Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valois (suite)

Ainsi se trouve légitimé aux yeux des contemporains le pouvoir des Valois. Pourtant, les modalités mêmes de cette désignation, négociées entre les barons et le souverain avant son sacre, favorisent le déclenchement d’une grande crise multiforme extérieure et intérieure, qui met ce dernier aux prises à la fois avec ses compétiteurs, qui contestent la décision de 1328, avec les grands qui l’ont fait roi, avec les organes de la monarchie, enfin, dont il ne peut rejeter les avis et briser l’autorité, qui repose sur une compétence fruit de leur spécialisation.


La crise dynastique


Valois et Plantagenêts*

Neveu et plus proche parent du roi défunt, Édouard III reconnaît d’abord le fait accompli en prêtant hommage à Philippe VI à Amiens le 6 juin 1329 et en acceptant par lettres patentes en date du 30 mars 1331 que celui-ci soit considéré comme lige. Mieux affermi sur le trône d’Angleterre, mécontent de l’appui accordé par le Valois au roi d’Écosse, Robert Ier Bruce (1306-1329), désireux enfin de soustraire définitivement la Guyenne* aux ambitions de ce prince qui en prononce pour la troisième fois la confiscation le 24 mai 1337, le Plantagenêt revendique ouvertement pour lui-même le royaume de France le 7 octobre 1337. Ainsi débute la guerre de Cent* Ans, dont les conséquences territoriales et militaires ne seront définitivement effacées que le 6 janvier 1558, lorsque François de Guise reprendra par surprise Calais pour le compte d’un autre Valois : Henri II.


Valois et Navarre

Bien que moins puissants que les Plantagenêts, les membres de la maison d’Évreux n’en représentent pas moins un redoutable danger pour les Valois. Neveu de Philippe IV le Bel et cousin germain de Charles IV le Bel au même titre que Philippe VI, le comte Philippe d’Évreux (1328-1343) ajoute en 1317 en effet à ses droits sur le royaume de France ceux qu’il possède sur la Champagne du chef de sa femme, Jeanne (1311-1349), fille de Louis X le Hutin. Certes, il renonce à ces derniers en échange du royaume de Navarre, dont la possession lui est confirmée ainsi qu’à son épouse.

Mais, possesseur du comté d’Évreux par son père, des comtés d’Angoulême et de Mortain du chef de sa femme, et à ce triple titre vassal du roi de France, il n’en est pas moins souverain indépendant en Navarre et acquiert de ce fait un prestige et une autorité que ses héritiers peuvent utiliser contre les Valois.

Philippe VI, conscient du danger, s’oppose en 1337 au projet de mariage de Charles de Navarre avec l’héritière probable du duché de Bretagne, Jeanne de Penthièvre (1319-1384), qu’il décide alors d’unir à son neveu Charles de Blois. Mais Jeanne de Navarre exige en compensation le versement par ce dernier d’une rente de 10 000 livres qui doit être doublée si Jeanne de Penthièvre devient duchesse de Bretagne. À la mort de Jean III duc de Bretagne, en 1341, elle fait assigner sur les vicomtes d’Avranches et de Coutances une partie de sa rente sur le trésor prévue par un accord de 1336 avec le roi. Enfin, estimant les revenus du comté d’Angoulême insuffisants, elle renonce en 1349 à celui-ci en échange des châtellenies de Pontoise, de Beaumont et d’Asnières-sur-Oise, qui établissent la puissance de sa maison aux portes de la capitale alors qu’elle vient de s’engager (mars 1348) à fermer ses places fortes aux Français et à laisser les troupes d’Édouard III traverser ses terres en échange de la protection accordée par ce souverain à sa personne et à celle de ses enfants. Confirmée par l’alliance signée avec le roi d’Aragon au mois de septembre suivant, cette politique de Jeanne de Navarre détermine les principes de l’action de son fils Charles II le Mauvais (1349-1387).

Bien qu’il fût marié en 1351 à Jeanne de France — fille de Jean II le Bon, qui lui cède la quasi-totalité du Cotentin par le traité de Mantes de février 1354 —, le jeune roi de Navarre se comporte en fait en prétendant inavoué au trône de France. Les manifestations de cette politique sont nombreuses : assassinat dans Laigle le 8 janvier 1354 du connétable Charles d’Espagne, que Jean II le Bon (1350-1364) a investi du comté d’Angoulême ; tentative faite pour compromettre le dauphin Charles dans un complot destiné à éliminer son père et qui débouche sur l’arrestation du roi de Navarre, sur l’exécution de ses conseillers, dont le comte Jean d’Harcourt à Rouen le 5 avril 1356, et sur la confiscation de ses biens et de ceux de ses partisans ; collusion avec Étienne Marcel* et surtout avec Édouard III, qui fait de son frère Philippe de Navarre son lieutenant en Normandie en 1356-57 ; enfin, entrées solennelles de Charles II le Mauvais les 30 novembre 1357 et 4 juin 1358 dans la capitale, dont il est proclamé capitaine général le 15 juin après avoir rappelé indirectement ses droits à la couronne. La haine du peuple de Paris contre l’Anglais, l’assassinat d’Étienne Marcel le 31 juillet 1358 et surtout l’impossible consolidation de l’alliance anglo-navarraise en raison des prétentions concurrentes d’Édouard III et de Charles II le Mauvais à la couronne de France contraignent les successeurs de ce dernier souverain et notamment son fils Charles III le Noble (1387-1425) à renoncer à faire valoir effectivement leurs droits à cette dernière. Tombée en quenouille en 1425, annexée tour à tour par les comtes de Foix et les sires d’Albret qui s’unissent aux descendantes de Charles III le Noble, la Navarre échoit finalement en 1562 à Henri de Bourbon, lointain descendant de Saint Louis, qui succède en 1589 au roi de France Henri III. En assurant ainsi l’héritage des Valois, le dernier des rois de Navarre réalise les secrètes ambitions de Charles II le Mauvais, mais dans un contexte tout différent et au prix, il est vrai, de l’incorporation de son royaume au domaine royale.


Les Valois et les grands barons du royaume


Le roi et ses vassaux

Bien que ne possédant pas de royaumes extérieurs à la France, les autres grands vassaux de Philippe VI n’oublient pas que celui-ci leur doit en fait sa couronne. Le déclenchement de la guerre de Cent Ans permet d’ailleurs à certains d’entre eux de se rendre pratiquement indépendants, notamment lorsque leurs principautés se trouvent situées dans des zones frontalières où influences française et anglaise s’annulent en s’opposant : comté de Flandre*, où les villes, à l’instigation de Jacob Van Artevelde, s’insurgent contre leur comte Louis Ier de Nevers et leur roi (Philippe VI) dès 1328, puis accueillent Édouard III en 1340 ; duché de Bretagne*, où la mort de Jean III en 1341 laisse aux prises le candidat du roi de France, Charles de Blois (1341-1364), avec celui du roi d’Angleterre, Jean IV de Montfort (duc de Bretagne de 1365 à 1399) ; comté de Foix, dont le prince, Gaston III dit Phébus (1343-1391), se joint en 1348 à l’alliance aragano-navarraise dirigée contre l’alliance franco-castillane à la suite de son mariage avec Agnès de Navarre. D’autres enfin étendent leurs domaines grâce à de profitables mariages.