Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Autriche (suite)

La politique intérieure

Populistes et socialistes ont cohabité pendant plus de vingt ans au sein d’une « grande coalition » gouvernementale (Grosse Koalition, 1945-1966). À l’origine, il s’agissait de constituer une sorte de gouvernement d’union nationale, dont faisaient partie aussi les communistes afin de favoriser le retour à la pleine souveraineté du pays. Mais, après 1955, le système a continué à exister. La force de l’habitude ne suffit pas à expliquer cette situation, qu’il faut attribuer à l’effondrement des extrêmes, à la constitution de deux grands partis de force sensiblement égale et dont les grands principes demeurent finalement proches quant à l’essentiel (démocratie, libertés individuelles et collectives, progrès social par exemple), à la volonté de se servir de la plate-forme gouvernementale pour faire valoir ses propres opinions et réaliser ses propres réformes. En 1920, déjà, Karl Renner parlait de l’État comme d’un « levier » qu’il voulait utiliser pour faire triompher le socialisme (der Staat als Hebel des Sozialismus).

Un tel système a pour caractéristique de transférer les oppositions politiques et parlementaires au sein même du gouvernement, et le socialiste Karl Waldbrunner a pu parler de « conflit de classes au sein du gouvernement » (Klassenkampf in der Regierung). L’avantage réside dans la stabilité gouvernementale, à laquelle s’ajoute une réelle paix sociale, fondée sur la « Sozialpartnerschaft » et favorisée par la présence des socialistes au gouvernement. Les inconvénients ne sont cependant pas négligeables : effacement du Parlement, réduit à un rôle d’enregistrement des décisions préparées, à la demande du gouvernement, par un Comité de coordination (Koordinationsausschuss), constitué de représentants des deux partis ; absence de contrôle de l’exécutif par le législatif ; politique de compromis, fondée sur le système du donnant-donnant, paralysant parfois l’exécutif, et surtout du partage des sphères d’influence dans les grandes administrations et les ministères.

Une réaction populaire, dont l’effet fut accentué par une dissidence à l’intérieur du parti socialiste et la constitution d’un parti démocratique du progrès (Demokratische Fortschrittliche Partei, DFP), dirigé par Franz Olah, se produisit lors des élections de 1966, qui virent les populistes composer un gouvernement à eux seuls (Einparteienregierung). Il semblait alors que l’Autriche renonçait définitivement à la coalition et à ses conséquences pratiques pour se tourner vers un système majoritaire (Majorzsystem) marqué par l’alternance au pouvoir des deux grands partis à la manière de la plupart des démocraties occidentales. Mais les élections de mars 1970 amenèrent le retour à la coalition, avec cette différence que la chancellerie revint, pour la première fois depuis 1945, à un socialiste, Bruno Kreisky. Cependant, dix-huit mois plus tard (octobre 1971), de nouvelles élections donnèrent la majorité absolue (50,04 p. 100 des suffrages, 93 sièges) au parti socialiste ; si bien que Bruno Kreisky put former un gouvernement socialiste homogène, qui demeura inchangé après les élections de 1975 dont le résultat n’amena aucun changement dans la répartition des sièges au Conseil national.

Bruno Kreisky

(Né à Vienne en 1911.) Docteur en droit, il milite très tôt dans les rangs du parti social-démocrate. Emprisonné une première fois en 1935, une seconde fois en 1938, il s’enfuit en Suède. Membre de la légation autrichienne à Stockholm (1946-1951), il est nommé ensuite sous-directeur du cabinet du président de la République autrichienne. Secrétaire d’État aux Affaires étrangères (1953), député socialiste (1956), il détient le portefeuille des Affaires étrangères de 1959 à 1963. En 1966, il est élu président du parti socialiste ; quatre ans plus tard, il accède à la chancellerie.

J.-M. V.


La population

Dans ses limites actuelles, l’Autriche comptait 4,5 millions d’habitants en 1869 et 7,5 en 1971. L’augmentation n’est pas négligeable lorsqu’on considère la rudesse du milieu naturel. Les surfaces improductives occupent 13 p. 100 du territoire, et les forêts 37 p. 100.

L’Histoire a profondément marqué la démographie autrichienne. Le démembrement de l’Empire, en 1919, a provoqué le départ de centaines de milliers de personnes. Les pertes ont été importantes pour Vienne, qui passe de 2 083 000 habitants en 1910 à 1 615 000 en 1971. Le Vienne autrichien n’exerce plus la même attraction que le Vienne impérial. En plus, la ville est devenue une ville frontalière, ce qui réduit son aire de rayonnement. L’exode rural n’a pas vidé les montagnes. Le Tyrol a plus que doublé sa population en un siècle (1869 : 236 000 hab. ; 1971 : 541 000 hab.). Les provinces montagnardes de Salzbourg et du Vorarlberg doublent largement ; les autres provinces qui se partagent la montagne connaissent une évolution un peu moins favorable, mais toujours positive. Cette non-désertion des campagnes a été un des facteurs de réussite du tourisme en Autriche. Les fortes densités dans les vallées alpines rentabilisent les investissements d’infrastructure et, de ce fait, ouvrent le pays aux activités touristiques.

L’industrialisation du xixe s. n’a guère touché l’Autriche proprement dite. C’est la Bohême qui fut la Ruhr autrichienne. La présence de la Cour à Vienne entraîna un refus d’industrialisation de la ville pour ne pas susciter des désordres politiques consécutifs au développement d’un prolétariat.

Comme au temps de l’Empire, la démographie autrichienne est marquée par un excédent féminin (112 femmes pour 100 hommes), et la pyramide des âges n’est pas trop favorable. Les moins de vingt ans totalisent 30,4 p. 100 de la population, et les plus de soixante-cinq ans 13,7 p. 100. De ce fait, la population théoriquement active groupe 55,9 p. 100, chiffre assez élevé. Cependant, cette structure indique un vieillissement préjudiciable, à moyenne et à longue échéance, au développement économique.