Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Turin (suite)

Les fonctions actuelles sont variées. Le rôle tertiaire est bien développé grâce à l’administration provinciale et régionale, à l’université, aux banques (Istituto San Paolo di Torino) et au mouvement touristique. Mais l’industrie l’emporte de loin. Le secteur mécanique est essentiel, avec la construction automobile (plus de 90 p. 100 de la production italienne). La Fiat, qui, en 1969, a absorbé Lancia et pris une participation chez Ferrari, est un énorme organisme produisant des voitures particulières, des véhicules industriels, du matériel ferroviaire, de gros moteurs, des avions. Sa puissance imprègne toute la vie de la cité, car ses réalisations dans le domaine social et ses nombreuses participations (par exemple, le journal turinois La Stampa lui appartient) rythment le développement urbain. Son chiffre d’affaires pour le seul secteur automobile dépasse 1 500 milliards de lires. Une foule d’industries gravite autour de la Fiat. La fabrication d’accessoires (roulements à billes, de la RIV-SKF), de machines-outils, la carrosserie (Pininfarina et Viberti), le matériel électrique (Philips, Savigliano) sont directement dépendants de l’automobile, comme les productions de pneus (Michelin, CEAT, Pirelli), de matières plastiques, de vernis et peintures. Mais les vieilles industries traditionnelles ont été régénérées par ce succès. Si le travail textile est en crise, la confection est florissante, de même que la haute couture, dont Turin est un centre essentiel. Il en va de même pour la fabrication des machines graphiques (Nebiolo), pour l’imprimerie et l’édition (ILTE, UTET), pour la parfumerie (L’Oréal), pour la chocolaterie et la fabrication d’apéritifs (Cinzano).

Ces activités ont suscité de forts mouvements migratoires, dont le rayon s’étend à toute l’Italie. La ville est passée de 173 000 habitants en 1861 à 720 000 en 1951. Puis, en vingt ans, elle a fait un bond de près de 500 000 personnes, dû, pour plus de la moitié, aux apports migratoires. Tout cela transforme totalement son visage. L’ancien castrum romain, dans l’immédiate proximité du palais Royal, déroulait son plan quadrangulaire. Les agrandissements ultérieurs se sont faits en conservant ce plan. Le centre actuel, austère et élégant, tend à rassembler les fonctions tertiaires, même si, dans ses immeubles les plus anciens, les immigrés méridionaux s’entassent. Vers l’est, au-delà du Pô, l’urbanisation de la colline est lente, car les terrains sont chers : c’est un quartier de villas. Par contre, dans les autres directions, habitations et usines s’étendent. Les industries se sont d’abord installées au nord, le long de la Doire (textiles). Elles se sont par la suite étendues vers la Stura di Lanzo (mécanique, chimie) et aux abords de l’autoroute de Milan. L’ouest et le sud de la ville ont fixé nombres d’usines Fiat (notamment les usines Lingotto et Mirafiori). Parallèlement, les quartiers d’habitation prolifèrent, vers le sud surtout. Du reste, le mouvement investit toutes les communes alentour (Settimo, Chivasso, Collegno, Rivoli, Grugliasco, Nichelino, etc.). Une « ceinture » industrielle et urbaine tend à entourer Turin (sauf à l’est), et elle s’épaissit. Cela pose de sérieux problèmes de circulation dans la ville, de transport dans la région à cause des migrations alternantes. Des réalisations hardies se font jour (rocade autoroutière), et l’on essaie de mettre en place des structures nouvelles de gestion (plan intercommunal). Mais, pour l’heure, en dépit de ces problèmes, cette grande cité industrielle a su conserver beaucoup de charme.

E. D.


L’histoire

C’est sur le site, sans doute, de l’ancienne Taurasia, cité du peuple celto-ligure des Taurini, détruite en 218 av. J.-C. par Hannibal, qu’Octave (Auguste) fonde la colonie romaine Augusta Taurinorum.

Après la chute de l’Empire romain, la cité traverse une période obscure, dont l’histoire retient cependant la personnalité de l’évêque saint Maxime (ve s.). Capitale d’un duché lombard au vie s., sous l’occupation carolingienne, elle est confiée à un comte. Érigée en marche par Bérenger (milieu du xe s.), elle échoit par mariage, avec ses dépendances de Suse, d’Ivrée et de Pignerol, à la maison de Savoie (1048). Après le démembrement de la marche, elle lutte pour acquérir une certaine indépendance politique, mais doit définitivement se soumettre à la maison de Savoie en 1280. Inlassablement, celle-ci va lutter pour consolider son État, l’accroître aux dépens des potentats voisins, puis œuvrer pour l’unification du Piémont et finalement de l’Italie.

En 1418, sous Amédée VIII, Turin devient la capitale de la Savoie devenue duché. Ce n’est encore qu’une petite ville, peu différente de l’ancienne cité romaine, mais dont la population va rapidement s’accroître au cours du xvie s. De grands travaux de fortifications sont terminés en 1566 sous Emmanuel-Philibert Ier (duc de 1553 à 1580) ; la ville se couvre de superbes édifices, qui constituent un très bel ensemble baroque. Victor-Amédée Ier (1630-1637), Charles-Emmanuel II (1638-1675) et Victor-Amédée II (1675-1730), qui prend en 1720 le titre de roi de Piémont-Sardaigne, contribuent à son embellissement. Mais c’est surtout le roi Charles-Emmanuel III (1730-1773) qui y fera preuve de sa magnificence : Montesquieu pourra glorifier l’œuvre de ce roi philosophe, qui, selon lui, a fait de Turin « le plus beau village du monde ».

Au cours des conflits qui opposent la Savoie à la France, les princes savoyards jouent le plus souvent la carte autrichienne ou espagnole ; son rôle de « portier des Alpes » vaut à la ville nombre de vicissitudes. Les Français occupent Turin de 1536 à 1562 et l’assiègent à deux reprises, en 1640 puis, au cours de la guerre de la Succession d’Espagne, en 1706. Encerclée de mai à septembre et soumise à un bombardement intense, la ville n’est délivrée qu’après la victoire du Prince Eugène sur Philippe d’Orléans (7 sept. 1706). Elle est conquise de nouveau en 1798 ; elle est annexée à la France par Bonaparte qui en fait, de 1802 à 1814, le chef-lieu du département français du Pô. En 1814, elle revient à la maison de Savoie et, durant toute la première moitié du xixe s., elle joue un rôle important dans le mouvement du Risorgimento*, qui contribue à la réalisation de l’unité italienne ; en 1861, elle devient la capitale du nouveau royaume d’Italie.