Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vandales (suite)

À travers l’Empire romain


La traversée de la Gaule (406-409)

Les envahisseurs se divisent en deux masses principales. La plus faible, par l’Alsace, les vallées du Doubs, de la Saône et du Rhône, gagne directement la Septimanie et atteint la région de Toulouse. Sous la direction du fils de Godegisel, le roi Gundéric (406-428), la plus importante se dirige vers Reims, où elle se divise en trois groupes qui pillent systématiquement la Gaule romaine : par Laon, le premier d’entre eux gagne Amiens, Arras, Tournai et atteint les rives du pas de Calais ; par Langres, le deuxième rejoint les Vandales qui ont traversé l’Alsace ; par Angoulême et Bordeaux, le troisième atteint les Pyrénées, puis se dirige vers la Septimanie, où la masse des envahisseurs se ressoude à l’automne de 409.


La conquête de l’Espagne (409-429)

Victimes sans doute d’une mauvaise récolte et de l’épuisement des stocks, Vandales, Suèves et Alains pénètrent alors en Espagne par les cols de Roncevaux et de Somport. Dès la fin de 411 ou au début de 412, les Hasdings et les Suèves sont établis en Galice, les Silings en Bétique, les Alains en Lusitanie et dans la Carthaginoise.

Intervenant en 416 au sud des Pyrénées au nom de Rome, le roi des Wisigoths Wallia pulvérise les Silings, expédient leur roi à Ravenne, brise les Alains et facilite le regroupement des Vandales autour du roi des Hasdings. Celui-ci supporte mal le voisinage des Suèves et gagne en 419-20 la Bétique, qui prend alors le nom d’Andalousie (de Vandalusiá : pays des Vandales, bien que cette interprétation étymologique soit contestée par certains auteurs).

Après en avoir épuisé les ressources naturelles, les Vandales s’initient aux techniques de la mer. Entreprenant des raids de pillage dans les Baléares et en Mauritanie en 426, s’emparant de Séville et de la base navale de Carthagène en 428 (ou 425 ?), ils songent enfin à conquérir les riches terres à blé d’Afrique.


La conquête de l’Afrique du Nord (429-439/442)

Regroupant la totalité des Hasdings, des Silings, des Alains et quelques Hispano-Romains, soit au total 80 000 personnes dont 20 000 guerriers, le roi des Vandales Geiséric (ou Genséric, 428-477), frère et successeur de Gundéric, s’embarque en mai 429 à Tarifa sur des barques de pêcheurs. Il aborde, sans doute près de Tingis (auj. Tanger), l’Afrique romaine, dont la résistance est affaiblie par des troubles religieux (orthodoxes opposés aux donatistes) et sociaux (révolte des circoncellions contre les grands propriétaires).

Les envahisseurs progressent vers l’est, par la trouée de Taza ; ils atteignent Altava (auj. Ouled Mimoun) en août, traversent la Numidie, pénètrent dans la Proconsulaire en mars 430, où ils contraignent le comte Boniface, gouverneur de l’Afrique, à s’enfermer en mai dans Hippone (auj. Annaba), où saint Augustin meurt le 28 août. Après la capitulation de la place en août 431 et la défaite infligée aux troupes de Boniface renforcées par l’armée romaine de secours venue d’Orient sous le commandement de l’Alain Aspar, Geiséric impose à l’impératrice Galla Placidia et au patrice Aetius la signature, le 11 février 435, de la convention d’Hippone, qui reconnaît à son peuple la qualité de fédérés soumis à un léger tribut et le droit d’occuper librement, sous le régime de l’hospitalité, les trois Mauritanies, une partie de la Numidie avec Calama (Guelma) en échange de l’envoi annuel d’otages à Ravenne. Ayant fait libérer son fils pour éviter toutes représailles, il s’empare brusquement de Carthage le 19 octobre 439, puis occupe, en Sicile, Lilybée (Marsala) en 440.

Valentinien III, pris à revers en Orient par les Huns et par les Perses, sans doute alliés des Vandales, doit signer en 442 un nouveau traité de partage. Les Vandales restituent théoriquement à l’Empire romain les provinces les plus pauvres de l’Afrique — abandonnées en fait aux Berbères (les trois Mauritanies, la Numidie occidentale avec Cirta et la Tripolitaine) —, et se font céder les provinces les plus riches (100 000 km2), qui correspondent approximativement au nord et au centre de l’actuelle Tunisie (Numidie orientale avec Hippone, Zeugitane, Proconsulaire, Byzacène).

Ainsi définies, les bases territoriales du royaume vandale ne sont modifiées que par la conquête des îles méditerranéennes, qui assure à Geiséric la protection (Baléares et Corse vers 455) et la possession (Sardaigne de 455 à 468 ; Sicile de 468 à 476) des greniers à blé de la Méditerranée, lesquels mettent son peuple à l’abri de la famine.


Le royaume vandale

Avant même de conclure en 445 une union matrimoniale entre son fils Hunéric et Eudoxie, fille de l’empereur Valentinien III, union qui n’est consommée qu’en 456, Geiséric entreprend dès 442 la construction d’un royaume vandale en utilisant en partie les cadres légués par Rome.

Les Vandales comptent à la fois des nobles, bénéficiant de la bienveillance royale, des hommes libres, dont le rôle politique est fort réduit, et des esclaves, assimilés à des biens meubles négociables ; ils sont, en majeure partie, cantonnés par groupes de mille hommes en Zeugitane, Geiséric désirant maintenir la cohésion de son peuple en armes. Le roi, refusant dans le même esprit d’appliquer le système romain de l’hospitalité, maintient l’unité des grands domaines romains, qu’il confisque à son propre profit ou à celui des grands seigneurs vandales qui se substituent très facilement aux anciens propriétaires expulsés en Italie ou en Orient et dont ils occupent les villas.

Les Vandales, qui adoptent très aisément la langue latine et les mœurs romaines (jeux du cirque, théâtre, thermes, cours des grammairiens, etc.), ne modifient pas le régime d’exploitation des terres. En effet, sous l’autorité des conductores, les paysans africains continuent, en qualité de colons ou de serfs, de mettre en valeur des terres dont leurs nouveaux maîtres se contentent de toucher les revenus.

Hors de Zeugitane, par contre, les terres, déclarées propriété d’État, restent en fait la possession de leurs occupants, à l’exception des domaines impériaux déclarés biens du roi.