Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Une nouvelle situation stratégique

Cette transformation des armées s’effectue dans le cadre nouveau d’une coexistence de plus en plus équilibrée des potentiels militaires américain et soviétique, qui voit alterner périodes de détente et de tension. En 1955, après l’entrée de l’Allemagne occidentale réarmée dans le pacte de l’Atlantique (v. Atlantique Nord [traité de l’]), l’U. R. S. S. a renforcé le bloc socialiste par la signature du pacte de Varsovie*, qui permet un contrôle étroit des armées des démocraties populaires. Cette emprise rencontre parfois de sérieuses difficultés comme en 1956 en Pologne, où le maréchal Rokossovski* doit abandonner le poste de ministre de la Défense, en Hongrie, où les velléités d’indépendance sont écrasées par les chars soviétiques, et en Albanie, où le pacte finira par être dénoncé en 1968.

En 1955 et 1956, Moscou profite de la crise de Suez pour accroître son influence au Proche-Orient en fournissant des armes et des crédits à l’Égypte et à la Syrie et en imposant une présence de plus en plus importante de sa marine en Méditerranée. Khrouchtchev n’hésite pas à l’occasion à pousser la provocation jusqu’aux limites de la rupture. C’est le cas, lors de la crise de Berlin (1961), où le dirigeant soviétique donne son accord à l’érection du fameux « mur de la honte », et en 1962 lors de l’installation des missiles soviétiques à Cuba, qu’il retire finalement devant la détermination de Kennedy.

Cette époque est aussi celle du début de la crise dans les rapports avec la Chine, à laquelle l’U. R. S. S. accordait depuis 1950 une aide technique et militaire considérable. En 1959, Moscou refuse de livrer à Pékin les renseignements promis en 1957 sur les armements nucléaires et prend ombrage de l’attitude de Mao Zedong (Mao Tsö-tong), qui s’oppose à la thèse de la coexistence pacifique et se présente comme le leader du communisme mondial orthodoxe. En 1960, Moscou retire brusquement les quelque 10 000 cadres civils et militaires soviétiques détachés en Chine. La frontière sino-soviétique, d’ailleurs contestée par Pékin, devenait un sujet de graves préoccupations pour l’U. R. S. S.


1963-1976, vers la détente par un équilibre négocié

La crise de Cuba avait mis en évidence le rétablissement en faveur des États-Unis de l’équilibre stratégique et l’insuffisance des forces navales de l’U. R. S. S. pour soutenir une politique vraiment mondiale. Convaincu de la nécessité d’une pause dans sa lutte contre le bloc occidental, Khrouchtchev avait déjà amorcé le dialogue avec Washington. Après sa rencontre avec le président Kennedy à Vienne (1961) et la création entre eux d’un téléphone rouge pour éviter tout « conflit par erreur », il accepte le principe d’une conférence anglo-américano-soviétique, d’où sortira, en 1963, le traité de Moscou interdisant les essais nucléaires autres que souterrains et consacrant la volonté d’exclusivité des deux super-grands en matière d’armement atomique. Les successeurs de Khrouchtchev poursuivent cette politique et, tout en continuant son programme d’explosions nucléaires (190 de 1963 à 1976), l’U. R. S. S. participe à toutes les négociations sur le désarmement*. Après le traité de non-prolifération nucléaire (1968), qui vise à préserver l’avance nucléaire des États-Unis et de l’U. R. S. S., elle signe les traités de dénucléarisation des fonds marins (1970) et d’interdiction de l’arme biologique (1972).


Les crises tchèque et chinoise

Au cours de cette période, deux crises graves affectent le monde communiste. La première — qui, en août 1968, conduit l’U. R. S. S. et ses alliés du pacte de Varsovie à intervenir avec 27 divisions en Tchécoslovaquie — souligne l’importance que continue à attacher la stratégie soviétique au contrôle de cette position clé du glacis européen. L’accord conclu avec Prague le 16 octobre 1968 prévoit le maintien « temporaire » en Tchécoslovaquie de forces soviétiques (5 divisions y sont encore en 1976), tandis qu’est amorcée une réorganisation des structures du pacte de Varsovie visant à en affermir la cohésion. La seconde crise résulte de l’aggravation des rapports entre l’U. R. S. S. et la Chine, devenue entre-temps (1964-1966) une puissance nucléaire. En 1969, les contestations frontalières le long du fleuve Oussouri aboutissent à des affrontements sanglants et entraînent le renforcement du dispositif soviétique face à la Chine.


Proche-Orient et océan Indien

Si l’Europe et la Chine constituent les deux pôles de la politique de défense soviétique, celle-ci s’affirme également très active au Proche-Orient et dans l’océan Indien. Par ses traités d’alliance avec la Syrie, l’Iraq et l’Égypte, où elle envoie de nombreux conseillers militaires (10 000 à 15 000 hommes en 1972), l’U. R. S. S. se pose comme le protecteur et le fournisseur en armement des États et des armées arabes, notamment au cours des deux guerres israélo-arabes (1967 et 1973). En 1971, dans le conflit qui s’annonce entre le Pākistān (soutenu par les États-Unis dans le cadre du CENTO) et l’Inde, Moscou signe un traité avec ce pays qui se traduit par la fourniture de matériels soviétiques aux forces indiennes. Dans le même esprit, l’U. R. S. S. apporte une aide militaire importante à d’autres pays du tiers monde comme l’Algérie, le Soudan, le Yémen ou le Viêt-nam du Nord (pays où elle envoie des conseillers militaires) et recherche pour sa marine des facilités portuaires, notamment dans la mer Rouge et autour de l’océan Indien (Somalie, Inde, Malaisie, île Maurice). Elle doit cependant s’effacer devant les marines américaine et britannique dans les travaux qui aboutissent en 1975 à la réouverture du canal de Suez.


SALT et accords soviéto-américains

C’est en 1967 que, pour limiter les conséquences financières de la course aux armements, notamment dans le domaine des antimissiles, Moscou accepte le principe, de discussions directes avec les États-Unis. Étendues aux armements offensifs, ces négociations s’ouvriront sous le nom de SALT (Strategic Arms Limitation Talks) à Helsinki en 1969. Elles aboutiront le 26 mai 1972 à un premier accord limitant à deux sites les systèmes d’armes antimissiles de chaque partenaire et à une convention provisoire, limitant pour eux jusqu’en 1977 le nombre des missiles stratégiques (soit pour l’U. R. S. S. 1 618 ICBM et 950 SLBM sur 62 sous-marins). Les négociations SALT, compliquées par la réalisation des missiles à charges multiples (MIRV), reprennent à Genève à la fin de 1972 sans résultat positif. Toutefois, le 3 juillet 1974, Brejnev signe à Moscou avec le président Nixon un accord limitant à un seul site le dispositif antimissile autorisé par la convention de 1972 et, à partir du 31 mars 1976, à 150 kt la puissance des essais nucléaires souterrains. L’U. R. S. S. participe depuis 1973 à la conférence sur la réduction des forces en Europe (MBFR, Mutual Balanced Force Reduction). Elle a signé le 1er août 1975, à Helsinki, avec tous les États d’Europe, la déclaration sur la sécurité européenne consacrant les frontières de 1945, dont elle avait été l’instigatrice.