Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

valeurs mobilières (suite)

Les sociétés du secteur privé peuvent, seules, émettre des actions sur le marché financier. Elles peuvent également émettre des obligations, à la double condition d’avoir deux ans d’existence et d’avoir exigé de leurs actionnaires le versement total du capital qu’ils se sont engagé à souscrire. La société a le choix entre l’émission directe d’un emprunt obligataire qu’elle lance sous son nom propre ou la participation à un emprunt collectif. La première formule est pratiquement réservée aux grandes sociétés cotées en Bourse, alors que la seconde est ouverte à toute entreprise. Les émissions d’emprunts collectifs ont pris une très grande importance ; elles sont caractérisées par l’interposition d’une tierce personne — groupement professionnel ou Société de développement régional (SDR) — entre les souscripteurs et les bénéficiaires des capitaux recueillis (par exemple le Groupement de l’industrie sidérurgique [G. I. S.] et le Groupement des industries de la construction électrique [G. I. C. E. L.]).

Comme pour les collectivités du secteur public, la Bourse joue un rôle fondamental pour les sociétés privées. Afin d’assurer son développement, l’entreprise doit envisager la réalisation d’importants investissements. Les ressources qu’elle dégage par son exploitation ne peuvent généralement pas lui assurer un financement suffisant, alors que la faiblesse de ses fonds propres lui interdit souvent d’augmenter son endettement. De même, la répartition du capital entre un trop petit nombre de mains ne permet pas de demander à ses associés-fondateurs de fournir à eux seuls les capitaux nécessaires. Dans ces conditions, une société dispose d’une issue commode, qui est de solliciter le concours de l’épargne publique par la voie de la Bourse. Elle demandera la cotation de ses actions, qui se traduira par la mise en vente sur le marché d’une fraction de son capital. Dès lors, la société pourra faire publiquement appel au marché financier par l’émission d’actions de numéraire, qui s’adressera au cercle élargi de ses actionnaires et au public tout entier, ainsi que par le lancement d’emprunts obligataires. En outre, elle pourra développer plus commodément une politique d’absorptions-fusions par voie de création d’actions d’apport et bénéficier de plus larges facilités de crédit.

B. M.

➙ Agent de change / Bourse de valeurs / Société.

 J. Hartwig, Valeurs mobilières et investissements privés (Sirey, 1957). / M. Pariat, les Méthodes de prévision économique et leur application à la prévision boursière (L. G. D. J., 1960). / L. Retail, les Titres de sociétés et leur évaluation (Sirey, 1961). / F. Rosenfeld, Analyse des valeurs mobilières (Dunod, 1963).

Valladolid

V. d’Espagne, en Vieille-Castille, ch.-l. de province ; 236 000 hab.


Rôle politique et fortune artistique de Valladolid sont étroitement liés. Au xve s. et durant les six premières décennies du xvie s., la ville est de facto, sinon de jure, la capitale de la Castille. La cour y fait de fréquents séjours, des familles de haut lignage y ont leur résidence provisoire ou permanente. C’est là que sont convoquées le plus fréquemment les Cortes du royaume. Une université et le célèbre tribunal de l’Audience, principal pouvoir judiciaire, contribuent à son renom. Enfin, des couvents et des églises bien dotés entretiennent une intense activité artistique.

Le Moyen Âge tardif y produit quelques-unes de ses productions les plus caractéristiques dans le magnifique ensemble architectural des dominicains, grâce au mécénat de l’évêque de Palencia, Fray Alonso de Burgos († 1499), confesseur de la reine Isabelle la Catholique. Les façades de l’église San Pablo et du collège San Gregorio (1488-1496, aujourd’hui musée national de Sculpture) ressemblent à de gigantesques retables animés d’une vie multiforme. Le patio du collège, d’une fantaisie extrême, est encore marqué par l’esprit mudéjar.

Cependant, au même moment, le cardinal Pedro González de Mendoza, le fastueux archevêque de Tolède*, fait construire un autre collège (à partir de 1487-1489), celui de Santa Cruz, qui offre avec le précédent le plus extraordinaire des contrastes. Il s’agit du premier des grands monuments de la Renaissance en Castille, auquel l’architecte Lorenzo Vázquez a su conférer une sobre noblesse.

Mais voici que s’éveille une école de sculpture dont l’activité se poursuivra sans interruption durant plus d’un siècle. Dès 1525 s’installe Alonso Berruguete*. En Italie, où il a vécu pendant une quinzaine d’années, il a subi l’influence de la sculpture toscane et de Michel-Ange. Son métier, excellent, lui sert à exprimer une passion intérieure à travers des formes tourmentées (retable de San Benito au Musée national de sculpture, 1526-1532). Dix ans plus tard arrive Juan de Juní (v. 1507-1577). Il s’est formé en France et a déjà exercé son talent dans plusieurs villes espagnoles. Son tempérament le porte à la mise en scène et aux attitudes pathétiques (Mise au tombeau du Musée national, Vierge aux sept glaives de l’église Nuestra Señora de Las Angustias).

Cependant, en 1559, la Cour abandonne Valladolid — pour Tolède d’abord, puis pour Madrid et l’Escorial — et, en 1561, un immense incendie dévore les hauts lieux de la cité. Philippe II la fait reconstruire, sur un plan rigoureusement ordonné, par Francisco de Salamanca. Malheureusement, la médiocrité des matériaux n’a pas permis que cet exemple caractéristique de l’urbanisme du temps parvînt jusqu’à nous. Seuls subsistent les églises élevées par des disciples de Juan de Herrera, Juan de Nates et Diego de Praves (la Pasión, 1579, la Vera Cruz, 1585-1595, et Las Angustias, 1597), ainsi que des palais comme celui du riche marchand et financier Fabio Nelli de Espinosa.

La sculpture connaît ses derniers jours de gloire avec Esteban Jordán (v. 1530-1598) et surtout le grand Gregorio Hernández (ou Fernández) [v. 1576-1636]. Ce dernier fournit de nombreux pasos, ou figures de procession, traités isolément ou par groupes (Christ à la colonne, au Musée, Descente de croix et Christ au roseau de l’église de la Vera Cruz).

Une ultime tentative est faite par Valladolid, en 1601, pour reconquérir son rôle de capitale. Elle se solde par un échec, et la ville, ruinée, est définitivement abandonnée par la Cour en 1606.

M. D.

 B. Bennassar, Valladolid au siècle d’or. Une ville de Castille et sa campagne au xvie s. (Mouton, 1967).