Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tyrol (suite)

En 1945, le Tyrol, occupé par la Ier armée française, retrouva son administration autonome à l’intérieur de la République autrichienne, tandis que les Anglo-Saxons songeaient à restituer à l’Autriche la région de Bolzano. Pourtant, le point de vue italien, qui s’appuyait sur les investissements faits entre 1919 et 1939 et sur les progrès du groupe ethnique italien, finit par triompher à la conférence de la paix en 1947. L’article 10 du traité de paix avec l’Italie l’obligea cependant à garantir la libre circulation des biens et des personnes entre les régions de Lienz et d’Innsbruck et prit note de l’accord austro-italien du 5 septembre 1946 ; celui-ci promit la complète égalité des droits aux deux groupes ethno-linguistiques et envisagea la constitution d’une région autonome du Haut-Adige. Si le point de départ juridique était meilleur qu’en 1919, le résultat pour la minorité germanophone fut sensiblement le même. Le Haut-Adige, augmenté de la province de Bolzano et de celle de Trente, forme depuis février 1948 la région « autonome » du Trentin-Haut-Adige*, qui a d’une part fort peu d’autonomie et où d’autre part l’élément italien est prépondérant.

En fait, la langue allemande a pu se maintenir dans les communes rurales, mais le bilinguisme n’est guère respecté dans les villes, où dominent les fonctionnaires italiens. En 1960, l’Autriche portait l’affaire devant l’Assemblée générale des Nations unies, tandis que les gouvernements de Vienne et de Rome engageaient des négociations. En 1966, celui-ci s’engageait à respecter les accords de 1946. En réalité, le temps travaille contre l’élément germanophone rural et montagnard. Ainsi, le Tyrol risque fort d’être ramené dans une ou deux générations à sa partie autrichienne et septentrionale ; en attendant, la question du Tyrol méridional empoisonne les relations austro-italiennes.

J. B.

➙ Autriche / Innsbruck / Italie / Trentin-Haut-Adige.

 H. Schreiber, Tyrol (Horizons de France, 1958). / R. de Castillon, le Problème du Sud-Tyrol (Pedone, 1960). / A. Fenet, la Question du Tyrol du Sud, un problème de droit international (L. G. D. J., 1968).

Tzara (Tristan)

Écrivain français d’origine roumaine (Moineşti, Roumanie, 1896 - Paris 1963).


Malgré les quelques poèmes qu’il écrivit dans sa langue maternelle, il semble avoir pris naissance à Zurich (1916), où il était venu poursuivre ses études. En compagnie de Hugo Ball, de Richard Huelsenbeck, de Marcel Janco, de Hans Arp, il invente « dada ». Dada* est le produit de la réunion d’hommes convaincus de la nécessité d’un changement radical — intellectuel, social, artistique — dénonçant dans le même temps le marasme de la guerre et l’écroulement des valeurs de la société occidentale. Le rôle de Tzara fut déterminant : il donna à dada non seulement le nom, mais surtout le stimulus indispensable pour qu’il soit absolument immodéré. Dada ne devait pas se conformer à une idée qui soit différente de la liberté absolue, totale. Dès la parution de Dada 3, Tzara prend l’initiative non seulement de la revue, mais du groupe, qu’il anime avec une vitalité inépuisable. Malgré la dissolution de l’équipe zurichoise (fin 1919), Tzara assure la continuité de dada en l’exportant à Paris.

Dans cette première partie de sa vie, Tzara fut le dadaïste intégral, ne mesurant aucun de ses efforts pour être délibérément fou, dadaïsant dans la vie et donnant une œuvre digne de dada : les Aventures de M. Antipyrine, parues en 1916, auxquelles succéderont les Vingt-Cinq Poèmes (1918) disloquant également les idées, les associations d’idées les plus consacrées. Parallèlement, le langage éclate dans l’incohérence la plus exemplaire, donnant des sons (drrr... drrr... grrr... grrr...) bizarres, des images inattendues (« cendrier pour fumeurs d’algues et de filtres interrègnes »), des comparaisons étranges (« Les échelles montent comme le sang ganga »), inventant des expressions apparemment gratuites (« sériciculture horizontale des bâtiments palégoscopiques ») ou dont la signification, sinon ludique ou parodique, n’est pas directement perceptible.

Par son activité incessante, une frénésie inépuisable, une verve intarissable, Tzara exercera une influence considérable aussi bien à Zurich qu’à Paris, où il débarque au début de l’année 1920, attendu comme le Messie : « Enfin Tristan Tzara vint » (Soupault). Le groupe Littérature, animé par Breton*, avait été régulièrement informé des activités zurichoises. Et lorsque Tzara vint, un mythe prit réalité : « Nous fûmes quelques-uns qui l’attendîmes à Paris comme s’il eût été cet adolescent qui s’abattit au temps de la Commune sur la capitale dévastée » (Aragon). « Monsieur Dada » précise le ton de la revue Littérature, qui devient franchement dada. Tzara entraîne le groupe à organiser des manifestations identiques à celles de Zurich. Mais, bientôt, en 1922, Breton, lassé par le jusqu’au-boutisme de Tzara, en qui il avait cru reconnaître Jacques Vaché, se sépare de ce partenaire un peu trop exubérant et encombrant.

Cette rupture n’empêche pas Tzara de poursuivre sa voie, en solitaire, cette fois... En 1924, il fait paraître les Sept Manifestes dada, qui réunissent les textes lus dans les différentes manifestations de Zurich et de Paris ou ceux qui ont été publiés dans la revue Dada. Ces manifestes font le point sur l’activité négatrice de dada tant sur le plan littéraire que sur celui du vécu, les deux niveaux étant inséparables. Dada ne signifie rien. Il suscite seulement la spontanéité. Il manifeste son dégoût, et de la façon la plus virulente, pour les fondements de la société et, plus particulièrement, pour la logique, « danse des impuissants de la création ». Dada s’insurge contre le respect des hiérarchies, qui empêche à la liberté de s’accomplir. Car dada est avant tout liberté, liberté de la liberté et rend compte, avec une hargne obstinée, des entraves qui la ligotent : « Hurlements de douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : la vie. »