Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Turgot (Anne Robert Jacques) (suite)

Au cours des mois suivants, le contrôleur général prend plusieurs décisions, tout en préparant six importants édits. La création de la régie des Messageries doit améliorer la circulation des voitures. Le commerce du vin, réservé aux producteurs de Bordeaux et de Marseille, est désormais libre dans ces deux régions. Différents métiers bénéficient de l’allégement de certaines charges et de la modification de règlements. Au même moment, le contrôleur général renouvelle ses tentatives pour faire des économies ; l’Assemblée du clergé vote en juillet 1775 un don gratuit augmenté ; en revanche, malgré la nomination de Malesherbes comme secrétaire d’État à la maison du roi, Turgot ne réussit pas à limiter les dépenses de la Cour. Après une longue préparation, les six édits sont présentés en janvier 1776 ; le premier, consacré à la police des grains, réorganise l’approvisionnement de Paris ; les frères Leleu s’engagent, dans un contrat signé avec le roi, à avoir en permanence une réserve de 25 000 sacs de farine de 325 livres chacun ; ces stocks doivent être mis sur le marché parisien si celui-ci tombe au-dessous de 25 000 sacs. Complétant cette mesure, un édit supprime tous les offices des quais, halles et ports. Autre décision : la caisse de Poissy et de Sceaux, qui centralisait les ventes d’animaux dans la région de Paris, est remplacée par une taxe perçue sur le bétail entrant dans la capitale.

Les trois derniers édits s’appliquent à tout le royaume ; l’un d’entre eux établit la liberté du commerce des suifs. Un autre substitue aux corvées de route (entretien et construction) un nouvel impôt payé par tous, taillable ou non. Enfin, le contrôleur général propose la suppression de toutes les corporations, sauf quatre : celles des barbiers-perruquiers, des pharmaciens, des orfèvres et des imprimeurs. Ces deux derniers édits allaient soulever l’hostilité du monde parlementaire. Le parlement de Paris enregistre l’édit supprimant la caisse de Poissy et de Sceaux mais il refuse de sanctionner les autres ; selon la coutume, les Chambres remettent, le 4 mars, à Malesherbes le texte des remontrances ; celles-ci critiquent l’abolition des corporations et des corvées ainsi que le paiement par les nobles du nouvel impôt. Louis XVI, favorable aux projets de Turgot, réunit, le 12 mars 1776, un lit de justice, au cours duquel le parlement enregistre les édits. Mais l’opposition des parlementaires a surpris le roi. « L’affaire de Guines » contribue à ruiner totalement sa confiance en Turgot.

Adrien Louis Bonnières de Souastres, comte de Guines, ambassadeur de France en Angleterre, avait pris des initiatives diplomatiques imprudentes, compromettant les bonnes relations franco-anglaises. Poussé par Turgot, Louis XVI décide de rappeler et de remplacer le diplomate maladroit. Mais Marie-Antoinette n’accepte pas cette décision qui frappe l’un de ses protégés. Soutenue par Maurepas et par le parti de Choiseul, elle veut obtenir une vengeance complète : la réhabilitation du comte de Guines et la chute de Turgot. Pressé par son entourage, le roi se détache de plus en plus de son ministre ; il est surtout impressionné par la poursuite de l’opposition parlementaire aux décisions prises le 12 mars et par la démission de Malesherbes ; ces événements prouvent, à ses yeux, l’échec de la politique du contrôleur général. Après plusieurs semaines d’hésitation, Louis XVI cède aux pressions qui viennent de toutes parts ; le 12 mai, Marie-Antoinette obtient un brevet de duc pour de Guines ; le jour même, Turgot est prié de rendre son portefeuille et de s’éloigner de Versailles ; il quitte la cour sans avoir revu le roi. Son œuvre économique et financière est rapidement abandonnée par ses successeurs au cours des mois suivants : les corvées et les corporations sont, par exemple, rétablies dès le mois d’août 1776.

Pendant les cinq dernières années de sa vie, Turgot, aigri ou usé par son échec, ne réalise pas la synthèse ou la mise au point de ses théories économiques ; il consacre son temps à d’autres activités intellectuelles : en particulier, la traduction de poèmes latins. Atteint par la maladie (des calculs au foie), il meurt le 20 mars 1781.

J.-Y. M.

➙ Limousin / Louis XVI.

 F. Alenguy, Turgot, homme privé, homme d’État (Charles-Lavauzelle, 1942). / C. J. Gignoux, Turgot (Fayard, 1945). / E. Faure, la Disgrâce de Turgot, 12 mai 1776 (Gallimard, 1961). / J. Papon, Turgot et le droit au travail dans la première moitié du xixe s. (thèse, Paris, 1961).

Turin

En ital. Torino, v. d’Italie, capit. du Piémont* ; 1 200 000 hab. (Turinois).



La géographie

Son rôle important et précoce s’explique par sa position géographique. Son site primitif sur une basse terrasse proche du confluent du Pô* et de la Doire Ripaire (Dora Riparia) correspond à une situation de carrefour. La plaine piémontaise se réduit ici à un couloir de 12 km de large entre le front des Alpes, les collines morainiques de Rivoli et les collines de Turin, pointe avancée du Montferrat (Monferrato). Dans le cadre de l’Italie, Turin se trouve pourtant quelque peu excentrée, mais elle a su pallier cet inconvénient par la construction de liaisons commodes, ferroviaires, autoroutières (vers Gênes, Milan, les tunnels du Grand-Saint-Bernard, du Mont-Blanc) et aériennes (aérodrome de Caselle).

Sa vocation industrielle est récente. Des siècles durant, sa fonction fut d’abord politique et militaire. La politique obstinée des souverains piémontais devait aboutir à faire de Turin la capitale du nouvel État italien (1861). Pendant cette longue période, la ville se donna les activités d’une capitale politique. La perte de cette fonction, en 1865, fut un coup très rude porté à sa prospérité. Mais, bien vite, l’essor de l’industrie électrique assurait à Turin une énergie abondante et à bas prix, facteur de renouveau. Pardessus tout, la fondation de la Fiat (1899) et sa réussite éclatante dans le domaine automobile allaient redonner à la ville sa richesse.