Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

Univers (suite)

Conditions d’application

À petite échelle, les galaxies ne sont pas distribuées de façon homogène. Elles se répartissent en petits groupes de 1 à 2 Mpc de diamètre, contenant de six à dix galaxies et séparés les uns des autres par environ 7 Mpc. Le groupe qui contient la Galaxie et Andromède s’appelle le Groupe local. Il existe des groupements plus importants, les amas, rassemblant de 200 à 300 galaxies, comme l’Amas Virgo, ou plus encore. George O. Abell a dénombré, jusqu’à une distance de 800 Mpc, 2 700 amas riches d’un millier de galaxies, tels que l’amas de Coma. Il existe aussi des amas d’amas. Abell en a trouvé dix-sept, groupant en moyenne une dizaine d’amas riches et autant de plus petits, dans un diamètre d’environ 50 Mpc. Néanmoins, le comptage du nombre N de galaxies individuelles observées dans un degré carré de ciel, jusqu’à une magnitude limite m = 18,5, prouve qu’à grande échelle la population est uniforme. C’est ce qu’indique le coefficient 0,6 de la formule obtenue :
log10N = 0,6 m – 9,1.
Dans les comptages de radiosources, des effets évolutifs et relativistes apparaissent, mais la répartition est isotrope jusqu’à une grande distance. À l’échelle des distances considérées, les étoiles individuelles n’interviennent pas. Cependant, leur importance cosmogonique est très grande, en particulier dans l’évolution chimique du contenu de l’Univers. Elles se forment à partir de gaz qu’elles transforment dans leur fournaise centrale, par synthèse thermonucléaire, en éléments gazeux plus lourds, qu’elles rejettent ensuite en partie dans le milieu galactique, à partir duquel se formeront de nouvelles étoiles. Elles ont aussi un grand intérêt physique, car elles permettent l’étude de conditions physiques et d’états de la matière inconnus sur Terre, tels que les très hautes températures, les très faibles densités, l’état hyperdense des pulsars. Les molécules organiques découvertes dans l’espace interstellaire sont d’un intérêt considérable pour les problèmes de la vie ; mais, pour l’étude de la structure de l’Univers à grande échelle, seules sont prises en compte les galaxies qui peuvent être considérées comme les molécules d’un gaz homogène et isotrope remplissant l’Univers. La pression de ce gaz est négligeable, car les vitesses d’agitation des galaxies sont très petites par rapport à leurs vitesses de récession.


Conséquences théoriques

Dans le cadre de la théorie de la relativité générale, la récession des galaxies s’explique par l’expansion de l’Univers lui-même, c’est-à-dire l’augmentation du rayon de courbure en fonction du temps cosmique, les coordonnées des galaxies, appelées coordonnées comobiles, étant fixes dans cet Univers en expansion. Les astrophysiciens ont poussé loin les conséquences théoriques de la relativité générale et prédisent l’existence d’objets étranges qu’on appelle des trous noirs. Puisque, au voisinage d’un astre de masse M, l’espace-temps se courbe d’autant plus que la masse est plus grande, il existe pour cet astre un rayon limite dit rayon de Schwarzschild, qui correspond à une courbure si grande des rayons lumineux que ceux-ci ne peuvent plus quitter l’astre, lequel devient donc invisible. Pour le Soleil, de masse 2 × 1033 g, le rayon limite r0 est de 3 km, alors que le rayon actuel est de 700 000 km ! À l’intérieur du trou noir, le mouvement n’est pas celui d’un objet matériel sur une géodésique, mais l’écroulement de l’espace lui-même.


Modèles d’Univers

À partir des équations d’Einstein, Aleksandr Aleksandrovitch Friedmann (1888-1925) a calculé des modèles d’univers uniformes, à courbure constante, donnant le rayon de courbure R de l’Univers en fonction du temps cosmique t. En réalité, chaque masse courbe l’espace dans son voisinage, et la courbure générale de l’Univers est la résultante de toutes ces courbures. Selon que la courbure est positive, nulle ou négative, l’espace est sphérique, euclidien ou hyperbolique. On peut se représenter, par exemple, un espace sphérique à trois dimensions par la surface d’une sphère à deux dimensions, en supprimant une dimension. Les géodésiques sont des arcs de grands cercles, et le rayon de courbure est égal à celui de la sphère. Si l’on se déplace « en ligne droite », on revient au point de départ sur le cercle ; l’espace est donc fini, mais non borné, car on peut le parcourir en tous sens indéfiniment sans jamais rencontrer de limite. La somme des angles d’un triangle y est supérieure à π, tandis que la circonférence y est inférieure à 2 π fois le rayon. Si l’espace est sphérique, le rayon de courbure R(t) oscille au cours du temps de façon cycloïdale en passant par des points singuliers, où il est voisin de zéro. Si l’espace est hyperbolique, le rayon R décroît du temps t = – ∞ à t = 0, puis augmente indéfiniment de t = 0 à t = + ∞. Si l’espace est euclidien, le rayon R est un paramètre d’échelle qui varie comme t2/3. C’est le modèle d’Einstein-de Sitter le plus simple. La notion de distance perd son sens pour les grandes distances puisque, entre l’instant où la lumière part d’un astre lointain et l’instant où elle nous arrive, le rayon de l’Univers a varié ; la seule notion bien définie qui situe vraiment un astre « en profondeur » est son décalage spectral z. Celui-ci permet de calculer, dans les divers modèles, le temps de trajet des photons, ce qui donne l’époque où un astre était dans l’état où il est observé. Pour une valeur de z infinie le temps de trajet atteint une valeur limite égale à l’âge de l’Univers.


Choix du modèle à partir des observations

Ces modèles permettent d’interpréter un résultat important obtenu par M. Ryle par dénombrement de radiosources jusqu’à de grandes valeurs de z. En fonction de la magnitude apparente radioélectrique mr de ces objets, le dénombrement N ne suit pas la loi de distribution uniforme en 0,6 mr, mais une loi d’abord plus rapide en 0,75 mr pour les sources intenses, puis plus lente et qui tend à la limite d’observation vers une loi en 0,3 mr. Ce plafonnement final s’explique par un effet relativiste d’horizon cosmologique : lorsque la vitesse de récession d’un astre lointain devient proche de la vitesse de la lumière par rapport à la Terre, il y a compétition entre vitesse de récession et vitesse des ondes émises. La forte croissance en 0,75 mr suivie d’un ralentissement s’interprète par un effet évolutif : la magnitude apparente est un nombre d’autant plus grand que l’intensité de la source est plus faible, c’est-à-dire plus éloignée ; la source apparaît dans l’état où elle était il y a des milliards d’années, à l’époque où elle a émis le rayonnement reçu aujourd’hui sur la Terre. Cela concerne surtout les quasars, qui apparaissent comme ayant existé en bien plus grand nombre dans le passé et durant une période transitoire liée à l’état primordial de l’Univers. Une autre découverte importante survenue en faveur des modèles de Friedmann, appelés modèles explosifs, qui ont un point singulier, initial, correspondant à un état originel très condensé, très chaud de l’Univers : le rayonnement thermique cosmologique. Observé maintenant sur plusieurs longueurs d’onde, ce rayonnement se présente comme celui d’un corps noir de 2,7 ± 0,1 K, isotrope, comme si la Terre était plongée dans un four parfait ayant cette température. Il prouve que l’Univers a connu un état condensé très chaud, qui s’est refroidi, jusqu’à la température actuelle, au cours de l’expansion. De plus, il fournit une donnée à introduire dans les équations de la relativité générale. Pour choisir parmi les divers modèles explosifs celui qui correspond à l’Univers réel, on dispose de trois données :
1o la valeur actuelle H0 de la constante d’expansion de Hubble ;
2o la densité actuelle ρ0 de l’Univers, estimée à 3 × 10–31 g/cm3, mais avec une grande incertitude, car, par exemple, on ignore encore s’il existe une densité très faible d’hydrogène ionisé entre les galaxies ou des trous noirs denses de matière, invisibles, qui seront peut-être détectables par les ondes de gravitation produites par leurs déplacements :
3o l’âge de l’Univers, estimé à 12 ± 3 milliards d’années d’après l’âge des amas globulaires d’étoiles de la Galaxie qui se sont formées très tôt.