Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tradition (suite)

Cette structure, en apparence plus fragile, comme dans l’islām, où le « phénomène Église » n’existe pas, est, en réalité, bien moins exposée aux divisions profondes et mieux adaptée au prosélytisme. L’unité initiatique et religieuse d’une tradition dépend de ses opérations spirituelles et de leur nécessaire diversité plutôt que de l’autorité de ses institutions. L’expérience du « tout autre », qu’exige l’approche du Sacré, nécessite un esprit de perpétuelle nouveauté à l’intérieur d’un autre temps que celui de l’histoire, temps « recréé » par les mythes, les rites et les symboles, qui en commémorent les origines. C’est en fonction de cette durée sacrée qu’opère l’Esprit traditionnel véritable, qui, d’âge en âge, se transmet dans la seule mesure où il ne cesse d’être réellement incarné.

R. A.

 J. Juster, les Juifs dans l’Empire romain. Leur condition juridique, économique et sociale (Geuthner, 1914 ; 2 vol.). / R. Otto, Das Heilige. Über das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen (Breslau, 1917, nouv. éd., Munich 1963 ; trad. fr. le Sacré. L’élément non rationnel dans l’idée du divin et sa relation avec le rationnel, Payot, 1929, nouv. éd., 1949). / J. Ranft, Der Ursprung des katholischen Traditionsprinzips (Würzburg, 1931). / G. Childe, What happened in History (Hardmondsworth et New York, 1942, nouv. éd., Baltimore, 1964 ; trad. fr. De la préhistoire à l’histoire, Gallimard, 1963). / R. Guénon, le Régne de la quantité et les signes des temps (Gallimard, 1945). / O. Cullmann, la Tradition. Problème exégétique, historique et théologique (Delachaux et Niestlé, 1953). / Y. Congar, la Tradition et les traditions (Fayard, 1960-1963 ; 2 vol.). / G. Ebeling, Wort Gottes und Tradition (Göttingen, 1964).

traduction

La traduction est un cas particulier de convergence linguistique : au sens le plus large, elle désigne toute forme de « médiation interlinguistique », permettant de transmettre de l’information entre locuteurs de langues différentes. La traduction fait passer un message d’une langue de départ (LD), ou langue-source, dans une langue d’arrivée (LA), ou langue-cible.


La « traduction » désigne à la fois la pratique traduisante, l’activité du traducteur, et le résultat de cette activité, le texte-cible lui-même.


Le métier de traducteur

Il faut distinguer l’interprétariat — cette « traduction orale », qui peut être successive ou simultanée — de la traduction proprement dite, portant sur des textes écrits. S’il y a un fond de démarches analogues sous-jacentes à ces opérations différentes, les écoles d’interprètes et de traducteurs n’en distinguent pas moins très nettement les deux filières.

Le traducteur (comme aussi l’interprète) doit disposer d’une solide connaissance de ses langues de travail, d’une culture générale étendue et, dans le cas des traductions « techniques », d’une connaissance du domaine auquel appartient le texte à traduire. La formation de traducteur est assurée, pendant une durée de trois ou quatre ans, par des instituts universitaires comme l’E. S. I. T. (École supérieure d’interprètes et de traducteurs) à Paris, l’École d’interprètes de Genève, etc. La langue-cible est presque toujours la « langue maternelle » (langue A), le traducteur ayant en général deux langues-source de travail (langues B et C).

Quant au « thème » et à la « version » pratiqués dans le cadre scolaire, ils subordonnent les opérations de traduction à la stratégie globale de l’enseignement des langues et comportent tout un ensemble de contraintes propres ; ce sont des exercices pédagogiques qui représentent un cas limite, relativement aberrant par rapport à la traduction proprement dite. Cette dernière vise à produire un texte pour un public et non pour un correcteur ; c’est un acte de communication économiquement déterminé par les conditions de production du traducteur.

Très nombreux sont les traducteurs n’ayant pas fréquenté les instituts de formation spécialisés et ceux pour qui la traduction n’est qu’un métier d’appoint. Les traducteurs à plein temps sont employés dans des bureaux de traduction, privés ou publics, ou bien ils exercent ce métier à la commande et comme une profession libérale. La dimension juridique que peuvent revêtir les traductions (dans le cadre d’un procès ou pour les traités entre États, par exemple) a suscité l’existence de différents corps de traducteurs-experts accrédités.

La France est relativement en retard dans le domaine de la traduction, par rapport à l’Italie par exemple, et nombre d’ouvrages étrangers très importants attendent longtemps leur traduction française (à l’exception, peut-être, des textes en anglais-source). Les conditions économiques viennent ici converger avec un traditionnel ethnocentrisme culturel. Les éditeurs se plaignent de ce que les traductions se vendent mal et de la mauvaise qualité des traducteurs. Ces derniers connaissent des conditions économiques souvent très dures : sous-payés et pressés par les échéances de leurs contrats, ils sont parfois amenés à négliger la qualité pour accroître leur rendement ; de plus, le prestige social du métier de traducteur est assez faible.

Les traducteurs ont un syndicat national, la S. F. T. (Société française des traducteurs), qui est elle-même à l’origine de la création de la F. I. T. (Fédération internationale des traducteurs). La traduction est propriété littéraire et protégée comme telle par le droit français (loi du 11 mars 1957).

On distingue traditionnellement traduction littéraire et traduction technique. Cela correspond à une différence entre les types de textes à traduire, mais aussi à des clivages d’ordre économique : les « littéraires » traduisent des livres et sont rétribués, assez modestement, selon le régime des droits d’auteur (avec, en principe, un à-valoir forfaitaire) ; les « techniques » reçoivent le plus souvent des honoraires, qui sont plus substantiels. La tentative de création d’une Association des traducteurs littéraires de France, par scission de la S. F. T., fait écho à ces clivages. On appellera traduction technique la traduction de textes aussi bien juridiques, scientifiques, etc., que proprement techniques ; la traduction d’un ouvrage de sciences humaines est considérée comme une « traduction littéraire ».