Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Turenne (Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de)

Maréchal de France (Sedan 1611 - Sasbach 1675).


Il naît dans une famille d’ardents calvinistes. Son père, Henri de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, ayant épousé Élisabeth de Nassau, Turenne est par sa mère le petit-fils de Guillaume le Taciturne.

L’enfant perd son père de bonne heure (1623) et, malgré sa faible constitution, il embrasse la carrière militaire. Dès l’âge de quatorze ans, il passe en Hollande pour y apprendre le métier des armes sous la direction de ses oncles, Maurice et Frédéric-Henri de Nassau. À partir de 1625, il sert comme simple soldat d’abord sous les ordres de Maurice de Nasseau — un des plus grands hommes de guerre de son temps et qui avait lutté contre la domination espagnole —, puis, après la mort de ce dernier, sous ceux de son autre oncle, Frédéric-Henri. Officier, il participe aux diverses campagnes menées contre les troupes espagnoles du marquis Ambrogio de Spinola, et se distingue devant Bois-le-Duc (1629).

Il y apprend la stratégie et principalement la science des sièges, primordiale à cette époque. En 1630, Richelieu le prend au service de la France et le nomme colonel d’un régiment d’infanterie. Turenne débute en Lorraine, sous le commandement du maréchal de La Force, par une action d’éclat qui permet de s’emparer du fort de la Mothe et lui vaut des galons de maréchal de camp (1635).

Aux côtés du cardinal de La Valette (1593-1639), il prend part aux campagnes de la guerre de Trente* Ans. S’il ne peut délivrer Mayence (1635), il sauve l’armée grâce à une retraite exemplaire à travers les Trois-Évêchés ; l’année suivante, il s’empare de Mayence, où il est grièvement blessé. Il contribue ensuite à la prise de la ville de Landrecies (1637).

Il sert un moment sous les ordres du duc Bernard de Saxe-Weimar et participe à la chute de Brisach (1638). Après la mort du duc (1639), il est envoyé en Italie, où il remporte des succès à Casale et à Turin ; la prise de cette ville, en septembre 1640, lui acquiert une grande réputation. En 1642, il obtient le brevet de lieutenant général.

En 1642, il fait sous Louis XIII la campagne du Roussillon. À son retour à Paris, Richelieu lui propose d’épouser sa nièce. Sa faveur et son prestige étaient si grands que, malgré son refus — dû à la différence de religion —, malgré son calvinisme et la compromission de son frère aîné, le due de Bouillon, dans la conspiration de Cinq-Mars, Turenne reçoit le bâton de maréchal de France en 1643, à l’âge de trente-deux ans.

Mazarin lui confie (déc. 1643) le soin de réorganiser l’armée d’Allemagne, où il coopère avec un autre grand capitaine, le duc d’Enghien, le jeune vainqueur de Rocroi. Turenne ne peut, toutefois, pénétrer en Souabe et est battu à Marienthal (mai 1645) par le maréchal Mercy (v. 1590-1645). Mais il reprend l’offensive, remporte avec Enghien la victoire de Nördlingen (3 août 1645) et s’empare de Trèves.

Au cours des deux années suivantes, ses habiles manœuvres réussissent à séparer les armées de l’empereur de celles de l’Électeur de Bavière. Aussi les belligérants finissent-ils par demander un armistice qui aboutit aux traités de Westphalie (1648) qui arrêtent l’armée de Turenne alors qu’elle se disposait à marcher sur Vienne.

Durant la Fronde*, Turenne, se laissant entraîner par son frère et par sa passion pour la duchesse de Longueville, combat aux côtés des Espagnols les troupes royales, après l’arrestation des princes en janvier 1650. Battu à Rethel le 15 décembre 1650, il se rallie ensuite à la reine mère après le départ de Mazarin pour l’exil et devient le général du parti de la Cour contre les Frondeurs, qu’il bat successivement à Bléneau (avr. 1652) et au faubourg Saint-Antoine à Paris (2 juill. 1652). En octobre, la capitale ouvre ses portes au roi.

Turenne poursuit le combat contre les armées espagnoles et Condé*. Ses brillantes victoires à Arras (1654) et aux Dunes (14 juin 1658) obligent le roi Philippe IV d’Espagne à signer la paix des Pyrénées (1659). Aussi, en reconnaissance de services aussi éclatants, il reçoit le titre de maréchal général des camps et armées du roi en avril 1660.

Cette haute dignité lui est accordée malgré son attachement au protestantisme et son absence d’esprit de servilité. Ami des magistrats du parlement de Paris, mal vus de Louis XIV, Turenne peut déclarer à Lefèvre d’Ormesson qu’« il s’était seul maintenu en état de dire au roi bien des vérités, que d’autres n’osaient dire, étant rampants misérablement ».

Turenne s’était marié en 1651 avec une protestante, Charlotte de Caumont. Bossuet entreprit de le convertir ; en octobre 1668, Turenne embrassera le catholicisme, privant par là ses coreligionnaires d’un de leurs plus puissants protecteurs.

Durant la guerre de Dévolution (1667-68), il prend en mai 1667 le commandement d’une armée de 50 000 hommes concentrés en Picardie et sert de mentor à Louis XIV, qui vient « apprendre sous ce maître le métier de la guerre ». Il prend Charleroi et Tournai au cours d’une véritable promenade militaire, qui se termine par la prise d’Alost.

La guerre de Hollande (1672-1678) n’est pas aussi aisée, mais elle lui fournit l’occasion d’atteindre les sommets de son art au cours de la célèbre campagne d’hiver en Alsace (1675).

En 1672, Turenne reçoit le commandement d’une armée de 80 000 hommes massés à Charleroi ; avec elle, il participe à l’invasion des Pays-Bas. Puis, les princes allemands s’étant ligués contre la France, il est envoyé sur le Rhin défendre les alliés de Cologne et de Münster. Il reconstitue l’armée d’Allemagne durant l’hiver de 1672-73 et il s’efforce de contenir les Impériaux sur le Rhin. Il ne peut, cependant, empêcher la jonction de l’armée impériale avec celle du prince d’Orange, mais il bat l’armée du maréchal Montecuccoli (1609-1680) à Sinzheim (juin 1674) et la rejette derrière le Main. L’incendie du Palatinat ne peut, pourtant, empêcher les Impériaux d’envahir l’Alsace (oct. 1674) : Turenne, avec une armée inférieure en nombre, doit battre en retraite et se replier derrière les Vosges.