Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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toxicomanie (suite)

Parmi les facteurs déclenchants ou précipitants, citons les maladies ou accidents aux conséquences douloureuses, dévalorisantes ou invalidantes : inactivité prolongée, infirmité, diminution des capacités physiques et mentales, échecs familiaux, conjugaux et professionnels, deuils, isolement, situations d’abandon, de transplantation, l’oisiveté. On incrimine aussi à juste titre la contamination par des pervers pourvoyeurs de drogues, l’influence néfaste de certains milieux culturels où le snobisme prend la forme d’une recherche malsaine de sensations inédites autant qu’interdites, l’exercice de quelques professions prédisposantes : théâtre, cinéma, musique, littérature.

Signalons les rares toxicomanies justifiées ou inévitables qui se développent chez des malades organiques affligés de douleurs atroces.


Les diverses toxicomanies

Diverses classifications des drogues toxicomanogènes ont été proposées. On distingue des poisons excitants, enivrants, sédatifs, ou hypnotiques, euphorisants, analgésiques, etc. On oppose, d’autre part, les drogues des toxicomanies majeures à celles des toxicomanies mineures, mais les limites de ces catégories sont assez floues.

• Les grandes toxicomanies sont relatives aux stupéfiants naturels, opium, morphine, héroïne, coca et cocaïne, chanvre indien (hachich, marijuana, kif, ganja, etc.), et à leurs dérivés médicamenteux plus ou moins actifs (laudanum, codéine), ou synthétiques (péthidine, dihydrocodéinone, méthadone, phénadone, dextramoramide, etc.).

Il faut en rapprocher les substances psychotropes hallucinogènes ou psychodysleptiques : mescaline, psilocybine, LSD 25 surtout, dont la toxicomanie a pris une extension considérable, et les aminés psychotoniques, ou amphétamines, et leurs nouveaux dérivés.

L’alcoolisme* (alcoolomanie) doit être considéré comme une toxicomanie grave par ses conséquences individuelles désastreuses, sa fréquence et son retentissement socio-économique.

• Les autres toxicomanies sont dues principalement aux barbituriques* et aux hypnotiques divers (quelques-uns de ces hypnotiques ont dû être récemment inscrits au tableau « B » stupéfiants), au chloral, à l’éther, aux bromures, aux médicaments réducteurs de l’appétit, à certaines hormones, aux laxatifs.

En revanche, les neuroleptiques, les antidépresseurs n’entraînent pas de toxicomanie vraie : l’augmentation des doses conduit à des phénomènes pénibles qui annulent rapidement l’agrément de leurs effets initiaux. Certains tranquillisants peuvent entraîner, quoique rarement, une toxicomanie.

Outre les médicaments, on connaît de multiples poisons responsables de toxicomanies mineures, tels le tabac, le café, le thé...

Les polyintoxications, ou associations de divers toxiques, sont fréquentes. L’alcool constitue une sorte de drogue de prédilection combinée, selon les cas, à un stupéfiant, une amphétamine, des barbituriques ou des hallucinogènes. De nombreux toxicomanes utilisent dans leurs « périodes de pénurie » des poisons substitutifs aux effets en général moins puissants. On peut observer aussi des changements successifs de toxique chez le même malade.

Dans le choix de tel ou tel type de drogue entrent en jeu non seulement les motivations individuelles, les facteurs occasionnels ou de hasard, mais aussi les influences socioculturelles. Chaque peuple ou chaque société peut avoir son toxique de prédilection : alcool en France, opium en Extrême-Orient, kif en Afrique du Nord , héroïne, amphétamines et LSD aux États-Unis.

La législation

La France, qui pendant longtemps fut surtout un lieu de transit des stupéfiants dont l’usage peut provoquer la toxicomanie, a été une des premières nations à réglementer la production, la détention et le commerce des substances vénéneuses et des stupéfiants. Les substances vénéneuses se classent en trois tableaux (A : produits toxiques ; B : produits stupéfiants ; C : produits dangereux). Le tableau B comprend deux sections, la seconde concernant les substances destinées à la médecine. C’est dans cette dernière catégorie que se trouvent placés la majeure partie des stupéfiants utilisés par les toxicomanes confirmés : opium et ses dérivés, cocaïne, LSD 25, kif, amphétamines. Ceux qui sont en usage dans la pharmacopée ne peuvent être délivrés que sur ordonnance accompagnée d’un bon tiré d’un carnet à souches et seulement dans la mesure où la quantité prescrite ne dépasse pas sept jours d’utilisation.

L’extension dans le monde entier de la drogue et de la polytoxicomanie a conduit à adopter le 30 mars 1961 une convention unique sur les stupéfiants. La France a déposé l’instrument d’adhésion le 19 février 1969 et a publié la convention par décret du 2 mai 1969. La convention crée un organe international de contrôle, prévoit que les parties assureront sur le plan national une coordination de l’action contre le trafic illicite et s’assisteront dans leur lutte ; après avoir envisagé des mesures pénales, elle veille à ce que les parties prennent les mesures destinées à faire traiter et soigner les toxicomanes en assurant leur réadaptation.

Sur le plan intérieur, la France a également adopté, le 31 décembre 1970, une loi relative à la lutte contre la toxicomanie : c’est à la fois un texte de politique sanitaire et de répression. La toxicomanie prend place parmi les fléaux sociaux.

En ce qui concerne les mesures sanitaires, la loi envisage trois situations : les toxicomanes peuvent être signalés soit par le procureur de la République, soit par l’autorité sanitaire des services médico-sociaux ; ils peuvent également se présenter spontanément aux services de prévention et de cure. Les mesures médico-sociales sont identiques dans tous les cas (examen médical, cure de désintoxication, postcure), mais, alors que les personnes visées dans les deux premiers cas sont placées sous le contrôle de l’autorité sanitaire, les personnes qui se présentent spontanément ne le sont pas et bénéficient de l’anonymat.