Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

La neige n’est jamais très épaisse, surtout dans les déserts et dans le Grand Nord, mais il s’écoule souvent six mois entre les premières chutes et les premières fontes. La Russie offre un bon exemple de ces hivers rigoureux et longs de l’Union, bien étudiés par des savants, bien décrits par les écrivains et les poètes. Autrefois, l’hiver marquait un long temps de repos des cultures, des bêtes et des gens ; c’était le temps des voyages en traîneau sur la neige glacée, des visites de village à village, des longues veillées, au cours desquelles les artisans fabriquaient les objets de cuir et de bois. Certaines foires se tenaient également en hiver. Lorsque la température devenait trop basse, les écoliers étaient mis en congé. Enfin, on sait combien souvent les incendies survenaient dans les villages et les villes d’isbas. De nos jours, l’hiver pose de sérieux problèmes à la circulation, au génie civil, à la vie des hommes : l’U. R. S. S. est le pays où ont été mises au point les meilleures techniques de lutte et de protection contre le froid.

Les saisons intermédiaires sont très brèves, comme dans tout climat continental. À la fin de l’hiver surgit le dégel, la raspoutitsa. Les travaux des champs sont écourtés, et la période végétative ne dépasse pas de 12 à 15 semaines, ce qui explique la hâte fébrile des travaux des champs : il faut tout engranger avant de préparer les terres pour la campagne suivante. On comprend ainsi les négligences, les lenteurs dans l’acheminement de la main-d’œuvre ou des machines. Le « triangle utile » de l’agriculture a pour base la ligne Kaliningrad-Odessa et pour pointe Novossibirsk. Ailleurs, la culture est insulaire, cantonnée dans les clairières de la forêt ou, dans le Midi, confondue avec les îlots et les périmètres d’irrigation. On estime ainsi qu’un dixième au moins du territoire est en culture continue et permanente. Enfin, la chaleur (évaporation et aridité des étés) est un autre trait de la continentalité du climat. L’irrégularité des saisons accentue encore les aléas de l’agriculture pionnière aux limites même du triangle utile.

Continentale, l’U. R. S. S. l’est encore en raison de la barrière de hautes montagnes, qui, dans des positions périphériques, l’enserrent au sud et à l’est, et empêchent l’accès aux mers et aux États riverains du Midi. Montagnes et massifs se disposent en coulisses, allongés de l’ouest vers l’est, séparés par de profonds passages, mais formant souvent des masses compactes et infranchissables. Ainsi, en Asie surtout, de la Caspienne à l’Extrême-Orient, se succèdent des chaînes très élevées de type himalayen : du Kopet-Dag (ou Kopet Dagh) au Pamir, puis à l’Altaï. Les passages de l’Ili et de Djoungarie (Dzoungarie) illustrent, par leurs lacs et leurs marécages, l’indécision des frontières asiatiques.

Plus au nord s’allongent des chaînes plus anciennes, hercyniennes, comme les Saïan, la Baïkalie, les Iablonovoyï et les Stanovoï. Enfin, un troisième type est représenté par les arcs volcaniques de Sakhaline et du Kamtchatka.

Ainsi, les passages avec les pays frontaliers (Iran, Afghānistān, Chine) sont-ils rendus difficiles, parfois impossibles. Mais tout le long de l’immense frontière sino-soviétique se disposent des postes gardés par les frontaliers de l’U. R. S. S. Les courants commerciaux avec la Chine sont devenus insignifiants ; la fermeture de la frontière sino-soviétique témoigne plus encore de l’isolement de l’U. R. S. S. D’autre part, les altitudes des chaînes du Sud ont toujours empêché l’Union soviétique d’accéder soit aux mers chaudes, soit aux richesses pétrolières. Elles ne lui permettent pas de bénéficier d’un vrai climat méditerranéen : la ville de Kouchka, la plus méridionale de l’U. R. S. S., placée sur le même parallèle que Tunis, connaît des étés et des automnes chauds, mais éprouve des températures d’hiver, moyennes et minimales, très basses.

On a donc l’impression d’un État prisonnier des montagnes au sud comme à l’est, ces montagnes comptant parmi les plus hostiles et les plus impénétrables. L’U. R. S. S. apparaît ainsi radicalement coupée de l’Asie, tournée vers le nord plus que vers le midi.

Continentale enfin, l’U. R. S. S. l’est par le gel intense et prolongé de ses côtes. Un géographe, Georges Jorré écrivait jadis : « Quand les mers ne sont pas bloquées par les glaces, elles le sont par le relief et la politique. » Or, les douze mers de l’U. R. S. S. développent plus de 10 000 km de côtes, sur lesquels un seul port, fondé dans un fjord, Mourmansk, est entièrement libre de glaces durant toute l’année (les eaux étant réchauffées par le Gulf Stream et la dérive nord-atlantique). Tous les autres ports, même les ports du Sud, comme Odessa, et même Vladivostok, le « Dominateur de l’Orient », sont pris par le gel au moins trois mois durant l’hiver. Certains ports peuvent être libérés par l’emploi de brise-glace puissants, et ce n’est pas un hasard si l’U. R. S. S. a été le premier pays du monde à prévoir la construction de brise-glace de fort tonnage à propulsion nucléaire. Les autres ports doivent attendre le dégel du printemps : d’Arkhangelsk aux ports de la mer d’Okhotsk, ils sont prisonniers des glaces six mois ou davantage dans l’année. La fameuse Route maritime du Nord, qui relie Mourmansk à Vladivostok, n’est en service que pendant deux à trois mois, en plein été. Le brise-glace Lénine, appelé en renfort, trace un chenal pour un convoi relativement modeste, chargé de bois et de minerais.

On connaît d’autre part les difficultés et les tentatives historiques de la Russie des tsars pour se frayer un passage vers les mers libres, océan Atlantique ou Méditerranée. On remarquera que les extensions de territoire qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont particulièrement visé un but commun : l’accès vers les mers ou les océans plus libres l’hiver. On s’explique ainsi les annexions du port finlandais de Petsamo, sur l’Arctique, de celui de Vyborg, au fond du golfe de Finlande, de celui de Kaliningrad (ex-Königsberg), dégagé de glaces au bord de la Baltique, le plus avancé vers l’ouest, des ports maritimes et fluviaux de la branche du Danube, qui forme la frontière soviéto-roumaine, et enfin, en Extrême-Orient, de la moitié méridionale de l’île de Sakhaline et de l’arc des Kouriles. Ces annexions maritimes ont souvent plus de valeur que celles de territoires qui constituent leur arrière-pays. Elles ne prouvent pas que l’U. R. S. S. est dégagée de tout souci, mais elles montrent qu’elle a tenté de dénouer par places l’anneau de la continentalité.