Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

transplantation (suite)

Pour que la greffe ait toute chance de réussir, il faut que l’organe prélevé soit bien irrigué et bien oxygéné au moment du prélèvement. On est donc amené à fixer les limites de la vie de l’individu donneur avant l’arrêt de son cœur. Une circulaire ministérielle du 24 avril 1968 fixe avec précision les conditions imposées par la loi française à l’« arrêt des manœuvres de réanimation cardio-respiratoire » ou à leur poursuite temporaire pour « ne pas interrompre prématurément l’irrigation de l’organe à prélever ». Ces conditions sont la constatation par deux médecins, dont un chef de service hospitalier, de « preuves concordantes de l’irréversibilité de lésions incompatibles avec la vie », affirmant le « caractère destructeur et irrémédiable des altérations du système nerveux central ». Cette affirmation doit se fonder sur les circonstances étiologiques, la perte de la respiration spontanée, de tout tonus musculaire, de tout réflexe avec mydriase fixe et la « disparition de tout signal électro-encéphalographique pendant une durée jugée suffisante » (électro-encéphalogramme « plat »).


Est-il légitime de faire subir aux receveurs les risques d’une transplantation ?

Cette question, débattue en particulier à propos des greffes de cœur, se pose au médecin chaque jour à propos de toute thérapeutique, car toute thérapeutique comporte un risque. La réponse se trouve toujours dans la mise en balance des avantages que l’on peut espérer en obtenir et des inconvénients qui peuvent en résulter. Pour exemple, citons ce chiffre du centre de transplantation hépatique dirigé par T. E. Starzl à Denver : 95 p. 100 des malades en attente d’une greffe de foie y sont morts avant qu’on ait pu leur trouver un donneur.

Les transplantations d’organes constituent un des progrès les plus marquants faits ces dernières années en thérapeutique. Ainsi qu’il en est de toutes les grandes découvertes humaines, elles ne sont possibles que par la multitude des connaissances accumulées antérieurement ; elles ouvrent de nouvelles voies de recherche, mais aussi elles laissent dans leur sillage des « retombées » dont bénéficient tous les secteurs de la médecine.

J. T.

➙ Greffe / Immunologie.

 F. D. Moore, Give and Take. The Development of Tissue Transplantation (New York, 1964 ; 2e éd. : Transplant. The Give and Take of Tissue Transplantation, 1972). / F. Rapaport et D. Dausset (sous la dir. de), Human Transplantation (New York, 1968). / A. Lengerova, Immunogenetics of Tissue Transplantation (Amsterdam, 1969). / P.-J. Doll, la Discipline des greffes et des transplantations (Masson, 1970). / J. Hamburger, J. Crosnier, J. Dormont et J. F. Bach, la Transplantation rénale. Théorie et pratique (Flammarion, 1971).


Les initiateurs des transplantations d’organes


Christian Barnard,

chirurgien sud-africain (Beaufort West, Le Cap, 1922). Le premier, il osa pratiquer une transplantation cardiaque chez l’homme en décembre 1967. Spécialiste de la chirurgie à cœur ouvert et élève de l’Américain Norman E. Shumway, il employa la méthode mise au point par celui-ci chez le chien et qui devait être utilisée ensuite par les chirurgiens du monde entier.


Alexis Carrel,

médecin français (Sainte-Foy-lès-Lyon 1873 - Paris 1944). Il est le véritable précurseur des transplantations et de la chirurgie à cœur ouvert. Interne des hôpitaux de Lyon en 1896, il se révéla d’une grande dextérité. Impressionné par les travaux de Mathieu Jaboulay sur les sutures vasculaires, il alla prendre des leçons de broderie et acheta les aiguilles les plus fines chez un mercier pour utiliser un fil ténu dans les sutures vasculaires qu’il réalisait chez le chien. Après son internat, il partit visiter le Canada, puis les États-Unis. Il s’y fit remarquer par l’exposé de ses travaux expérimentaux et accepta un poste d’enseignant et de chercheur à Chicago, où il travailla avec P. Guthrie. Puis, en 1906, il entra au Rockefeller Institute for Medical Research, qui venait d’être créé à New York. L’adresse qu’il avait acquise dans les sutures vasculaires lui permettait de réaliser les transplantations rénales sur les animaux de laboratoire. Carrel étudia également le moyen de cultiver des tissus sur des milieux spéciaux, comme on le faisait pour les microbes : une culture de myocarde d’embryon de poulet qu’il commença en 1912 est toujours poursuivie actuellement. Dès cette période, Carrel démontra l’intérêt de la réfrigération dans la conservation des tissus et des organes. Ces travaux lui valurent le prix Nobel en 1912. En 1914, dès la déclaration de la guerre, Carrel revint servir son pays dans un hôpital de première ligne qu’il créa près de Compiègne avec l’aide monétaire de la Rockefeller Foundation. C’est alors qu’il mit au point avec l’Anglais Henry Drysdale Dakin le traitement des plaies de guerre par l’irrigation continue à l’hypochlorite de soude (solution de Dakin), toujours connue sous le nom de « méthode de Carrel ». Après son retour à New York en 1919, il reprit ses travaux expérimentaux. L’aviateur Charles Lindbergh, mécanicien de talent, vint travailler avec lui à la mise au point d’une pompe de circulation extracorporelle et d’un appareil de ventilation artificielle. Carrel recherchait ainsi les moyens de cultiver les organes, comme il cultivait les tissus, et de réaliser, comme on le fait maintenant, des opérations à cœur ouvert.

À côté du chercheur inventif, rigoureux dans ses observations, scrupuleux dans ses déductions, dont les méthodes de travail et les découvertes ont laissé une large marque dans la biologie et la médecine, il y a dans Alexis Carrel un penseur chrétien, ami de Bergson, qui s’est fait connaître du grand public par l’Homme, cet inconnu (1935), la Prière (1945), Réflexions sur la conduite de la vie (1950).


Norman Edward Shumway,

chirurgien américain (Kalamazoo, Michigan, 1923). Ce pionnier de la chirurgie cardiaque fit ses études à l’université Vanderbilt, à Nashville. Docteur en médecine en 1949, il se spécialisa en chirurgie cardiologique à l’université du Minnesota. Il a effectué plus de 300 transplantations cardiaques chez l’animal avant d’en effectuer une chez l’homme. Il ne fit, en effet, sa première greffe du cœur que le 6 janvier 1968, à l’université Stanford, un mois après que son élève Barnard eut fait l’opération princeps au Cap.