Truman (Harry S.) (suite)
Plus libre de ses mouvements, le président inaugure la période du « Fair Deal », qui correspond au réveil du progressisme social. Il fait adopter une législation sur les loyers et les logements, qui satisfait les plus démunis. Si tous ses projets d’assistance sociale et économique ne passent pas, s’il n’obtient pas d’abrogation de la loi Taft-Hartley, il convainc le Congrès de voter des crédits supplémentaires pour les fermiers, la Tennessee Valley Authority et les personnes déplacées qui gagnent les États-Unis. Contrairement aux prédictions de certains économistes et des marxistes, les États-Unis ont connu une prospérité continue, et, malgré les protestations des conservateurs, qui crient au socialisme — notamment lorsque le gouvernement fédéral s’emploie à mettre en place une législation d’assistance médicale —, la tradition de l’État providence, née au temps de Roosevelt, s’implante définitivement. Le sort des Noirs s’améliore : Truman, qui dans les années 1920 avait lutté contre le Ku Klux Klan, est un farouche défenseur des droits civiques égaux pour tous. Sur un point, toutefois, il fait courir à son pays les pires dangers : stimulée par l’extension de la guerre froide, la campagne du sénateur McCarthy (1909-1957) se déclenche en 1950 ; elle vise à supprimer les influences communistes. Truman laisse faire ; les attaques ne tardent pas à toucher le parti démocrate, accusé de mollesse, voire de complicité.
Truman, pourtant, est le président de la guerre froide. Très rapidement, il est parvenu à la conclusion qu’une entente avec l’Union soviétique serait impossible. Il convient donc que les États-Unis accroissent leur potentiel atomique : la première bombe a explosé en août 1945 ; la bombe à hydrogène est fabriquée à partir de 1950 et produite en 1952. L’Amérique soutient les pays qui luttent contre l’expansion communiste : c’est le cas en Grèce, pour laquelle Truman définit sa politique d’aide au début de 1947 ; c’est le cas de la Chine, où Tchang Kaï-chek reçoit jusqu’en 1947-48 l’appui des Américains ; c’est le cas, enfin, de la Corée du Sud, attaquée en juin 1950 par la Corée du Nord. Dans le même temps, le secrétaire d’État George C. Marshall* annonce le 5 juin 1947 le plan — qui porte son nom — d’aide à l’Europe : le bloc soviétique rejette la proposition. Les États-Unis adoptent dès lors la politique du containment (l’expression est de George F. Kennan [né en 1904], dans un article publié en juillet 1947) : la sphère d’influence de l’Union soviétique ne doit pas s’étendre. Mais Truman ne veut pas d’une guerre qui serait nucléaire : après avoir résisté aux prétentions de Staline* sur Berlin, il finit par admettre un modus vivendi ; lorsque le général MacArthur*, qui a repoussé l’ennemi coréen et chinois jusqu’au Ya-lu, propose de déclencher un bombardement atomique sur la Chine, Truman refuse et limoge ce soldat glorieux et ambitieux. En revanche, le président des États-Unis s’emploie à régler le problème allemand, du moins dans la zone occidentale ; il fait réintégrer le Japon, redevenu libre (1950), dans le concert des nations ; il assure, en collaboration avec l’Europe, la défense du Vieux Continent et élabore le pacte de l’Atlantique* Nord et son organisation militaire (O. T. A. N.). Président jusqu’en 1953, Truman sera remplacé par le général Eisenhower*.
Harry Truman a eu de nombreux adversaires dans son parti autant que chez les républicains, en Amérique comme à l’étranger. L’histoire, toutefois, a contribué à réhabiliter cet homme modeste, mais courageux, aimant les joies simples, mais capable de comprendre les affaires mondiales, un Américain moyen qui a su affronter, avec des échecs et des réussites, les périls du monde d’aujourd’hui.
A. K.
➙ Démocrate (parti) / États-Unis / Guerre mondiale (Seconde).
E. F. Goldman, The Crucial Decade and After : America 1945-1960 (New York, 1956 ; 3e éd., 1966). / W. La Feber, America, Russia, and the Cold War, 1945-1966 (New York, 1967 ; 2e éd., 1972).