauts des grands nomades chameliers vers la fin du règne de Thrasamund, l’État vandale perd en outre l’appui des Ostrogoths à la suite du meurtre en 526 d’Amalafride, sœur de Théodoric Ier* le Grand qui avait épousé Thrasamund en 496. Isolé, Hildéric, qui a vécu quarante ans à la cour de Constantinople, se rapproche alors de Byzance, provoquant en mars 530 une réaction nationale qui lui substitue Gélimer.

Justinien*, prétextant alors de la violation des règles successorales, entreprend la reconquête de l’Afrique. Profitant d’une révolte des Maures de Tripolitaine et d’un soulèvement en Sardaigne qui immobilise une partie des forces adverses, une flotte byzantine de 600 navires débarque des troupes près de Carthage en 533. Sous le commandement de Bélisaire, celles-ci battent Gélimer à Ad Decimum le 13 septembre, s’emparent de Carthage le 15 et, en décembre, dispersent à Tricamarum les dernières forces du roi Vandale, qui se réfugie chez les Maures avant de se rendre au vainqueur. Elles occupent alors rapidement la Sardaigne, la Corse, les Baléares et quelques points d’appui côtiers en Mauritanie (Cherchell, Ceuta). L’État vandale a vécu.


Le bilan

Hildéric assassiné sur l’ordre de Gélimer lors du débarquement byzantin, Gélimer et les autres membres de la famille royale déportés en Galatie, la noblesse dépossédée de ses biens, restitués à leurs anciens propriétaires, le peuple vandale disparaît sans laisser de trace.