Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Auvergne (suite)

L’Auvergne présente une grande variété climatique. Les Limagnes ont des étés chauds, des hivers secs, marqués par les inversions de température et les brouillards, une pluviosité modeste (500 mm), des vents du nord fréquents et violents. Les montagnes et les plateaux de l’Ouest ont un régime de tendance océanique : pluies importantes (de 800 à 2 000 mm) et assez bien réparties, enneigement important, hivers rudes, étés frais. L’Est est plus continental : pluviosité moindre (de 600 à 1 300 mm), ensoleillement plus fort, amplitudes de température plus marquées. Aussi, l’Ouest a-t-il une végétation de prairies, de landes et de bosquets de hêtres. L’Est est plus forestier (bois de pins ou de chênes) et a plus de champs.


La population et l’économie

La faible densité de population (51 hab. au km2) s’explique par l’importance de l’émigration : autrefois surtout temporaire et dirigée principalement vers les plaines du pourtour ou l’Espagne (Cantal), elle est devenue permanente et massive au xixe s., vers Paris (surtout dans le Cantal), Saint-Étienne et Lyon (surtout dans le Velay). En même temps, la traditionnelle descente des montagnards de basse Auvergne vers les plaines de l’Allier s’accentuait, surtout vers Clermont-Ferrand. Cependant, le rythme d’évolution de la population varie selon les départements et les milieux géographiques : le Cantal a atteint son maximum en 1836, le Puy-de-Dôme en 1846, l’Allier (grâce aux bonifications agricoles) et la Haute-Loire (grâce à l’industrie rurale) seulement en 1886. Depuis lors, le Cantal et la Haute-Loire n’ont cessé de se dépeupler, l’Allier stagne et le Puy-de-Dôme, après un minimum en 1921, a connu depuis 1946 une remontée importante. Mais l’exode rural continue à sévir avec violence partout, sauf dans la Limagne entre Issoire et Vichy (grâce à la proximité des usines urbaines). Il est surtout important sur les montagnes et les plateaux, mis à part quelques secteurs industrialisés (plateaux d’Yssingeaux, région de Thiers). Il est moindre dans les régions agricoles les plus transformées (Bocage bourbonnais, Châtaigneraie). Par contre, la croissance des villes s’est accélérée depuis peu, mais la population n’est urbanisée qu’à 50 p. 100 (les deux tiers pour la France entière). Les inégalités de répartition se renforcent : 43 p. 100 des habitants de l’Auvergne vivent maintenant dans les plaines de l’Allier ; inversement, les densités sont tombées à moins de 20 et parfois à moins de 15 habitants au kilomètre carré dans le sud du Forez et de la Combraille, dans la Margeride, le Cézallier et une partie du Livradois. Enfin, la natalité est légèrement inférieure à la moyenne française, en partie à cause du vieillissement de la population consécutif à l’émigration, mais la fécondité, déjà modeste, baisse jusque dans les régions les plus solides (Cantal).

Dans le domaine économique, l’agriculture demeure une ressource fondamentale, occupant entre 30 et 50 p. 100 de la population active des divers départements, avec une très nette prédominance des propriétaires exploitants (de 50 à 80 p. 100 de la surface exploitée, sauf dans l’Allier [35 p. 100]) sur les fermiers, le métayage ne gardant une certaine importance qu’en Bourbonnais. Mais elle est très inégalement adaptée aux conditions modernes. Les riches terres noires de la Limagne, remembrées en exploitations de 30 à 60 ha en moyenne, portent des cultures intensives de blé, de maïs, de betteraves et de fourrages, permettant un fort élevage laitier. La Limagne des Buttes, entre Clermont et Issoire, est largement plantée de pommiers. Mais du grand vignoble presque ininterrompu, à la fin du xixe s., de Saint-Pourçain-sur-Sioule au sud de Brioude, sur la bordure occidentale des Limagnes, il ne reste que des lambeaux autour de Saint-Pourçain et de Clermont. Les plaines sableuses et les bas plateaux cristallins du Bourbonnais et de la Combraille vivent d’une économie mixte de champs (céréales, pommes de terre, fourrages) et de prés, qui se partagent à peu près également le sol, avec prédominance du bétail de boucherie charolais dans les revenus paysans. Le massif du Cantal et ses abords, surtout occidentaux, ont un élevage produisant à la fois du lait (pour le fromage) et de la viande (veaux), sur des domaines assez vastes, comportant plus de 60 p. 100 de prés. Mais, si les grandes fermes du bassin d’Aurillac sont prospères, la montagne se vide, et l’estive aux burons décline, comme dans les monts Dore, et se transforme : les vaches laitières vont de moins en moins souvent à la montagne ; souvent on n’y envoie plus que les jeunes bêtes. La chaîne des Dômes et son pourtour ainsi que la Margeride ont de vastes landes où se maintient l’élevage du mouton, à côté de celui des bovins et de maigres cultures de blé, de seigle, d’avoine et de pommes de terre. Si le Devès porte d’assez beaux champs de blé, l’élevage sur prés du Mézenc reste médiocre. Surtout, les plateaux et les massifs cristallins de l’Est (Forez, Livradois, Velay), autrefois très peuplés grâce à une céréaliculture à base de seigle et à la petite propriété, ne parviennent pas à s’adapter. La mécanisation a arrêté l’extension de la friche ; les plantations de résineux, souvent réalisées par des émigrés ou par des spéculateurs urbains, se développent sous forme de petits bois, gênants pour l’agriculture et les remembrements.

Ces régions ont aussi souffert de la disparition de l’artisanat rural traditionnel (textile, outils, sabots), qui y était développé. Il n’y subsiste que la coutellerie de la région de Thiers, la mécanique et le textile des plateaux d’Yssingeaux, dans l’orbite de la région industrielle de Saint-Étienne. Les bassins houillers (424 000 t en 1974), développés au xixe s., sont déjà fermés (Commentry, Buxières, Bert, Champagnac) ou sur le point de l’être (Saint-Eloy, Messeix, Brassac). La région produit environ 1,5 TWh d’électricité, surtout grâce aux barrages de l’ouest du Cantal. La métallurgie montluçonnaise doit se reconvertir vers la mécanique de précision. De plus en plus, l’industrie se concentre dans l’axe de l’Allier, avantagé par ses voies de transport. Ce phénomène s’accompagne de la formation de vastes aires de recrutement d’ouvriers-paysans : celle de Clermont-Ferrand intéresse toute la Limagne centrale (et sa bordure ouest, d’Aigueperse à Issoire), va de Pontgibaud à Lezoux, avec plus de 12 000 migrants par jour. Outre la principale usine française de pneumatiques (Michelin), Clermont a de nombreuses industries mécaniques et alimentaires ; Issoire possède des usines d’aluminium et aéronautiques ; Brioude fabrique du matériel chimique, Vichy, des cycles et des produits métallurgiques variés, Moulins, des grues et du matériel de radio. À l’écart de l’axe de l’Allier, le groupe Montluçon-Commentry produit pneus, compteurs et machines. Quelques usines isolées méritent une mention : aciérie des Ancizes, produits pharmaceutiques de Vertolaye, plastiques d’Ambert, et des Sarraix dans la région de Thiers. Celle-ci, outre les couteaux, produit maintenant des pièces embouties ou découpées pour de nombreuses industries (dont l’automobile) et des couverts en Inox. À leur rôle administratif et commercial, Aurillac (parapluies) et Le Puy* (tanneries) joignent quelques usines. Le tourisme est une des principales ressources régionales : stations thermales de Vichy*, Néris-les-Bains, Bourbon l’Archambault, Royat, Châtelguyon, La Bourboule, Saint-Nectaire, Vic-sur-Cère, Chaudes-Aigues (plus de 260 000 curistes). Deux parcs naturels (Dômes-Dore et Cantal) sont en voie d’équipement. Montagnes et plateaux attirent une nombreuse clientèle populaire, venant de Paris, du Nord, du Nord-Est et, en Velay, de Saint-Étienne, de Lyon et du Midi. Malgré son université et ses administrations, Clermont-Ferrand ne rayonne pas sur toute la région : l’est du Velay regarde vers Saint-Étienne, Aurillac vers l’Aquitaine, Moulins vers Paris, et la région de Montluçon est autonome. Bonnes vers Paris, les liaisons sont insuffisantes avec Lyon, Bordeaux, Limoges et le Midi.

P. B.