Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

C’est Leonid Brejnev qui remplace Khrouchtchev comme Premier secrétaire du parti, Kossyguine devenant président du Conseil des ministres. La nouvelle équipe dirigeante, tout en conservant l’essentiel des acquis de la période khrouchtchévienne, s’efforce de répondre avec sérieux aux questions que prescrit l’économie soviétique. Elle peut ainsi mettre au point la réforme économique de 1965, qui donne l’autonomie financière aux entreprises socialistes et améliore le système de gestion et de centralisation. L’utilisation plus grande des stimulants matériels, l’amélioration des techniques de gestion, la fixation plus sérieuse des prix (en rapport avec le coût réel de la production) permettent, après quelques années de tâtonnements, d’obtenir des résultats incontestables avec le huitième plan quinquennal (1966-1970) et, surtout, avec le neuvième quinquennat (1971-1975).

La production des biens de consommation s’accroît maintenant au même rythme que celle de l’industrie lourde.

L’U. R. S. S. produit plus de charbon et d’acier que les États-Unis et, en 1974, plus de pétrole. Elle reste en retard par rapport aux produits de consommation, mais il faut tenir compte naturellement du point de départ (du retard de l’U. R. S. S. dans les années 20) et des conséquences de la Seconde Guerre mondiale, où l’U. R. S. S. a perdu de vingt à trente ans par rapport aux États-Unis. L’amélioration de la productivité du travail reste une préoccupation essentielle des dirigeants soviétiques (elle est, en effet, inférieure de plus de 40 p. 100 de la productivité américaine).

L’agriculture soviétique connaît, même après 1965, des jours difficiles. La récolte de 1972, avec des conditions météorologiques particulièrement dramatiques, est catastrophique. Par contre, celle de 1973 est la meilleure de toute l’histoire de l’U. R. S. S. et dépasse plus de 200 Mt pour les céréales. Les progrès du niveau de vie sont réels et vont de pair avec l’essor culturel. C’est un fait que l’U. R. S. S. ignore les crises qui frappent l’Occident et qu’elle rattrape peu à peu le retard immense qui était le sien.

La détente internationale fait des pas en avant considérables depuis 1965. Les rapports soviéto-américains se sont améliorés, en particulier depuis les accords de 1972 sur la limitation des armes nucléaires. La guerre du Viêt-nam s’est arrêtée. Les rapports entre l’U. R. S. S. et la République fédérale d’Allemagne se sont améliorés avec la signature en 1970 du traité germano-soviétique ratifié par le Bundestag en 1972 et la reconnaissance de facto par les puissances occidentales de la République démocratique allemande. L’ombre la plus grave qui pèse sur les rapports Est-Ouest vient du Moyen-Orient.

La politique soviétique reste cependant très marquée par la volonté de sauvegarder l’unité du monde socialiste sur la base des critères que l’Union soviétique a fixés elle-même. C’est ce qui explique son intervention en Tchécoslovaquie* en 1968 pour empêcher la continuation d’une expérience qui s’avérait devoir être originale par rapport au modèle soviétique de socialisme. Les relations avec la Chine sont toujours mauvaises, même si l’on en a fini avec les violents combats qui ont opposé en 1969 Soviétiques et Chinois à la frontière, sur le fleuve Oussouri. Quant aux rapports franco-soviétiques, ils sont plutôt bons depuis la présidence du général de Gaulle.

Le système politique soviétique reste fondé sur le parti unique et, depuis vingt-cinq ans, les aspects lés plus dramatiques du phénomène stalinien ont été éliminés. Le parti, les syndicats, les soviets ont été revitalisés. La direction collective a remplacé le pouvoir personnel. Il reste que les libertés d’expression, de création et de recherche sont loin d’être respectées, comme l’ont montré de nombreux exemples. Des écrivains ne peuvent publier leurs œuvres et on les contraint à émigrer (V. P. Nekrassov, V. Maksimov), quand on ne les expulse pas (Soljenitsyne), quand on ne les emprisonne pas (Vladimir Boukovski, Andreï Amalrik), ou quand on ne les interne pas dans un hôpital psychiatrique (tels le savant Jores Medvedev ou le mathématicien Leonid Plioutch. Ces faits n’autorisent cependant pas à conclure à un retour au stalinisme : ce sont plutôt des survivances liées à des structures, des traditions et des hommes, héritées du passé.

La société soviétique compte plus de 100 millions de salariés, dont la moitié est employée dans l’industrie. Plus de 25 millions de Soviétiques ont une instruction supérieure ou secondaire spécialisée. On comptait en 1973 4 580 000 étudiants pour une population de 250 millions d’habitants.

La diversité des nationalités reste un problème sérieux dont il ne faut pas sous-estimer l’importance, car il y a autant de différence entre les Ouzbeks, les Russes, les Géorgiens et les Arméniens qu’entre les Français, les Arabes, les Allemands et les Mexicains. On imagine la difficulté de gouverner une telle fédération de républiques.

La compréhension de l’histoire soviétique est importante pour notre temps. Elle nécessite un grand effort d’information et de réflexion. Rien n’y est simple. Tout y est différent de notre expérience nationale. Trop souvent, on compare des situations qui sont fort éloignées les unes des autres. Quel que soit le jugement que l’on porte sur cette expérience originale, il est nécessaire de la bien connaître.

J. E.

➙ Boukharine / Coexistence pacifique / Communisme / Internationales (les) / Khrouchtchev / Lénine / Révolution russe de 1917 / Russie / Staline / Stalinisme / Trotski / Varsovie (pacte de).

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