Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tudors (les) (suite)

• Le complot Stafford-Lovell. Mais le parti yorkiste s’était ressoudé : il pouvait s’appuyer sur l’Irlande, où la toute-puissance de la famille yorkiste des Fitzgerald (comtes de Kildare et de Desmond) éclipsait les Butler (comte d’Ormonde) lancastriens, et sur la Flandre, grâce à l’action de la duchesse douairière de Bourgogne, Marguerite d’York, sœur d’Édouard IV. Les principaux leaders qui avaient échappé au massacre de Bosworth, lord Francis Lovell, Humphrey et Thomas Stafford, se soulevèrent au printemps de 1486 autour du formidable château de Middleham (Yorkshire), résidence préférée de Richard III. Mais Jasper Tudor surprit les révoltés par la rapidité de sa réaction et les dispersa sans coup férir. Lovell s’enfuit, mais les Stafford furent pris et l’aîné, Humphrey, exécuté. En septembre 1486 naissait le premier fils d’Henri, auquel on donnait le prénom celtique et légendaire d’Arthur : la nouvelle monarchie paraissait solidement établie.

• Le complot Simnel. Pourtant, dès le début de 1487, on apprenait qu’Édouard, comte de Warwick, rameutait les fidèles de la rose blanche en Irlande : en réalité, le vrai Warwick (il s’agissait du fils du duc de Clarence, frère d’Édouard IV et de Richard III), un adolescent, était depuis 1485 enfermé à la Tour de Londres ; le Warwick irlandais n’était qu’un imposteur, Lambert Simnel, derrière lequel se profilaient les grands leaders yorkisles, Lovell, les Fitzgerald et surtout John de la Pôle, comte de Lincoln, qui, de par sa mère, avait lui aussi des prétentions à la couronne. Grâce à l’aide de Marguerite de Bourgogne, Lovell et Lincoln purent lever une armée de lansquenets commandée par un capitaine réputé, Martin Schwarz ; de Flandre, ils passèrent en Irlande, où les Fitzgerald leur amenèrent leurs hommes. C’était donc une armée considérable qui débarquait en juin sur les côtes du Lancashire pour rejoindre les yorkistes du nord de l’Angleterre, levés par sir Thomas Broughton. Mais, là encore, la rispote d’Henri fut prompte : il avait eu le temps de lever une armée nombreuse, bien commandée par Jasper Tudor et John de Vere : le 16 juin, les rebelles étaient écrasés près de Stoke-on-Trent (la « dernière bataille de la guerre des Deux-Roses »). Lincoln, Broughton et Schwarz furent tués, et Lovell périt noyé durant sa fuite. Quant à Lambert Simnel, il devint marmiton dans les cuisines royales... Les Fitzgerald étaient pardonnes, mais leur puissance abaissée. Un second Parlement (fin de 1487) permettait au souverain de commencer la réorganisation de son royaume.

• Perkin Warbeck. Ce nouvel imposteur apparut lui aussi en Irlande : il s’agissait du fils d’un bourgeois de Tournai qui se faisait passer pour Richard d’York (le plus jeune des enfants d’Édouard IV, assassiné par Richard III), à l’instigation sans doute de Marguerite de Bourgogne. La supercherie eut peu d’échos en Angleterre et même en Irlande : Warbeck fut surtout un pion dans la politique extérieure des adversaires d’Henri VII, une sorte d’arme de réserve. Réfugié en France, il passa après le traité d’Étaples (1492) en Flandre, où se nouèrent autour de lui divers complots yorkistes, dont celui qui aboutit à l’exécution de sir William Stanley (beau-frère de Marguerite Beaufort, c’est lui qui avait ramassé la couronne de Richard III, au soir de Bosworth, pour en couronner Henri VII). En juillet 1495, avec l’aide d’une flotte flamande, il tenta de débarquer près de Deal ; de là, il passa en Irlande, où la reprise en main du pays par l’énergique sir Edward Poynings avait créé de vifs mécontentements. Les Fitzgerald firent mine de prendre son parti : mais l’habileté d’Henri VII déjoua les plans de Warbeck : il se réconcilia avec le chef des Fitzgerald, Gerald le Grand (Garret Mór), comte de Kildare, lui rendit toutes ses prérogatives ; Kildare lui-même se chargea de pacifier l’Irlande, et, dès novembre 1495, Warbeck passa en Écosse.

Le roi d’Écosse Jacques IV Stuart était animé d’intentions offensives à l’égard de l’Angleterre : après avoir fait une réception triomphale à Warbeck, il lui fit épouser sa cousine Catherine Gordon et, à l’automne de 1496, l’aida à monter une invasion de l’Angleterre : mais aucun Anglais ne vint se ranger sous l’étendard du « duc d’York », et Jacques IV ne songea plus dès lors qu’à se débarrasser de Warbeck. Précisément, la riposte d’Henri VII, préparée par le Parlement de 1487, qui accordait d’importants subsides au roi, fut retardée par une révolte de la Cornouailles, accablée d’impôts : ses habitants, menés par lord Audley, Michael Joseph et Thomas Flammock (ou Flamank), marchèrent sur Londres, où Daubeney les tailla en pièces, faisant mettre les meneurs à mort (1497). Warbeck débarqua alors en Cornouailles, essayant de regrouper les débris de l’armée rebelle. Il alla mettre le siège devant Exeter, mais, pris entre l’armée de Daubeney et la flotte de lord Willoughby, il n’eut d’autre issue que de se rendre et de confesser sa supercherie. Il ne sera exécuté qu’en 1499, en même temps que le malheureux comte de Warwick.

Un seul homme montrera par la suite quelques velléités de révolte : Edmond de la Pole, comte de Suffolk, frère du comte de Lincoln, tué à Stoke. Il s’enfuit à deux reprisés aux Pays-Bas, mais Philippe le Beau, ayant été jeté par une tempête sur la côte d’Angleterre, fut obligé de le remettre à Henri. Henri VIII le fera exécuter en 1513. Au total, on peut constater que ces diverses révoltes ont suscité un faible écho dans l’opinion anglaise, assoiffée de paix civile. Il faut aussi remarquer l’efficacité d’Henri VII, totalement dénué de scrupule (retournement en faveur de Kildare en 1495, maniement constant des agents doubles et des provocateurs). Néanmoins, l’importance de ces complots ne doit pas être sous-estimée, car ils ont pesé lourdement sur la politique extérieure du souverain, qui, pour pouvoir jouer un rôle important en Europe, devait apparaître comme parfaitement assuré sur son trône.