Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Autriche (suite)

La voie est alors ouverte à la signature du mémorandum de Vienne, le 10 mai 1955, avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, du mémorandum franco-autrichien (même date) et enfin du traité d’État (Staatsvertrag), le 15 mai 1955, au palais du Belvédère à Vienne. Ce traité est ainsi désigné parce qu’il contient des dispositions qui lient l’Autriche dans sa Constitution (neutralité ; reprise de la loi du 3 avril 1919 sur les Habsbourg-Lorraine) et qu’il n’est donc pas seulement un traité de paix. Le traité d’État porte rétablissement de l’Autriche « en tant qu’État souverain, indépendant et démocratique », garantit l’intégrité territoriale du pays et ses frontières telles qu’elles étaient au 1er janvier 1938, interdit toute union, même économique ou douanière, avec l’Allemagne, protège l’existence et la survie culturelles des minorités slovène et croate de Carinthie, de Styrie et du Burgenland, prévoit la poursuite de la dénazification, définit le statut militaire de l’Autriche et les dispositions économiques concernant les biens allemands.

Sans même attendre la fin du délai fixé pour l’évacuation (26 oct. 1955), les troupes étrangères quittent le territoire national. Redevenue pleinement souveraine, l’Autriche rétablit une armée fédérale (Bundesheer), dont la fonction, conformément au statut de neutralité, est strictement défensive ; puis elle est admise aux Nations unies (14 déc. 1955).

Karl Renner

(Untertannowitz [auj. Dolrí Dunajovice], Moravie, 1870 - Vienne 1950).

Il milita très tôt dans le parti socialiste autrichien, où il représenta la tendance modérée, réformiste et nationale contre la gauche révolutionnaire et internationaliste. Après avoir refusé de devenir ministre du dernier empereur, Charles Ier, en 1917, il intervint activement au sein de l’Assemblée nationale provisoire en faveur de l’établissement d’un régime nouveau. Chancelier (nov. 1918 - juin 1920), c’est lui qui proclama la république le 12 novembre 1918. Il dirigea le gouvernement, allié au parti chrétien-social avant de laisser celui-ci assumer seul les responsabilités du pouvoir. À l’intérieur de son parti, il fut l’adversaire d’Otto Bauer (1881-1938), champion de l’« austromarxisme », antibolchevique également, mais moins conciliant. Président du Conseil national en 1930, il démissionna en 1933, permettant à Dollfuss de supprimer le Parlement. Soucieux d’éviter une guerre civile, il chercha à établir un modus vivendi provisoire avec le régime corporatiste, sans pouvoir, toutefois, empêcher l’affrontement sanglant de février 1934 et la dissolution de son parti. Refusant l’exil, il demeura en Autriche sous Dollfuss et après l’Anschluss. Restaurateur, en 1945, de l’État et de la République, il gouverna avec habileté et ténacité (avr.-déc. 1945), imposant une autorité centrale et nationale malgré la présence des puissances occupantes. Le 20 décembre 1945, le Conseil national et le Conseil fédéral, par une mesure exceptionnelle excluant le recours au suffrage universel, le portèrent à la présidence de la République.


La politique extérieure

La politique étrangère de la IIe République est une politique de non-immixtion dans les affaires des autres pays, de refus des blocs, de recherche obstinée de la détente et de soutien aux organisations internationales. L’Autriche joue parfois un rôle discret d’intermédiaire dans certains conflits ou sert de lieu de rencontre entre les grandes puissances (entretiens Kennedy-Khrouchtchev de 1961). Conformément à sa tradition historique de carrefour entre les mondes germanique, latin et slave, elle a voulu être un pont entre l’Europe de l’Ouest et de l’Est.

Les circonstances, sur ce point, ne lui ont guère été favorables, et l’Autriche a ressenti durement les événements de Hongrie (1956) et de Tchécoslovaquie (1968), durant lesquels elle a dû se borner à accueillir les réfugiés de ces deux pays. Par ailleurs, deux autres problèmes importants n’ont pu être résolus par sa diplomatie. L’opposition de l’Union soviétique, interprétant dans le sens le plus strict le statut de neutralité défini par le traité d’État, a empêché l’Autriche d’adhérer au Marché commun.

L’autre échec, plus grave surtout sur le plan sentimental, concerne l’irritante question du Tyrol du Sud (Haut-Adige), enlevé à l’Autriche en 1919 par les Alliés pour récompenser l’Italie de son attitude durant la Première Guerre mondiale et que les nazis eux-mêmes, soucieux de maintenir de bonnes relations avec l’Italie fasciste, ne revendiquèrent jamais (accord Mussolini-Hitler de 1939). L’accord Gruber-De Gasperi, conclu le 5 septembre 1946 après de difficiles négociations, a permis de donner aux habitants de cette région un statut d’autonomie dans le cadre de la République italienne. Mais ce statut lui-même a été partiellement remis en question par la création d’une région autonome qui englobe deux provinces, Tyrol et Trentin, et dans laquelle la population germanophone se trouve de nouveau nettement minoritaire. Malgré les attentats, qui tendent, toutefois, à diminuer depuis quelques années, la position dure du parti populiste du Haut-Adige de Silvius Magnago (Südtiroler Volkspartei, SVP), l’Autriche s’efforce de trouver un règlement acceptable pour tous par la voie de négociations avec l’État italien voisin, auquel rien d’autre ne l’oppose vraiment, et en tenant compte du fait que le Brenner est depuis cinquante ans maintenant la frontière naturelle nord de l’Italie.


Les institutions politiques

Les institutions politiques sont régies par la Constitution de 1920, modifiée en 1929, augmentée par des dispositions générales datant de la monarchie (loi fondamentale d’État sur les droits généraux des citoyens du 21 décembre 1867) de la Ire et de la IIe République, ainsi que par des clauses du traité de Saint-Germain (protection des minorités) et de la Convention européenne des droits de l’homme, considérées comme lois constitutionnelles fédérales (Bundesverfassungsgesetze).

L’Autriche est une République fédérale fondée sur les principes de la souveraineté du peuple, de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. L’ensemble se présente comme un compromis subtil entre fédéralisme et centralisme, parlementarisme et régime présidentiel, démocratie directe et démocratie représentative.